Vampire

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Je devais faire vite, le jour allait bientôt se lever. Si j'étais encore dehors à ce moment là, la lumière du soleil, cet astre maudit, allait me réduire en un tas de cendres. A moins que cela soit moi qui soit maudit ? Non, impossible, j'étais un immortel, doté de facultés phénoménales, cela me rapprochait davantage de la divinité que de ces pathétiques humains. Je courrai dans la rue, devançant les premières lueurs du jour pour m'engouffrer chez moi. Une fois arrivé, je me dépêchai de vérifier que chacun des rideaux, bien opaques, étaient correctement tirés. Il ne manquerait plus qu'un rayon vint pénétrer mon sanctuaire d'obscurité. Ensuite, je rejoignis mon lit pour aller dormir jusqu'au crépuscule. Certains de mes congénères apprécient de se reposer dans des cercueils comme la croyance populaire mais personnellement, je ressens de l'anxiété quand je suis dans des endroits confinés. Alors dormir dans une boîte... J'en ai la chair de poule rien qu'à cette pensée. Et puis, un bon matelas est tellement plus confortable. À peine avais-je fini d'émettre cette pensée que je me sentais dériver peu à peu dans le sommeil.

Je me réveillai légèrement après le crépuscule. Je passai à la cuisine pour avaler frugalement un bout de pain. Cette nourriture infecte, pour les êtres humains, me donnait envie de vomir mais elle m'aidait à tenir le temps que je me trouve du sang frais pour regagner des forces convenablement. J'allai rapidement dans la salle de bain pour brosser mes dents blanches, j'insistai également sur mes canines prononcées, elles devaient être parfaites. Mon teint était blafard mais c'était commun parmi les individus de mon espèce. Nous fuyions le soleil comme le pire des fléau alors ma peau paraissait dangereusement pâle pour les humains. Certains en avaient peur quand je les approchais. Je ressortais dans la nuit comme si j'étais fluorescent. Je trouvais ça magnifique, surtout quand le sang rouge de mes victimes faisait ressortir la blancheur immaculée de ma peau. L'obscurité était à présent bien tombée, je décidai de mettre un long manteau noir pour pouvoir sortir chasser. J'allais ouvrir la porte quand quelqu'un toqua avec agressivité. Je restai immobile, retenant mon souffle, la main crispée sur la poignée.

- Marco ! Marco ! Tu es là ? Ouvres moi ! C'est Patricia, ouvres !

Satanée bonne femme, elle était revenue ! Cela faisait plusieurs semaines qu'elle venait toquer à la porte en espérant que je lui ouvre. Je ne voulais rien à voir avec elle. Je ne l'avais jamais vue mais sa présence derrière la porte me donnait le même genre de sentiment que lorsque j'étais enfermé quelque part. Une sensation de devoir fuir s'installait alors inlassablement en moi. Elle était dangereuse pour moi.

- Marco ! insista encore la voix féminine.

Elle tambourina à la porte encore de longues minutes. Je n'avais pas bougé d'un millimètre. Avec mon souffle et mon cœur ralentis, elle ne pourrait pas m'entendre même si je bougeais. Je ne faisais jamais de bruit, je glissais aisément sur le sol mais elle arrivait à me faire perdre mes moyens. Alors je restai simplement sans bouger. La voix répétait toujours ce nom qui n'était pas le mien. J'ignorais pour qui elle me prenait celle là. Elle était probablement dérangée ou se trompait de maison. Enfin, après de longues minutes de martelage contre ma porte, elle se résigna enfin et je l'entendis s'éloigner. Par mesure de précaution, je décidai d'attendre chez moi avant de sortir. Je n'avais aucune envie de tomber sur elle en quittant la maison. Je pestai intérieurement, elle me faisais perdre un temps précieux. À cause d'elle, il était possible que je n'ai pas assez de temps pour me dénicher une proie convenable. C'est en colère, un rictus faisant tressauter mes lèvres et découvrant ma dentition par intermittence que je m'élançai enfin dans la nuit.

J'arpentai tranquillement les rues. J'habitais dans le centre de la ville. Il y avait un bon nombre de boîtes de nuit, de bars et de restaurants à proximité. J'évitai de me rendre dans les quartiers chics, les gens trop propres sur eux étaient davantage méfiants. Mais dans les zones plus malfamées, les humains étaient soûls voire même drogués en sortant de leurs petites soirées, il m'était encore plus facile de les approcher. Je m'installai dans un coin sombre d'une ruelle sur laquelle débouchait plusieurs sorties de boîtes de nuit. Guetter et trouver une proie appropriée demandait du temps. Parfois, je rentrais bredouille de ma chasse. Ces nuits étaient les plus frustrantes. Car je ne recherchais qu'un type de sang bien particulier. J'avais au fil de mes expériences trouvé quel mets était le plus délicieux. Je trouvais que le sang des femmes était meilleur par rapport à celui des hommes. Plus sucré, plus fruité. Ensuite, il ne fallait pas qu'elles soient trop maigres comme c'était la mode parmi les êtres humains. Je ne comprenais pas leur culte des gens qui avaient la peau sur les os. Leur sang devenait pauvre, tous les nutriments étant drainés par leurs organes affamés. Une femme de bonne corpulence donc. Et j'avais un petit faible pour les rousses mais cela ne changeait en rien le goût du sang, c'était juste un petit bonus agréable.

J'attendis de longues heures dans la fraîcheur de la nuit. Plusieurs fois, des femmes qui correspondaient à mes envies sortaient des boîtes de nuit mais elles n'étaient pas seules, ces femmes toujours en groupes me compliquaient la tâche. Pareil pour ces humains cherchant des coups d'un soir dans les clubs. Ils repartaient bien souvent avec une proie potentielle. Je finis par en avoir assez d'attendre, mon ventre criant famine après le maigre bout de pain que j'avais mangé en me levant bien des heures auparavant. Je décidai de prendre la prochaine fille qui me satisfaisais et si elle était accompagnée, je n'aurais qu'à assommer son compagnon. Ayant enfin décidé, l'attente devint légèrement plus supportable. Je regardai des groupes sortir, des hommes seuls n'ayant pas réussi à inviter de filles chez eux. Tous passaient près de moi sans même me voir. J'étais fondu dans les ténèbres. C'est vers deux heures du matin que la bonne fille est sortie. Elle avait l'air perdue. Comme si elle cherchait quelqu'un. Mon regard acéré me permis de remarquer plusieurs tampons sur son poignet. Elle avait été dans au moins quatre boîtes de nuit ce soir d'après mes observations. Elle était de bonne constitution sans avoir de kilos en trop et avait quelques mèches rouges dans sa chevelure brune. Ce n'était pas encore du roux mais je n'allais pas faire la fine bouche aujourd'hui. Je m'approchai d'elle doucement et lui murmurai :

- Un dernier verre ma jolie ?

Elle se retourna et écarquilla les yeux en me voyant. C'est étrange, d'habitude les gens étaient surpris par mon teint pâle mais jamais à ce point là.

- Marco ?

Je grimaçai en entendant ce nom et cette voix. C'était elle ! L'enquiquineuse démolisseuse de porte ! Eh bien, elle avait mal choisi son bar ce soir. Elle arrêterait enfin de me harceler après ce soir. J'espérais au moins qu'elle avait bon goût.

- Marco ! C'est toi ! Je t'ai cherché partout !

Mais qu'est ce qu'elle m'énervait à m'appeler ainsi ! Je n'étais pas son foutu Marco ! Le sentiment de fuite qu'elle m'inspirait remonta brusquement en moi. Je la regardais dans les yeux, elle n'avait pas l'air de vouloir s'en aller quoi que je puisse lui dire. Je décidai de rentrer alors dans son jeu.

- Oui. Je suis désolé. dis-je avec le plus de regrets que je pouvais.

- Enfin ! Je suis allée chez toi mais tu n'as jamais ouvert...

- Désolé. répétais-je sans consistance.

J'avais commencé à marcher vers ma maison et comme je le pensais, elle m'emboîta le pas pour me suivre. C'était encore plus facile que d'habitude avec les filles à moitié soûles qui sortent seules des bars. Elle ne me lâcha pas d'une semelle jusqu'à la porte de ma maison. Je fouillai ma poche et sortais la clé. En ouvrant la porte, mon regard dériva sur son cou où j'arrivai presque à voir battre le sang dans ses artères. Cela me mit l'eau à la bouche.

- Marco... On s'inquiète pour toi tu sais... Tu ne réponds pas à nos appels...

Je lui enlevai son manteau et lui apportais un verre d'alcool avec un puissant somnifère à l'intérieur. Dans quelques minutes, elle serait enfin endormie et je n'aurais plus à supporter sa voix et ses « Marco ».

- Tu n'as pas l'air bien. dit elle en buvant une gorgée.

- Mais si. Répondis-je en souriant de toutes mes dents, laissant apparaître mes canines.

- Tu as recommencé à te limer les dents ? s'alarma-t-elle.

Elle but encore une gorgée avant de faire le tour de la maison. Elle semblait chercher quelque chose mais je ne lui accordais aucune importance, dans moins de cinq minutes elle s'effondrerait. Elle revint de la salle de bain avec un petit flacon rempli de cachets.

- Marco ! Depuis quand tu as arrêté ton traitement ? C'est important !

- De quoi tu parles ? répétais-je avec un sourire carnassier que je ne pus réprimer.

Ses yeux s'agrandirent alors en me voyant. Elle semblait avoir compris quelque chose et réalisa qu'elle se sentait de plus en faible.

- Marco... Qu'est ce que tu m'as donné ?

- Un somnifère.

Je n'avais pas envie de lui cacher, elle sembla devenir terrifiée, son cœur s'accéléra et pompa son sang à toute vitesse dans son corps. J'arrivais à l'entendre de là où j'étais. Cela me mit l'eau à la bouche. Je fis un pas vers elle.

- Reprends-toi ! Tu n'es pas un vampire ! Marco !

- Bien sur que si... Et tu es mon déjeuné...

- Merde ! Ta vision de la réalité est altérée enfin... Tu ne te rappelles pas ?

- C'est toi pauvre humaine qui vit dans une illusion, je suis un immortel ! Et je suis bien réel !

- Non ! Tu es schizophrène !

Elle n'arrivait plus à lutter contre le cachet, elle recula jusqu'à un fauteuil où elle s'effondra. Je me plaçai au dessus d'elle, les canines découvertes en un rictus de plaisir anticipé.

- Bon appétit...

***

« L'essentiel pour le schizophrène est une question d'appartenance,et d'une appartenance toujours douteuse. »

Paul-Claude Racamier

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