Retour en arrière 

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 Comme chaque matin, routine identique, habitude, lassitude. Je sors de sous la couette, une jambe après l’autre, me défait de la chaleur rassurante de mes draps pour me retrouver à la merci de la morsure du froid, à peine couvert d’un linge de nuit. Image neigeuse au sein d’un paysage tout aussi blanc, je marche un peu jusqu’à arriver à hauteur du lavabo présent dans ma chambre. Les mains de chaque côté de l’évier, j’attends quelques instants, avant de relever la tête pour tomber nez à nez avec ce reflet qui n’est plus le mien.

Mon teint pâle me rappelle ma situation, mes cernes la dureté de mes nuits. Mes lèvres ne sont plus qu’un léger sillon qui n’ont plus l’habitude de se mouvoir, et je vois de jour en jour, la brillance de mes yeux disparaître. Le temps emporte tout, je suis bien placé pour le savoir.

Le miroir ne descend que jusqu’aux épaules : interdiction de satisfaire le regard inquisiteur au-delà du regardable. Du bout des doigts, j’effleure mon reflet, repense à ce que j’étais avant, et me mords les lèvres, comme tous les matins.

Puis c’est la sortie dans les couloirs du centre, la rencontre des morts-vivants, des zombies ambulants, sac d’os et de chair disparues, images à la peinture passée d’un passé ne leur ayant rien épargné. Quelques sourires pour la forme, mais rien de bien chaleureux : qui aurait envie de sourire à son propre reflet dépeint sur quelqu’un d’autre, la copie de soi et en même temps.

 La cuisine avec les pilluliers, les yaourts bien plus caloriques que la moyenne, les mines défaites. Comme chaque jour, les même questionnements : si je mange ça, je vais redevenir comme avant?

Comme avant... C’était comment avant ? Avant, c’était la vie, la liberté, une vision du futur outrement plus belle, un destin dépourvu d’oeillères. C’était une vie peuplée d’images, de représentations, de personnes bien trop parfaites, mais qui m’inspirait tant, moi comme tous les autres au final. De jour en jour, la vie est passé au second plan, laissant place à la balance, aux miroirs devenus mes ennemis, aux biscuits devenus armes blanches pointées sur moi.

Avant, chaque matin, je guettais le gras, la cellulite, tout ce qui pourrait me faire passer d’humain normalement constitué à ‘’personne non-conforme’’, à personne non-désirable. Je vérifiais mon grain de peau, la brillance de mes cheveux, la peau de mon visage lissée par les crèmes et autres produits.

Tout ça pour finir ici au final ? Quel gâchis, quelle perte de temps.

Sous la table, mes genoux s’entrechoquent et une infirmière se présente alors à moi, tout sourire, illusion d’une chaleur qu’elle ne me portera pas.

— Ilias, tu as passé la barre des quarante kilos, il va falloir transfuser.

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