IV

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Une fois encore, Pierre s’était réveillé en sursaut, quelques gouttes de sueur perlant sur son front. Le jeune garçon se sentait un peu coupable d’avoir été agressif avec Sän qui n’avait pourtant rien d’hostile, mais il ne pouvait supporter que quelqu’un lui parle de ses parents, surtout de cette manière. Il était persuadé qu’ils avaient juste disparus et qu’il suffisait de les retrouver.

Ce monde s’offrait soudainement pour lui donner l’opportunité de l’explorer et de retrouver ses parents, ça ne pouvait être que ça. Une sorte de quête existentielle dans le seul but d’être réunis. Il ne connaissait toujours pas les motivations de Sän, mais le fait d’être parti si vite n’allait pas l’aider à obtenir des réponses. Le plus important demeurait ses parents, le reste était secondaire.

Le jeune garçon refusait toujours d’adresser la parole à Christelle et Philippe. Tous deux semblaient désemparés face à cette situation et les consultations avec le médecin n’aboutissaient à rien, le garçon restait hermétique à tout dialogue. Les adultes ne faisaient que lui faire ressentir plus de malaise face à cette situation, ne pas leur parler lui permettait de couper court à toute tentative et cela l’arrangeait bien.

Néanmoins, lors du dîner, alors que Pierre avait prévu de manger et de s’isoler dans sa chambre, Christelle et Philippe tentèrent à nouveau de parler avec le garçon qui avait le nez plongé dans son assiette de haricots verts accompagnés d’un steak :

  • Tu sais, commença Christelle, demain nous pourrions aller à l’aquarium. Nous avons vu dans tes affaires que tu avais quelques souvenirs de cet endroit, c’est que tu dois beaucoup aimer t’y rendre, n’est-ce pas ?

Pierre agitait ses couverts, plongé dans ses pensées. Il sentit une tension monter en lui.

  • Oui c’est vrai, continua Philippe, nous avons trouvé une très belle photo avec ta maman et ton papa, tu devais beaucoup t’y amuser.

C’en était trop, ces gens qu’il connaissait à peine n’avaient pas à lui parler de ses parents de cette façon. Il se leva et cria violemment :

  • Ne me parlez pas de ma mère et de mon père comme ça ! J’ai pas envie d’aller à l’aquarium avec vous tout simplement car je n’irai qu’avec mes parents, quand je les aurai retrouvés !
  • Non, écoute, nous ne voulions… tenta de dire Christelle.
  • Je vous déteste, vous n’êtes pas mes parents et vous ne le serez jamais alors laissez-moi tranquille !
  • Calme toi, calme-toi, nous te laisserons tranquille, tu peux te reposer dans ta chambre si tu veux…

Pierre courut avec rage jusque sa chambre, rentra et claqua la porte. Il se posa alors dos contre la porte et se laissa glisser par terre. Sa respiration était haletante, il ressentait une rage folle qu’il ne pouvait contenir. Ses tremblements ne s’arrêtaient pas, son cœur battait la chamade.

Pourquoi ses parents l’avaient-ils laissé avec ces individus ?

Il commençait à en vouloir à la terre entière et même à ses propres parents qui, pour lui, l’avaient abandonné. Décidemment, il se sentait vraiment seul dans ce monde, tel un ermite regardant tristement l’horizon et sachant pertinemment que la douce sensation des regards s’était envolée à tout jamais.

L’orphelin resta à la même place pendant plusieurs dizaines de minutes, son regard fixa un point invisible que seul lui pouvait imaginer. Ses mots se mélangeaient, ses pensées se chevauchaient. Sa crise de colère l’avait beaucoup émoussé, il commençait à se sentir fatigué. N’ayant pas la force d’aller jusque son lit, il resta adossé à la porte, ses paupières commençant peu à peu à peser.

La porte de l’armoire s’ouvrit alors et Sän apparu, toujours avec cette frimousse rassurante.

  • Je suis désolé, tu sembles avoir eu une journée difficile. Et désolé que l’on se soit quittés comme ça la dernière fois… Viens avec moi, j’ai quelque chose à te montrer.

Pierre n’avait pas la force ni l’envie de répondre. Il se leva et, mécaniquement, prit la main de Sän, direction le monde onirique.

Une fois le pied posé dans cet « autre monde », Pierre prit quelques instants pour profiter du calme et de l’apaisante chaleur du lieu. Désormais, cet endroit lui semblait familier, c’était devenu un havre de paix, un refuge où le jeune garçon prenait plaisir à revivre. Un ailleurs, un quelque part qui lui redonnait espoir. L’espoir de jours meilleurs, en compagnie de ses parents.

Une fois pleinement reposé, l’esprit clair et tranquille, Pierre se retourna vers son ami, qui l’attendait patiemment, allongé dans l’herbe couleur de jade, la queue flottant au gré du vent et lui demanda :

  • Est-ce que tu vas bientôt m’emmener voir mes parents ?

Sän prit un visage déconcerté et inquiet et répondit à Pierre :

  • Tu veux dire que tu n’as toujours pas compris pourquoi je t’emmène ici ? Tu refuses toujours de croire ce que je t’ai dit.
  • Je ne comprends pas ce que tu veux dire ? préféra-t-il répondre tout en éludant ce qu’il lui avait dit auparavant.
  • On dirait qu’il est encore trop tôt.

Pierre se sentait troublé par les paroles de celui qu’il considérait jusqu’alors comme son ami. Il ne savait pas où Sän voulait en venir, tout ce qu’il souhaitait à cet instant c’était retrouver ses parents. Les paroles et l’attitude de son ami à la queue simiesque l’éloignaient à présent de ce désir inextinguible.

Les pensées de Pierre commencèrent à se troubler. Il ne savait que faire, que dire, ses yeux se mouillèrent de larmes qui lui coulèrent le long des joues, ses douces et tendres joues d’enfant encore candide et pleines d’espérance et d’optimisme.

Cette fragile conviction fut brisée en un instant. Devant la douleur causée par ces quelques mots, le jeune garçon tomba à terre, sur les genoux, prit les mains de Sän qui attendait encore, impassible, et sanglota :

  • Je t’en prie, laisse-moi voir mes parents ! S’il te plait ! Tu es là pour ça non ? Pour m’aider à les retrouver ? Je n’en peux plus de ne pas les voir, j’ai besoin d’eux, ils me manquent…S’il te plait…S’il te plait…
  • Je n’ai pas ce pouvoir, lui répondit Sän, personne ne l’a.

Pour la première fois depuis leur rencontre, son nouvel ami ne parlait pas d’un ton amical et chaleureux, sa voix révélait même de l’agacement face à la réaction de Pierre.

  • Qui penses-tu être ? Tu n’es pas quelqu’un de spécial Pierre, tu es un enfant comme les autres. Les drames, ça arrive, c’est malheureux mais c’est comme ça. Ce qui est arrivé à tes parents est horrible mais ce n’est pas un cas isolé, cela arrive tout le temps à travers le monde. Je suis navré de t’avoir laissé penser que je pouvais changer quoi que ce soit à leur situation.

Ces paroles, Pierre ne les écoutait même pas, ses pensées n’étaient occupées que par ses parents. C’est tout ce qui comptait à cet instant : les retrouver.

  • Je t’en supplie, je ferai tout ce que tu veux… dit-il.
  • Mais je ne veux rien Pierre, répliqua San.
  • Il y a bien quelque chose ! Je te promets, je ferai n’importe quoi si tu m’aides à les retrouver, tout ce que tu veux ! Qu’est ce qui te ferait plaisir ? Demanda le jeune garçon entre deux soupirs.
  • Je ne peux rien faire. Et toi non plus.

Les pleurs de Pierre redoublèrent d’intensité, il hurlait et implorait. La tristesse le consumait, cette peine incommensurable n’était autre qu’une cloison épaisse séparant deux jardins, le sien et celui de ses parents. Il ne pouvait croire à tout ça. Ses parents ne pouvaient l’avoir quitté pour toujours, c’était impossible.

Le visage tordu de chagrin, l’enfant se mit alors à promettre à tout va qu’il serait toujours sage, qu’il ferait tout ce qu’on lui dirait si on lui ramenait ses parents.

Sän, attristé par l’état de son compagnon, s’approcha de lui et posa délicatement sa main sur sa tête.

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