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Lola était passée voir Marvin un an après avoir tenté de le tuer. Il n'avait pas l'air si différent. Elle avait pris ses distances et n'était resté que quelques minutes pour l'observer au loin et constater qu'il était bien en vie. Cela l'avait en quelques sortes rassuré. Elle avait gardé une pensée pour lui depuis tout ce temps car malgré le certain mépris qu'elle pouvait avoir sur lui, elle en restait attachée.

Le secrétariat et la direction prirent note sans contestation de la semaine de congé que le Docteur Jeunet eut décidé de prendre à la dernière minute. Il devenait victime d'un surmenage au travail à force de se dévouer plus que de raison. Lola n'eut pas de mal à manipuler le personnel pour le lui faire croire. Elle en profita aussi pour leur faire oublier l'incident passé quelques jours plutôt. Elle n'a pas ce pouvoir de voyager dans la mémoire des gens ou de la modifier. Son grand talent se joue uniquement sur la capacité à influer et persuader son monde. Elle est l'unique dans son espèce et n'a jamais rencontré quelqu'un qui hypnotise à son niveau. Elle fait en sorte que l'on passe outre certains événements, certains visages sans pour autant les effacer, simplement en les enfouissant. Les agents de sécurité ont également fait les frais de cet oublie collectif. Elle compris en effet plus tard que lorsque quelqu'un est sous influence directe de Marvin, rien ne peut plus le perturber. Celui-ci ignorait probablement ce qu'il faisait.

Ainsi, elle pris soin de venir lors d'un jour de repos du Dr Jeunet. D'habitude, elle ne s'approchait pas des autres patients, ceux-ci déjà perturbés risqueraient de sombrer bien plus profond et d'altérer aussi ses capacités. Marvin fut le seul avec qui elle accepta ce risque à long terme.

Elle se retrouva en face de Guillaume, il était l'un des plus proches entourages de Marvin. Elle lui posa une série de questions pour voir s'il se souvenait de son ami. Il se tenait debout dans la galerie de l'hôpital face à un tableau. Il admirait cette horloge vide poursuivre les chiffres et les aiguilles qui se firent la belle.

- Lorsque j'ai demandé qui avait dessiné ça, on m'avait dit que c'était un ancien patient. Mais personne savait vraiment.

Lola regardait ce pauvre homme s’apitoyer devant ce dessin, elle eu pitié de son destin. Guillaume n'avait pas encore la trentaine, sa rondeur et la grosseur de ses joues contribuaient à le voir comme un enfant qui n'avait jamais grandi. Personne ne savait qu'il était là, comme la plus part des malades mentaux, personne ne pouvait penser à lui, à sa vie. Certains avaient de la chance d'avoir une famille qui les soutennaient malgré la difficulté. Il y avait les gens en pleine capacité, puis il y a les autres, ceux qui n'auraient pas la chance d'avoir ce cadeau de la vie appelé « la raison ». Ceux-là seront condamnés à être parqués et à être considérés comme des erreurs, des anomalies qu'il fallait éloigner du reste du monde pour le bien de celui-ci et pour leur propre bien à eux également.

Son apparence d'enfant était trompeuse, Guillaume n'était pas attardé.

- Vous savez, je n'ai pas d'ami imaginaire. Ce n'est pas parce que je suis fou que j'ai toutes les folies.

- Pourquoi dites-vous ça ?

- Ils n’arrêtent pas de faire comme-ci Marvin était mon ami imaginaire.

- Vous vous souvenez de lui ? Demanda t-elle intriguée.

- C'est lui qui a fait ce dessin.

Comment Guillaume a t-il pu passer entre les mailles du filet de Marvin ? Il se souvenait de lui. Il savait qui il était et pourtant, n'a pas su le reconnaître lorsqu'il se faisait passer pour son docteur. Soit lui aussi était spécial, soit Marvin n'a pas voulu s'en prendre à son esprit. Lola faisait toutes les suppositions possibles à mesure que Guillaume parlait. Elle se demandait toujours si Marvin avait vraiment agit inconsciemment où pas.

- Quand est-ce qu'il est parti ? Lui demanda t-elle.

- Il y a longtemps. Je ne le voyais plus, j'ai demandé où il était passé. Personne savait c'était qui. Même le docteur me disait qu'il avait jamais été là.

- Tout le monde s'est mis à complètement oublier qu'il y avait un patient nommé Marvin dans cet hôpital ?

- Sauf moi, et Laure aussi. Et Laure est parti. Il y a que moi maintenant.

Lola s'attristait de lui qui semblait abandonné de tous. Il était facile d'avoir de la compassion pour Guillaume, il était l'incarnation de l'homme solitaire frappé par la maladie condamné à rester incompris. Marvin avait un effet thérapeutique sur lui.

- Je l'ai mangé. Finit-il par avouer. Je l'ai mangé et personne veut me le dire. Ils ont peur que je me punisse. Mais je mange que ce que j'aime, et moi je m'aime plus depuis longtemps.

- Marvin existe bien Guillaume. Il a toujours existé et ne vous a jamais quitté. Lui murmura t-elle avant de le quitter.

Il continua d'observer le dessin sans prendre conscience de la révélation qu'elle venait de lui faire. Il finit même par oublier rapidement Lola qu'il associait à un de ces pingouins dessinés au vu de sa ressemblance vestimentaire avec eux.

Lola alla ensuite s'installer devant la baie vitrée de la salle commune. C'était là où Marvin venait se tenir debout pour admirer les sapins d'en face et les montagnes à l'horizon. Elle réfléchissait à tout ce qu'elle venait d'apprendre de Guillaume. Elle se demandait toujours comment celui-ci puisse encore se souvenir de tout. Marvin a disparu de la mémoire collective sauf de la sienne. Marvin a pris possession d'un corps étranger, ce qui était inimaginable. Il n'y avait plus le temps pour investiguer encore et encore. À chaque fois, c'était une mauvaise surprise qui apparaissait. Il fallait mettre la main sur ce Dr Jeunet à la sauce Marvin et en finir avec lui pour de bon.

Elle voulu fuir à présent. Fuir loin de tout, une autre vie sans saveur certes, mais plus savoureuse que celle-ci l'aiderait à ne plus vouloir en finir avec la vie. C'était ce qu'elle avait promis à Teagan, ne plus se battre et fuir désormais. Devant ce paysage grandiose, elle continuait de se convaincre d'avoir pris la bonne décision. Ces nouveaux éventements étaient un signe du destin qui disait qu'il ne fallait plus lutter. Elle ne pouvais conjuguer plus longtemps avec tout ces problèmes. Elle repensa à Adam qui était en mauvaise posture dont on ne sait s'il a été attrapé de même que le reste du groupe. Elle étaient seules, sans rien pouvoir faire d'autre. Revoir Marvin pour la dernière. Cette fois-ci, ci ça ne marche pas, alors tant pis. On fuit. Teagan avait compris le message.

- Je sais très bien qu'Adam à voulu que tu m'accompagnes pour prendre la décision que je ne prendrais pas une seconde fois. Tu feras ce que tu auras à faire. Lui avait-elle dit plutôt, avant d'entrer seule dans l'hôpital.

Elle pressentait que ça allait être la fin qu'elle redoutait. Aucune larme ne coula de ses joues gorgées de sang malgré l'émotion des souvenirs remontés à la surface. Elle a déjà eu son deuil.

Teagan conduisit rageusement jusqu'au domicile du Dr Eliott Jeunet. Elle du freiner brutalement tant elle ne voulait pas ralentir à l'approche de la maison. Les deux filles sortirent toutes deux armes en mains et se dirigèrent vers l’entrée. En frappant à la porte, elle échangèrent un dernier regard qui sella leur détermination.

Teagan n'était pas très en phase avec la fuite, mais Adam disparu, elle ne pouvait rester seul sans quelqu'un d'autre qui la connaisse, du moins, qui sache comment réagir avec elle. Elle voyait une opportunité de prendre l'air, de s'éloigner un peu avant que la situation ne se rétablisse peut-être. Avant qu'Adam ne l'a rappelle.

Un femme ouvrit la porte, elle n'eut pas le temps de parler. Elle fut conduite de force à l'intérieur. On la coucha sans bruit sur le canapé du salon. Lola inspecta la maison et finit par débusquer Marvin qu'elle tint en joug. Un des chiens s'approcha et elle tira vers le bas pour l'effrayer. Teagan accouru avec la matraque après avoir étourdi la femme et fit de même avec le principal intéressé. Les chiens étaient conduits et enfermés malgré eux dans une pièce voisine. On installât la femme du docteur dans une chambre à l'étage.

Les filles, bien que stressées restèrent assises sur le canapé du salon durant presque qu'une heure à regarder Eliott qui eu le temps d'émerger. Elles le laissèrent mariner pour avoir plus d'ascendant sur lui. Il était attaché à une chaise, positionnée en face d'elle. Son bâillon était retiré depuis longtemps de sa bouche mais il ne parla pas. C'était comme s'il savait qu'il ne fallait pas jouer les indignés ni même les effrayés. Il les avait bien reconnu, ces deux pestes qui s'étaient introduites dans son établissement. Il espérait que, s'étant visiblement échappées des gendarmes, ceux-ci par logique viendraient inspecter son domicile et ainsi les cueillir chez lui. Mais au vu du temps raisonnable qui s'était écoulé, un tel espoir commençait à s'amincir. Il méprisa les gendarmes pour cela, pensant qu'ils avaient mieux à faire aux bords des routes.

Lola se lèva soudain du canapé. La tension venait de remonter fortement. Elle pris son pistolet délicatement, enleva le cran de sécurité, posa son autre main en apuie et commença à lever les bras vers Eliottt en s'approchant de lui. Elle fit ces gestes minutieusement sous le regard de son prisonnier pour que la peur ne puisse cesser de l'imprégner. C'était sadique. C'était silencieux. Elle tendit son bras, la pointe de l'arme touchait le front humide de sa victime qui ferma instinctivement les yeux en ayant affronté son regard. Les secondes paraissaient durer des heures. Le moment redouté n'arrivait pas alors qu'il senti toujours le touché glacé du canon. Il ouvrit les yeux difficilement et vit le regard de Lola tel qu'il l'avait laissé quelques secondes plutôt. Ses yeux étaient restés figés. C'était toujours ce même regard dédaigneux, insolent, remplis d'impunité. Il continua de soutenir malgré lui ce regard diabolique lorsque elle se décida enfin à tirer. La gâchette lui résista un long moment tant Lola avait agit en douceur. Elle parvint à tirer dans le silence le plus total. Le cliquetis de l'arme vide résonna dans toute la maison. Le sadisme qu'elle orchestra ne laissa aucun répit, elle voulait le pousser à bout. Voir la mort arriver et se soulager de la voir repartir était ce genre de torture psychologique qu'elle voulu lui faire subir. Elle rangea son arme en marchant autour de lui.

-Tu ne sais vraiment pas qui je suis ? Lui demanda t-elle aussi posément que son attitude l'était.

Le docteur sut qu'une réponse n'était pas nécessaire. Elle savait bien comme torturer psychologiquement. Elle voulu se venger, prendre la revanche, qu'elle n'a jamais pu, sur lui. Elle vit en lui un coupable, un homme qui n'a jamais voulu se battre et qui cherche encore aujourd'hui le moyen de se défaire de son destin. Elle se punissait d'agir ainsi. Lui faire du mal était aussi se faire du mal. Elle n'ignora pas la douleur de cet homme et le calvaire qu'il subit depuis son enfance. Finalement, la mort pourrait-elle être son seul salut.

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