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Jules n’en revenait toujours pas. Le cul sur sa chaise haute, tout lui semblait irréel.

Sur l’ilot central, Marie et Babacar s’activaient pour chercher un lien entre les informations qu’ils possédaient et les nouvelles. Le tableau à roulette avait été complètement effacé, il fallait tout reprendre à zéro, reconstruire chaque raisonnement et incorporer l’ensemble des éléments disponible.

Alors que ses deux compères s’activaient, Jules se déplaça vers le salon.

Il avait fait fausse route depuis le départ. Certes, Dimitri s’annonçait de plus en plus comme le coupable, mais il avait perdu du temps et la véritable victime de son incompétence était Lucas. Il frappa le mur du poing et lâcha un hurlement de colère.

- Ce n’est pas le moment de t’apitoyer sur ton sort connard. Ramène ton cul de blanc-bec et aide-nous.

Marie n’avait pas retenu ses mots, à la grande surprise de tous. Jules obtempéra, le visage marqué par sa frustration.

- On abandonne Diane Le Tane pour le moment. À part le fait qu’elle possède un passé commun avec Balkichvki et que Piotr continue de communiquer avec elle, nous n’avons rien de très concret.

- On doit mettre le paquet sur le Russe.

- Tu as raison Bounty, je suis certain qu’il est la clef. du problème. Je l’ai senti distant lors de notre entretien quand j’a évoqué sa propre vie. Il m’a caché quelque chose d’important.

- Et pour le père d’Alexian ? Andreï Kritovsk. Tu le penses impliqué ?

- Je ne sais pas trop quoi penser.

Jules relut les pièces transmises par Betty.

- Le scénario le plus simple aurait dû être que Dimitri Balkichvski, apprenant que son ami a tué son fils, décide de les venger et de l’éliminer, suggéra Marie le stylo à la main. Pourtant il a décidé d’utiliser la société de Kritovsk comme trompe l’oeil.

- Quel lien avec Alexian ?

Babacar s’éloigna du duo. Son mal de crâne le saisit de nouveau. Une nouvelle poche de glace sur le front, il s’allongea sur le canapé et ne mit que peu de temps à s’endormir. Il l’avait bien mérité après tout.

- Il était un moyen de pression pour Balkichvski, je suppose. Il était aussi en affaire avec Mâcon par rapport à la drogue. Un faux pas dans un deal ou bien un faux pas du père dans les affaire et le couperet tombe en retour.

- Cela tient debout, bougonna Jules.

- Mais ?

- Mais trop simple. Et Philippe ? Pourquoi a-t-il fui ?

Une question qui resta sans réponse.

Marie se dirigea vers les ordinateurs et se mit à faire des recherches. Les révélations de la clef avaient soulevé de nouvelles inconnues qu’il fallait éluder au plus vite. Lucas devait rejoindre sa cellule d’ici demain après-midi et la jeune avocate savait pertinemment qu’il ne passerait pas la nuit.

- Tu devrais te reposer un instant aussi, tu as une sale mine.

Jules aurait aimé suivre le conseil de son amie, mais il avait deux coups de téléphone à passer. Qui était le plus apte à lui fournir des informations sur le renommé Dimitri Balkichvski ? Pas de doute : Nicolas Laville. Il planta sur son portable et attendit.

Laville décrocha à la troisième sonnerie. L’échange fut court et bien pauvre. Le flic apprit au juriste qu’il avait eut à faire à Balkichvski durant une affaire de trafic de stupéfiants quelques années auparavant. Mais le nom « torgovlia » ne lui rappelait rien. Après quelques mots sur Alice, Jules prit congés de son beau-père.

Le second coup de fil fut pour Charles. Jules partagea avec le lieutenant toutes ses découvertes. En retour, le policier lui promit d’apporter tous les documents qu’il avait en sa possession le lendemain matin.

- Je ferai des recherches sur la société Tro…

- Trogovlia.

- Oui, c’est ça. Comment vas-tu ? Et Babacar ? Je m’inquiète pour vous.

- On fait avec rassure toi. Le monde n’est pas prêt de se débarrasser de nous, crois-moi.

- Tu devrais te ranger Jules.

Il n’y eut pour réponse qu’un blanc. La conversation ne s’éternisa pas plus.

Le sommeil gagnait peu à peu le jeune homme. Marie continuait ses recherches, il ne la dérangerait pas. Sur le canapé, les ronflements de Babacar s’élevait telle un chant intimant à Jules de la rejoindre. Il resta là un instant, les yeux braqués sur son ami. Dupuis n’avait pas tort, il mettait en danger ses proches à jouer les détectives. Mais tous avait eu le choix de le suivre ou non.

Jules s’assit dans un fauteuil, tenta de minimiser un bâillement et s’assoupit sans opposer de résistance.

Lorsqu’il ouvrit les paupières, l’horloge murale affichait 18h05. Marie sirotait une limonade, concentrée sur son travail. À sa droite, des feuilles de notes. Son stylo dansait sur le papier au fur et à mesure qu’elle lisait des articles de presse sur l’écran de l’iMac.

- Je dois me rendre chez les Kritovsk.

La jeune femme stoppa son activité et pivota sur sa chaise. Elle planta son regard dans celui du garçon et dit :

- Mauvaise idée.

- Pourquoi ? Il faut que je parle à la mère d’Alexian, que je fouille sa chambre.

- Tu veux plutôt te confronter au père.

- Aussi.

- Mauvaise idée, répéta-t-elle.

Elle reprit son boulot et lança à Jules.

- Départ dans cinq minutes.

Il eut un sourire en coin. Il prit son sac à dos qu’il remplit de son attirail habituel. Sur un morceau de papier, il demanda à Babacar de trouver tout ce qu’il pourrait sur Philippe Congronet. Il lui laissait carte blanche.

Le trajet jusqu’à la villa vu bref, un petit quart d’heure durant lequel Marie et Jules n’échangèrent pas le moindre mot. Chacun eut besoin de ce silence pour se reposer. S’engageant dans la rue, Marie s’arrêta sur le trottoir d’en face.

- Je m’occupe de Babacar et je vais continuer de remuer ciel et terre pour comprendre cet histoire de fils tué. Ne prends pas de risque s’il te plaît.

Elle n’eut pas de réponse. Rien d’inhabituel avec l’énergumène.

Jules referma la portière de la voiture et observa le véhicule s’en aller. Quand il eut quitté la rue, il se retourna et pressa le bouton de la sonnette. Seul face à la grande grille, il sut au fond de lui que les minutes à venir seraient décisives.

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