12

5 minutes de lecture

Doigt sur le côté de la détente, le canon de l'arme se faisait menaçant, son projectile prêt à fuser dans l'air. Radio dans l'autre main, l'homme en uniforme sollicita du renfort. Elle lui grésilla dans l'oreille sans autre retour.

Du haut de son perchoir, Babacar ne loupa pas une seule miette. Il se précipita vers l'échelle, kit piéton fixé à son tee-shirt, et regagna la terre ferme. Dans sa précipitation, il n'aperçut pas les deux hommes en uniforme stationnés face à lui. Il tourna sur sa gauche à toute vitesse. L'un des deux piqua une pointe vers la porte se refermant. Personne. Deux fois en peu de temps... Il se retourna, et rejoint son coéquipier les cinq sens en alerte.

- C'est la merde, je vais te servir de diversion gros. Le mec a sorti son pétard.

Babacar se glissa entre deux trains et reprit son souffle.

- T'as intérêt à faire sortir ce con d'ici. Compris ?

Jules resta muet. L'agent de police contournait à présent le wagon. Jules était toujours au sol. S'il bougeait, il se ferait repérer dans la seconde. Le bruit du gravas écrasé par les chaussures du flic ne cessait de s'approcher de l'intrus. Il se faisait de plus en plus envahissant. Le gémissement de la radio se stoppa net. Jules entendit les collègues de l'homme répondre à la demande de renfort. Bientôt, il serait totalement encerclé.

- Hé monsieur ! C'est quoi le problème ici là ?

L'officier pointa son flingue sur un homme noir. Jules reconnut l'accent accentué pour l'occasion de Babacar.

- Monsieur, mettez-vous à genoux, les mains en évidence.

- Mais qu'est-ce que moi j'ai fait monter l'agent de la police nationale de la France ?

« Blédard » ricana Jules. Sa seule opportunité pour s'échapper et retrouver Lucas venait de s'ouvrir. Quelques secondes tout au plus. Il se releva dans le plus grand des silences, gardant ses yeux rivés sur les deux hommes. dès qu'il le put, il disparut derrière une énième rame en réparation.

***

Jules coupa le téléphone portable, seul le talkie-walkie pourrait lui être utile. Il se déplaça dans l'ombre des patrouilles, au gré des informations lui parvenant. « Le suspect est dans la zone délimitée par H4 et G4 ». Carte en main, le juriste situa la portion à couvrir. Il était à cent mètres, grand maximum. Lucas se planquait par-là. Il devait juste être plus rapide que la police pour lui mettre la main dessus. La police, les dizaines d'hommes, leurs chiens et leur technologie ; rien que ça.

Se redressant de temps à autres, il fouilla du regard chacune des rames à côté desquelles il se situait. Aucune trace de son beau-frère. Il se stoppa un court instant, rayant trois nouveaux wagons. Il ne restait plus qu'un maigre espoir de le retrouver. Peut-être s'était-il trompé de lieu. L'idée lui traversa l'esprit. Il la chassa aussitôt.

Progressant avec prudence et subtilité, l'attention captée par ce qu'il entendait, Jules repéra une silhouette au loin. La vision troublée par la pluie tombant de plus en plus fort, formant un voile aveuglant, il eut du mal à le le reconnaître. L'ombre se tourna. Lucas.

Il saisit un petit caillou et le lança dans la direction du jeune homme. Le projectile toucha sa cible dans le dos. Elle sursauta. Se retournant, il se précipita au rebord de la rame. Son sourire aux lèvres réchauffa le coeur du blondinet. Ils étaient séparés, une dizaine de mètres à peine. Rien d'insurmontable.

- Croquette, chuchota-t-il, c'est la merde. Fais-moi sortir d'ici je t'en supplie ?

Jules lui montra le talkie-walkie.

- Putain, t'es un génie mec.

- On en parlera plus tard si tu le veux bien. Ne trainons pas.

Lucas zieuta dans l'axe principal : quatre hommes, main sur la crosse, prêt à dégainer à la moindre alerte. Il ferma les yeux, respira profondément. La pluie avait imbibé sa chemise. Le sang sur sa manche gouttait sur le sol. Il fit le vide dans sa tête, répéta ses gestes une dernière fois et s'engagea. Les mètres défilèrent avec une une lenteur, le coeur de Jules battait au ralentit. Six mètres, rien à signaler. Plus que cinq mètres à parcourir.

Se sentant à présent en sécurité, Lucas fit un grand pas vers l'avant pour sortir le plus rapidement possible de l'allée. Un tas de tuyaux en fer... Jules n'eut pas le temps de le prévenir. Son pied percuta une tige sortant du lot. Lucas eut un mouvement vers l'avant, la main jaillissant pour capturer l'objet.

La barre lui échappa.

Le bruit du métal s'entrechoquant sonna le glas.

Les agents firent volte face, leurs SIG-Sauer pointés droit sur le jeune homme. Quatre points rouges tachetèrent le torse du suspect. Il tourna les yeux.

- Levez les mains en l'air !

Paniqué, Lucas s'exécuta. Il s'allongea sur le sol et ne bougea plus. Les agents se projetèrent vers lui, menotte à la main. Jules eut à peine le temps de se glisser sous une rame. Le bruit des pinces se resserrant lui jeta un froid dans le dos. Il avait échoué. Un goût amer dans la bouche.

Un petit homme en tenu de ville et à la moustache châtain s'approcha du jeune interpelé. Aussi fin qu'un fil de fer, il se glissa entre les hommes de l'unité d'intervention. Face au captif, il se racla la gorge et commença son habituel discours.

- Monsieur Lucas Laville, je suis l'inspecteur Martinez. Nous sommes le samedi onze septembre deux mille seize et je vous place en garde à vue pour l'assassinat de Monsieur Kritovsk. Il est dix-sept heures treize, nous serons ensemble pour une durée de vingt-quatre heures. Me comprenez vous ?

Impressionné par le dispositif déployé autour de lui en moins de trois minutes, le fils Laville inclina sa tête vers le bas. Il venait de perdre tous ses espoirs, envolés les rêves.

- Je prends cela pour un oui. Vous avez le droit de garder le silence, répondre aux questions ou bien vous taire. Nous allons vous transférer au commissariat du dixième à Paris. Le reste de vos droits vous y serons donné.. Allez-y messieurs s'il vous plaît, je vais attraper une crève pas possible avec cette pluie.

Jules entendit tout le monde s'éloigner. Il s'aida de ses bras pour sortir de sa planque et s'assit, dos contre une roue. Il était transpirant. Son regard perdu dans des larmes de rage. Un long soupir s'extirpa avec difficulté. Se relevant, il passa sa main dans ses cheveux et claqua deux fois ses joues.

Quarante-huit heures. Tout au plus un jour supplémentaire. C'est le maigre délai dont il disposait pour faire toute la lumière sur cette affaire.

Au delà, Lucas serait seul.

Annotations

Vous aimez lire QuentinSt ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0