Chapitre I-3

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  — La mer du Fond, chuchota Azira.

Dans le même temps, une odeur salée leur parvenait, et les encourageait à aller encore plus vite.

  — On va traverser comme ça, d’un coup ? s’inquiéta Tascah.

  — Sauf si tu as une meilleure idée ! répliqua Misava.

Elles approchaient de l’eau rapidement, et purent bientôt distinguer les vagues qui roulaient jusqu’au bord en formant de l’écume pour se perdre dans le sable blanc. Si elles n’avaient pas été poursuivies, les trois amies auraient sans doute pris le temps d’admirer la beauté du paysage.

L’eau était bleu azur, elles n’en avaient jamais vu de pareille. Elle était si claire qu’on pouvait y voir à plusieurs mètres de profondeur avant qu’elle ne prenne une teinte plus foncée. Des poissons en tous genres nageaient à la surface, s’enfonçant dans les abîmes quand les ombres des dragonnes leurs passaient au-dessus. La mer était si grande qu’il était impossible pour le moment d’y voir la côte opposée. Le ciel était aujourd’hui dépourvu de nuage, et le vent soufflait en direction de l’ouest. Les conditions étaient parfaites, mais par conséquent elles l’étaient aussi pour leurs poursuivants, qu’elles apercevaient à quelques kilomètres en arrière. Ces derniers avaient encore réduits la distance entre eux.

Misava fut la première à s’élancer au-dessus de l’eau en passant devant les autres.

  — On devrait rester en file indienne et près de l’eau, pour mieux profiter du vent ! dit-elle en haussant le ton pour se faire entendre.

Les dragonnes bleues hochèrent la tête. En regardant sa sœur depuis sa position en arrière, Azira se dit que si les guerriers-ombres les suivaient, ils ne les repèreraient probablement pas, elle et Tascah. En revanche, les écailles brunes-vertes de Misava la rendait très visible dans le fond uniformément clair que formait la mer et le ciel.

Dans un premier temps, les dragonnes poursuivirent leur vol au même rythme jusqu’à ce que Misava, qui était repassé derrière, les informe qu’elles n’étaient plus suivies.

  — Alors on fait-demi-tour ? demanda Tascah.

  — Quoi ? s’exclama Misava. Tu es folle ! Si on fait demi-tour, on leur rentre dedans. Et puis à mon avis, on est plus près du bord de l’Ouest que de l’Est maintenant. On ne tiendra pas si on rebrousse chemin. En plus le vent nous pousse, si on fait demi-tour on va se retrouver face à lui alors qu’on est déjà à la limite de nos forces.

  — C’est bon, j’ai compris, bougonna Tascah.

Alors elles continuèrent.

Azira apercevait de temps à autres de gros poissons qui venaient frôler la surface. N’y tenant plus, elle plongea soudain la patte dans l’eau, devinant la surprise de ses compagnes qui hoquetèrent de frayeur. Elle la ressortit, les griffes refermées sur du vide, en grommelant.

  — Ça ne va pas la tête ?! s’exclama sa sœur devant. Tu pensais pouvoir attraper quoi comme ça ?

  — C’était trop tentant ! s’excusa Azira. On a appris à pêcher au Lac du Pic non ?

  — Oui, mais pas en pleine mer ! répondit Misava.

  — J’avais juste envie d’attraper un poisson !

  — Je sais, dit Tascah. On en meurt toutes d’envie. Mais imagine qu’une vague te happe ! Les courants pourraient t’entraîner au fond ! C’est trop dangereux.

  — Il faut continuer sans manger, continua Misava. On n’a pas le choix.

Azira ne répondit pas. Elle savait qu’elle n’aurait pas dû tenter le diable mais elle mourait de faim. Ses compagnes aussi, elle le savait.

La nuit s’installant, elles durent se concentrer davantage et se fier uniquement à leur ouïe et leur sens de l’orientation pour être sûres de continuer tout droit.

 

Mais tandis qu’il faisait nuit, elles ne se rendirent pas compte qu’une tempête s’était levée. Azira, en tête désormais, remarqua soudain que le vent changeait régulièrement de direction. En se concentrant elle devina également que les vagues étaient plus fortes et montaient plus haut. Elle frissonna.

  — Les filles, vous sentez ?

Les deux autres, maintenant informées, remarquèrent alors les perturbations qui se formaient autour d’elles.

  — J’ai l’impression que ça augmente de plus en plus en puissance, souffla Tascah.

Ses amies ne répondirent pas, préoccupées. Il était maintenant impossible de ne pas entendre le vent et les vagues s’écraser les unes contre les autres. Les dragonnes tentèrent comme elles purent de maintenir le cap vers l’ouest, mais Azira fatiguait et elles avaient trop peur de s’égarer si l’une reprenait les devants. Alors elle tint comme elle put, Misava et Tascah l’encourageant et lui indiquant la bonne direction quand elle déviait sans s’en rendre compte.

Elles n’arrivaient pas à déterminer depuis combien de temps elles volaient désormais. Tout ce qu’elles espéraient, c’était d’atteindre la côte. Mais elles n’étaient même pas sûres de s’en rendre compte quand cela arriverait –si cela arrivait. Elles étaient de plus en plus ballotées par les vents et parfois ceux-ci les envoyaient frôler la mer avant de les faire remonter en flèche. Elles n’avaient pas d’autres choix que de le laisser les malmener en essayant de garder la bonne direction. Azira laissa échapper un cri quand elle sentit une vague lui passer au travers.

  — Vous entendez ? demanda soudain Misava, sa voix se distinguant au milieu des sifflements du vent.

  — Quoi ? répondit Tascah.

  — Rien ! Je n’entends plus l’eau ! Juste le vent !

Les dragonnes n’eurent pas besoin de plus d’explications pour deviner que si elles n’entendaient plus l’eau, c’était qu’elles l’avaient dépassée. Azira descendit en flèche, les deux autres la suivant en la surveillant de peur qu’elle ne s’écrase au sol de fatigue dans sa précipitation. Mais elle parvint à freiner, devinant quelques secondes avant qu’elle ne l’atteigne la terre nue mêlée au sable.

Épuisée, elle se roula en boule à et s’endormit presque sur le champ malgré le vent qui continuait de faire rage autour d’elle. Misava et Tascah se pelotonnèrent à ses côtés et s’endormirent aussi, trop fatiguées pour seulement penser à installer un tour de garde ou pour chercher un endroit plus confortable où dormir. De toute façon, elles n’y voyaient rien à plus de deux mètres même si le vent s’était un peu calmé. Elles savaient juste qu’elles n’avaient pas dépassé de très loin la mer puisque du sable se trouvait encore sous leurs pattes.

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