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Babacar avait donné rendez-vous à son acolyte près d’un hangar abandonné et désaffecté depuis plus d’une dizaine d’années. L’instabilité de la structure avait mis fin à son activité. Aucun acheteur n’avait voulu prendre de risque avec la bâtisse, sa mauvaise réputation l’avait suivie depuis.

Plusieurs cartons attendaient devant une porte abîmée par le temps et marquée par la rouille. Certains avaient été tagués d’un « fragile », d’autres d’un symbole indescriptible. Deux écrans d’ordinateur attendaient sagement sur le sol, ainsi que des chemises en cartons et des ramettes de papier.

- Par-là ! hurla le jeune homme.

Il fit un grand geste de la main en direction d’une silhouette. La personne s’arrêta, fit un signe aussi, et se dirigea vers Babacar.

Le teint rouge, Jules se pencha vers l’avant, mains sur les genoux et le souffle rapide.

- Pourquoi m’as-tu fait venir ici ? Je t’avais demandé quelque chose de discret. Pas une usine visible jusqu’à Marseille.

- Et j’ai répondu à ta demande.

La tête de Jules se redressa. Son visage traduisait à la fois l’incompréhension et le mécontentement d’être prit pour un imbécile. Il savait que son ami était un blagueur, qu’il aimait en rajouter, exagérer au possible. Mais là, la situation ne s’y prêtait plus vraiment. Il fallait agir vite.

Babacar comprit le message. Il fit un signe à son ami pour qu’il prenne les cartons contenant les ordinateurs. Sa main chercha activement dans sa poche. Il sortit un trousseau avec pas moins d’une dizaine de clefs. L’une d’elles ressortait plus que les autres. Il la fit pivoter et poussa le battant dans un grincement continu.

À peine rentré, le sénégalais s’empressa de disparaître derrière deux larges tissus noirs. Jules voulut le suivre, mais Babacar passa entre les deux draps géants.

- Attends deux ou trois minutes. Je dois rebrancher les systèmes et tout le bordel là.

- Euh…. D’accord.

Le Sénégalais disparut de nouveau et le blanc se retrouva seul. Jules transporta les cartons restés à l’entrée et observa d’un peu plus près la structure. Une impression d’insécurité enveloppa le jeune homme. Faite en poutres et colonnes métalliques, la bâtisse était à l’image de la porte d’entrée : marquées par le temps. La peinture se faisait rare.

Les murs de briques présentaient des fissures tant horizontales que verticales, mais toutes impressionnantes. Pourtant, l’ensemble tenait toujours depuis son abandon. Le toit en tuiles, était parsemé de trous, le soleil y faisait jaillir ses tentacules lumineux.

Comment Babacar avait-il pu retenir cet endroit où tout était à faire ? Pour un gars des cités, négociateur hors paire, appelé parfois monsieur « bonne affaire », il s’était fait rouler. Et en beauté. Il allait devoir lui-même se charger de trouver un lieu où établir son quartier général.

De l’autre côté de l’épais double rideau, des bruits de clefs tombant sur le sol se firent entendre. Babacar jura sur tous les saints possibles. Rien d’étonnant jusque-là, Jules avait entendu bien pire venant de sa part.

- Deux minutes mec, j’ai bientôt fini. C’est juste ce connard de générateur qui fait son bâtard avec moi là. Je vais le gifler, avec sa tête là.

Un « tchip » s’en suivit.

Jules en profita pour ressortir son petit carnet. Il ne pouvait pas encore étaler l’ensemble des pièces qu’il avait obtenues, ce qui le freinait dans sa réflexion. Son stylo à la main, il repassa la pointe sur chacun des éléments qu’il avait retenus de façon provisoire.

Son cerveau tourna à mille à l’heure. Mais rien de nouveau ne lui parut évident. Son instinct le trahissait au plus mauvais des moments.

Babacar réapparut, plein de taches de graisse.

- Tu viens de manger un poulet sans moi ?

- Tête de mes chaussures que t’es trop con ! s’exclama de rire le jeune africain. Allez, suis-moi au lieu de dire de la merde là.

Les deux compères s’approchèrent et Babacar saisit un rideau par main.

- J’espère que cela va te plaire.

D’un grand mouvement, il écarta les tissus et laissa apparaître le fruit de son travail. Ce que Jules découvrit lui mit des étoiles plein les yeux. Il ne sut que dire.

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