Village Terrien

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Le village était comme endormi. Il n'y avait pas un chat, seul la brise du vent se promenant à travers les maisonettes sifflait dans mes oreilles. J'étais sûre de ne pas être à Hima puisqu'ici, le sol était pavé. Hima se contentait d'éléments simples : des chemins de terres, de l'herbe et des huttes en argile blanche. Les portes de nos maisons étaient rondes et assez petites pour limiter l'utilisation de bois. Les habitants vivaient surtout en pleine nature, éloignés des autres maisons, au milieu des champs et des collines. Seul le petit bar nous permettait de se rencontrer mais la plupart du temps, nous nous évitions et nous restions solitaires.

Dans cette petite ville, les habitations étaient organisées en cercle autour d'une jolie fontaine en pierres rouges, qui avec le temps est sans doute devenue plus pâle, tournant au rose. Comme si, à la différence d'Hima, la priorité était de se retrouver autour de celle-ci, en famille ou entre amis. Au milieu de l'eau, un piloti était décoré de plantes à fleurs rouges contrastant avec la façade jaune vif d'une des maisons.

Cette ville respirait la joie et je la préférais déjà à Hima. Elle était pleine de couleurs et je crois que c'est ce qui me plaisais le plus chez elle.

Je contournai la fontaine pour admirer de plus près l'architecture de la maison. Elle était magnifique. Les volets oranges étaient encore fermés mais ceux marrons au dessus de la grande porte cochère révélaient de fins rideaux en dentelles. J'en étais maintenant certaine par la simple vue de ce tissu : je n'étais plus dans le quartier des Affranchis. Je compris alors à quel point je m'étais éloignée de chez moi. Le caste le plus proche était celui des Manuelles : les pécheurs et artistes. Mais à en voir le cadre où je me trouvais, je devais être dans le village de ceux qui utilisent leur talent pour nous faire voyager.

Je contournai le batiment et montai le petit escalier en pierre sur la droite de celui-ci. Je découvris avec joie, une vitrine de peintures et de sculptures plus somptueuses les unes que les autres. Je deposai ma main sur la vitre pour rapprocher mon visage et voir un peu plus les scènes de vies qui y étaient représentés. Mes yeux scintillaient de bonheur pendant que mon souffle formaient de la buée sur le verre. En reculant de quelques pas, j'apperçus au dessus de celle-ci des poutres apparantes en bois très foncé se croisaient dessinant à elles-seules des rectangles, des triangles et même des croix sur la façade. Les fenêtres étaient bordés de poteaux sculptés en personnages ou en séries d'objets du quotidien assemblés en long.

Intérieurement, je remerciais l'Univers de m'avoir mis sur ma route un si beau chef d'oeuvre.

  • C'est la reconstitution d'un village Terriens.

Je sursotai. Drake s'était silencieusement glissé à mes côtés, sans m'en rendre compte, alors que je m'exclamais sur la splendeur de ma découverte. Il avait revêtis une veste en cuir noir et s'était allumé un cigare bien plus petit que ceux dont j'avais eu la chance de voir.

  • C'est une cigarette, sourit-il lorsqu'il me vit grimaçer.
  • Une cigare...ette ?, dit-je étonnée.

Il hocha la tête.

  • Alors comme ça, tu connais la vie du peuple terriens ?
  • Oui, en quelque sorte, répondit-il sans plus de détails.

Je ne comprenais pas pourquoi ce groupe laissait systématiquement un mystère planer autour de n'importe quel sujet que j'abordais. Cela en devenait inssuportable.

Je continuai de marcher dans la ville mais cette fois, accompagné. Nous traversions les ruelles qui devenaient de plus en plus étroites. La couleur des façades passait du bleu au rose, du vert au jaune et du jaune au blanc. Nous passâmes un petit pont qui s'élevait au dessus d'une rivière traversant une allée d'autres habitations. Elle était paisible. J'eus un rictus en pensant à mon bon vieux torrent d'Hima.

  • Comment vont tes poignées ?, me demanda subitement Drake.

Je jetai un coup d'oeil en remontant les manches de ma veste kaki.

  • La douleur est passée. Et toi, ta joue ?, hésitai-je à demander.

Il tourna sa tête pour me la montrer et retorqua :

  • Je crois que tu devras frapper plus fort la prochaine fois, la marque est partie, fit-il en faisant la moue.

Je souris. Pour combler le silence pesant et génant qu'il y avait entre nous, Drake s'assit en passant ses jambes sous la rambarde. Je fis de même.

  • Ecoutes Drake, je ne reviendrais pas sur ce que j'ai dis, mais je tenais à m'excuser du geste que j'ai eu à ton égard.

Il ria.

  • C'est plutôt à moi de m'excuser de tout ce que je t'ai fait. T'avoir drogué, ligoté et pris les poignets comme je l'ai fait ne sont pas des choses que je crirais sur tout les toits, admit-il.
  • Je ne sais pas qui vous êtes et ce que vous me voulez, c'est dur pour moi de vous faire confiance. Je me demande même si c'est une bonne idée de rester seul avec toi au bord de l'eau, si tu vois ce que je veux dire.

Il tourna les yeux en soupirant.

  • Seulement, de savoir que Mama Thésia était au courant de tout ce qui se tramait... ça me rend confuse, expliquai-je. J'ai à la fois ce sentiment de trahison qui met dans un état de colère intense, et je ne vais d'ailleurs pas en reparler parce que la colère revient, riai-je timidement.
  • On va éviter en effet, fit Drake en soufflant la fumée qu'il venait d'aspirer.
  • Et en même temps, je ne peux pas cacher le fait d'être rassuré, parce que malgré tout Mama Thésia reste une personne de confiance, continuai-je. Si elle m'a laissé aller avec vous c'est pour une raison. Mais pourquoi de cette manière ? Elle qui a toujours agit dans la bienveillance, l'humilité et l'amour...
  • Elle ne le savait pas, tout simplement.
  • Comment ?
  • C'est assez compliqué, et tu comprendras au fur et à mesure du temps que tu passeras avec nous, mais Thésia ne devait pas tout savoir. C'est notre faute, si on s'y est mal pris, et au nom de tout le groupe, on s'excuse.

Je l'acueillis en silence. Soudain, une question me trottai dans la tête. Tu es si naïve Leïna ! Ils peuvent tout aussi bien te la mettre à l'envers.

  • Comment je peux être sûre que vous ne me racontez pas n'importe quoi vis-à vis d'elle d'ailleurs ?

Il aspira une dernière fois la fumée de sa cigarette et la jeta au sol pour l'écraser.

  • Ma soeur Raven est partie la chercher. On ne pensait pas que tu te remettrais si vite sur pied, et avec autant d'énergie !, ironisa-t-il. Voilà pourquoi elle n'est pas là, maintenant, avec nous.

Je fixai le mégot qu'il ne ramassait toujours pas.

  • Tu ne vois pas qu'il y a quelque chose qui cloche ?

Il me regarda fixement dans les yeux m'interrogeant du regard. Sans réponse de ma part, il m'observa plus en détail de haut en bas.

  • Nan, rien à voir avec moi, m'impatientai-je. J'accepte que tu fumes, ce n'est pas mon problème. Par contre, ça le devient quand tu infliges tes déchets aux autres.

Il ricana en ramassant celui-ci.

  • Nan mais c'est vrai ! Ce n'est pas notre faute, mais la tienne. Alors si ça t'embètes autant, de l'avoir dans ta main pendant quelques minutes, arrêtes de fumer. Tu vois bien qu'il n'y a aucun déchet dans les rues.
  • Drake ?

Kaera arriva à pas décidé vers nous.

  • Thésia est là.

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