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- Un petit nouveau, dans mon bureau. Dégage !

Jules fit volte-face. Il se retrouva face à un homme et une femme. Il reconnut sans peine la tristement célèbre Diane et en déduisit qu’il s’agissait de Philippe, son « toutou ».

- Bonjour. Je venais juste récupérer les affaires d’Alexian.

- Je m’en fous mec, dégage de mon box avant que je pète un putain de câble là.

Blessé dans sa fierté, Jules se leva et déplia son corps sur toute sa hauteur. Sa carrure ôta à Philippe son petit sourire narquois. Diane le détailla avec un regard agressif, mais ne lui accorda pas le moindre mot. Elle tourna les talons et s’écarta à grandes foulées.

Jules n’eut pas le temps d’analyser l’un de ses principaux suspects. D’un côté, il avait un portrait atroce de cette femme : prête à tout pour réussir, autoritaire, menaçante, manipulatrice et parfois violente. L’essence même d’un meurtrier. Mais de l’autre, aucune preuve. Jusqu’à…

- Cette femme me fait peur, même si je la connais bien.

Cette simple phrase attira toute l’attention du jeune homme. Face à lui, Philippe s’était rapproché, les épaules recroquevillées, les doigts croisés et la tête incliné vers le bas. Il chercha Diane d’un regard en biais.

- Je l’ai souvent entendu dire qu’elle tuerait pour avancer. Elle n’a pas de limites.

- Pas de limites ? C’est-à-dire ?

- Je me rappelle qu’une fois, nous avons trafiqué les résultats de tests pour qu’elle puisse finir dans les trois meilleurs employés. Elle a même fait consommer de la drogue à un petit nouveau pour qu’il soit positif au dépistage urinaire. Renvoyé illico le gamin.

L’archétype de la carriériste qui ne supporte pas sa propre ombre. Tous les moyens étaient bons pour se mettre dans la lumière. Ce genre de personne réagissait le plus souvent de façon excessive à une menace pour leur poste, leur projet ou un avancement.

- Mais de là à tuer une personne… Il y a un grand pas à franchir.

Madame Pearson, cadre de la boite, passa près des deux hommes. Elle les regarda dubitative, mais continua son chemin.

- Diane voulait cette promotion, reprit Philippe. Elle avait travaillé pendant des mois, jour et nuit parfois.

- Et ?

- Quand ce con… Enfin je veux dire Alexian, quand il a su qu’il était promu, il est venu la charrier devant tout l’étage. Pas très fin… Elle était hors d’elle, à limite de lui sauter à la gorge.

- Je vois. Vous travaillez ici depuis combien de temps ?

- Cinq ans.

Les moulins à paroles, actionnez-les et asseyez-vous confortablement dans fauteuil, un petit verre à la main, ils feront le reste. Un petit souffle de temps en temps, pour l’entretien.

- Vers quelle heure est-elle partie le soir du meurtre ?

- Je l’ai vue partir un peu plus tôt ce soir-là, continua Philippe.

- Une heure précise ?

- Je dirais aux alentours de dix-neuf heures et quart.

Enfin un élément concret. Jules réprima un sourire de satisfaction.

Au loin, Diane émit un sifflement. Son doigt pointa son « toutou ». Il se retourna vers Jules, lui fit un bref signe de la tête, et se précipita aux pieds de sa maîtresse.


***


La boîte refermée, le jeune homme la replaça avec exactitude et quitta le box. Il ne savait que trop penser des révélations que lui avait faites Philippe. Si elles l’orientaient dans ses recherches, Jules se méfiait des évidences qui aveuglent ou lieu d’éclairer. Quelques vérifications s’imposaient.

Sur le chemin pour rejoindre l’ascenseur, le juriste s’arrêta brusquement. Un salarié râla après l’avoir percuté. Du café s’était renversé sur sa chemise bleu ciel. Jules esquissa un petit sourire d’excuses. Hors du champ de vue de l’homme, il leva les yeux au ciel. Jules le faux-cul, acte quatre cent six.

Il interrogea une personne et demanda où se situait le box de Lucas Laville. La personne hésita un instant. Le prénom de Lucas était-il devenu plus mortifère que la peste ? Le débat était ouvert. Un coup d’oeil de chaque côté et la personne s’en alla sans aider le visiteur. Après quelques tentatives infructueuses, un vieil homme lui indiqua l’emplacement en catimini.

Sur le bureau, une boite en carton avait aussi été préparée. Jules s’autorisa un léger coup d’œil. Le couvercle soulevé, il découvrit deux choses qui ne lui plurent pas.

La première était un porte-stylos à deux emplacements. Un seul des deux était plein. Jules fouilla rapidement le reste du carton, sans retrouver le second exemplaire.

Pire encore fut le moment où l’enquêteur de fortune se remémora la description de l’arme du crime. Elle correspondait, il n’y avait pas de doute possible. Le stylo manquant était l’arme ayant ôté la vie du jeune Kritovsk.

Ce pouvait n’être qu’une simple coïncidence. Elles sont bien plus nombreuses que l’on peut l’imaginer. Jules tenta de s’en persuader. Ses espoirs s’écroulèrent quand il lut un message de Betty :

« Ne m’adresse plus la parole et reste loin de moi. Tu n’es pas quelqu’un de fréquentable. La prochaine fois, j’irai voir la police ».

Qu’avait bien pu faire Lucas pour mettre cette jeune femme dans un tel état ? La police en déduirait un potentiel mobile, un acte de vengeance. Rien de bon, ni pour Lucas, ni pour aider Jules dans ses recherches.

Le garçon trouva une photo de son beau-frère et d’Alexian. La même que dans le carton du défunt. Il photographia une nouvelle fois tout ce qu’il put par sécurité.

Trois officiers de la police se présentèrent à l’accueil de l’étage. Jules reconnut sans difficulté son ami Charles. Le carton sous le bras, il contourna le cortège avec la plus grande discrétion. Il s’accroupit pour passer à hauteur du lieutenant Dupuis. Son cinéma perdura jusqu’à rejoindre l’ascenseur où il disparut sous les yeux interrogateurs du flic.

Il ne lui restait qu’une seule rencontre à provoquer, mais la plus dure : la famille Kritovsk. Et pour se faire, il avait un plan.

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