2

10 minutes de lecture

Il ouvrit délicatement le classeur que sa fille venait de poser devant lui. Il était rouge, la couleur appropriée pour les dossiers importants. La couleur aussi de ses cheveux frisés roux. Il feuilleta le tout, installé sur la table de la cuisine contenant encore les restes du repas prit que son gendre débarrassait. Celui-ci demanda aux enfants, plantés devant la télévision du salon, d'augmenter légèrement le volume. Fabien examinait les documents nonchalamment, devant sa fille avant de la rassurer.

  •  Je vais voir ce que je peux faire. Ça va être réglé.  

Il referma le classeur aussitôt pour marquer son assurance. Sa fille se contenta avec plaisir de cette réponse et alla préparer du café. Elle avait la vingtaine bien entamée mais restait encore loin du cap des trente ans et peu importe l'âge, son père serait toujours là pour lui arranger la vie avec insolence.

Toute la famille avait rejoint les enfants devant la télévision, le programme était immanquable, la retransmission d'un discourt. L'on pouvait y voir, une foule en liesse qui acclamait, depuis près d'une heure, son orateur. Tout le monde scandait son nom, lui qui n'était encore qu'un illustre inconnu il y eu de cela un an. La paix, l'amour, la nature, c'était un parfait prêcheur et il avait le soutient des plus grands, des plus puissants. Ses interventions étaient capitales pour le moral du peuple. La récession avait trépassé et elle n'allait être qu'un lointain souvenir. La prospérité était en marche. Ce n'était pas le seul à bénéficier de ce genre d'ovation, qui militait pour un monde meilleur, mais c'était le plus charismatique. Corentin n'avait pourtant que quatorze ans.

Il savait courageusement faire pleuvoir les bon mots, il était l'exemple à suivre, et suscitait évidement l'inspiration des deux enfants buvant ses paroles depuis le commencement. Fabien était ravie que ses petits-fils prirent un bon candidat comme modèle. Les petites têtes blondes et noires n'avaient pas tout à fait la dizaine d'années, il était donc important pour lui de leur forger l'esprit correctement. Il pouvait être fière également de sa fille et de son gendre qui ont su éduquer leurs enfants. Il avait à peine quarante ans et déjà, le sentiment d'une vie bien accomplit.

La fin du discourt était signe pour lui de quitter le charme du sud pour retourner dans la morosité de la capital, là où le travail l'attendait. Il embrassa affectueusement ses petit-enfants, adressa une accolade énergique à son gendre et s'éblouit devant la blondeur lisse de sa fille.

Il ne s'était pas encore extirpé des routes sinueuses et montagnardes de la région qu'il avait déjà son attention vers la capitale. Il consultait avec outrance ses deux téléphones, confortablement installé dans sa berline spacieuse, louée pour l'occasion. Il ne mesurait plus la chance d'avoir un chauffeur qui puisse lui permettre de travailler à l'arrière de sa voiture. L'aéroport semblait trop loin pour perdre son temps à admirer un paysage agreste. Il paraissait bien plus loin encore lorsque la voiture était obligée de s'immobiliser sur la route, au détour d'un virage. Le chauffeur aperçut une fourgonnette fumante maladroitement arrêtée, ne laissant que très peu de place pour la contourner. Les abords de la route étaient composés de falaises pour l'une et de pentes dominées par les arbres pour l'autre. Le chauffeur se décida à aller aider la conductrice malchanceuse qui timidement, n'avait rien osé lui demander. Elle lui avait assuré qu'elle n'avait pas besoin d'aide, une dépanneuse était déjà en route pour la secourir. À l'initiative du chauffeur, face à une jeune femme assez distante, ils tentèrent tout deux de pousser le fourgon hors de là. Le véhicule ne bougea pas et l'on pouvait voir, sur la portière latérale ouverte, qu'il était très chargé. De grosses caisses en bois les narguaient depuis l'intérieur. La nécessité pourtant de débarrasser le véhicule de la route incombait au chauffeur qui se devait de ne pas faire attendre son patron davantage. Ce fut ainsi qu'ils insistèrent, lui y alla de toute ses forces et elle faisait semblant de pousser une fois de plus. Le résultat n'était définitivement pas encourageant. La jeune femme aperçut la silhouette de Fabien dans la voiture et suggéra l'idée de faire appel à lui. Le chauffeur, essoufflé, du se résigner à n'avoir aucune autre solution. C'était avec embarras qu'il commença à se diriger vers son patron quand il vit la portière s'ouvrir au loin. Celui-ci sorti de la voiture et d'un pas décidé alla vers la camionnette.

  •  C'est parti, qu'on en finisse. Dit-il pour apporter de l'entrain.

Il avait beau être plongé dans ses smartphones, il avait parfaitement lu la situation. La jolie blonde avait pris soin de se poser au milieu feignant toujours l'effort. Après avoir attendu que les deux hommes eu sué suffisamment, elle sorti discrètement une arme électrique de la poche de sa veste et électrocuta le dernier venu en premier. Le chauffeur, à bout de souffle et déboussolé par la tournure soudaine de la situation, ne pu résister bien longtemps. C'était pourtant, non sans se jeter à corps perdu sur elle, lui faisant échapper des mains le taser. Hélas pour lui, il avait beau se débattre sur elle à même le sol, il était perdant. Un homme surgit de derrière et le malheureux chauffeur reçut une décharge sur le dos qui le stoppa net.


*****


La chaleur était insoutenable dehors, le soleil trônait ardemment alors que ce n'était pas encore la saison. Quelques nuages osaient lui faire barrage. Parfois, le vent soufflait aussi, faisant danser les épis de blé que pouvait apercevoir Fabien par la fenêtre de la terrasse. Il était assis sur une chaise en bois fixée au mur, élevée à une trentaine de centimètres au dessus du sol. Bâillonné, il avait les mains liées devant lui, attachées à l'assise, les pieds liés aux pieds avant de la chaise. Ses deux ravisseurs étaient présents dans cette grande et unique pièce qui accommodait un salon et une cuisine. La jeune femme, Angèle contemplait le paysage pour passer le temps. Elle ne voyait que des champs tout autour, des arbres lointains et l'unique route de campagne faite de graviers et de terre séchée, peu fréquentée. Elle avait une tenue assez sexy voulant ainsi mieux réussir le piège qu'elle avait tendu. Son collègue, Dylan était calmement assis sur un canapé, en face de leur victime et de la porte principale. Il était moins regardant sur sa tenu, il portait un bloson démodé et un jean d'ouvrier trop grand pour sa taille.

Le lieu était paisible, l'on pouvait se croire dans un autre monde, seul sans aucune autre trace de vie. Le calme était ambiant, il donnait des envies de sieste. Il était parfois perturbé, en plus des bruits de pas d'Angèle, par des mouvements de tête successifs que faisait Fabien. Il la tournait de temps à autres et violemment. Il la gigotait d'un coup sec dans les deux sens, ce qui faisait sourire Dylan. Personne ne viendrait le sauver, l'endroit était si désert que l'on pourrait y mourir sans risque d'être retrouvé. Après plusieurs minutes de patience, Angèle vint tout à coup se poser devant la porte d'entrée, elle demeura silencieuse et dévisageait Fabien qui sentait en lui le stresse monter. La porte était située sur le mur auquel sa chaise était fixée. Tantôt il regardait la blonde, tantôt il regardait la porte. Les trois occupants pouvaient entendre à présent, dans ce silence un moteur de voiture s'approcher accompagné sur la fin du crépitement des graviers écrasés sous les roues. Ce n'était pas bruyant, mais c'était si distinct que l'on pouvait facilement imaginer en temps réel l'action qui se déroulait derrière cette porte que Fabien fixait en transpirant. Le vacarme du moteur prit fin. Des portières claquaient, il y en avait trop. Des bruits de pas vinrent ensuite. Ceux-ci changèrent de résonances dès qu'ils eurent atteins les escaliers de bois. Puis, suivit finalement, les coups donnés à la porte qui ont également frappé le cœur de Fabien. Angèle ouvrit aussitôt sous ses yeux impuissant.

Cela faisait quelques secondes que la porte était grande ouverte et personne n'était encore entré. Fabien pouvait voir au regard d'Angèle qu'elle était bien face à quelqu'un. Cela paraissait durer une éternité. Dans un silence profond, et sans un mot de bienvenu échangé, une silhouette entra. Il la vit apparaître de profil. C'était un jeune homme qui s'avançait très lentement droit devant lui, échangeant un regard avec Dylan, resté assis sur le canapé. Il se tourna et on pu enfin voir son visage. Ses yeux le fixèrent pour le défier du regard, Fabien ne voulait pas se laisser impressionner. Le jeune homme était bien habillé, il portait un pull bleu nuit orné d'un col de chemise blanc. Il portait des chaussures de ville marrons qui s'assortissaient avec un jean marron. Il portait à l'épaule un sac en bandoulière. Fabien n'eut pas le temps de l'examiner que quelqu'un d'autre surgissait. Exactement de la même manière. C'était un homme plus âgé, certainement la trentaine dépassée. Il avait lui aussi la peau noire, mais plus foncée que le premier. Lui aussi était bien habillé, il portait des baskets noires, un jean noir et une chemise à manches trop courtes et trop serrées, ce qu'il fallait pout faire ressortir ses muscles. Il s'était laissé poussé sur le visage un bouc seyant et portait un diamant à l'oreille. Fabien examina aussi ce nouvel individu, celui-ci ne se donna même pas la peine d'en faire autant. Il l'ignora parfaitement, ayant fait raisonné ses pas vers cette fenêtre donnant vu sur la terrasse. Fabien l'avait suivit du regard, son attention n'était plus portée sur la porte qui avait pourtant laissé entrer un autre personnage qui le regardait déjà. Il l'avait remarqué au dernier moment, avec horreur. C'était celui qu'il redoutait depuis le début, depuis son réveil.

L'homme le fixa pluieur secondes, immobile devant la porte. Son visage ne contenait aucune émotion. Il s'avança délicatement de ses bruits de pas semblables à des coups de massue, il s'arrêta devant Fabien. L'homme portait une veste légère en cuire, débouchant sur un pantalon chino jaune qui finissait sur des chaussures noires. L'homme avait aussi un sac en bandoulière et avait aussi la peau noire. Il approchait la cinquantaine, ce que Fabien savait déjà. Il avait beau le voir pour la première fois, il connaissait parfaitement l'homme qui le narguait faussement, qui se tenait debout, en face. Il refusait de jouer à ce jeu et préférait déplacer son attention vers la porte qu'il voulait voir se refermer à présent. Angèle le regarda le sourire dissimulé en coin. Elle ferma enfin cette entrée maudite qui sonna comme une délivrance pour Fabien. Le silence était revenu. Ce qu'il redoutait était arrivé, mais désormais il savait à qui il aurait à faire.

C'était avec stupéfaction qu'il remarqua de nouveau quelqu'un d'autre qu'il n'avait encore pas vu entrer, tant il était focalisé sur le troisième homme. Ils étaient doués pour détourner l'attention et se dissimuler. Il s'agissait de deux jeunes femmes, Fabien pu déterminer qu'elles avaient à peut prêt le même âge que le premier homme apparu, à peine la vingtaine. Il remarqua que l'une d'elle était déjà affalé sur le canapé, aux côtés de Dylan, qui n'avait pas enlevé son sourir narquois de son visage. Elle, en revanche, affichait un air plutôt nerveux. Elle était moins portée sur la tenue sans pour autant être négligée. Fabien pu ensuite analyser celle qui complétait à ce sombre tableau. Il la fixa comme s'il cherchait à voir à l'intérieur d'elle. Il se mit à penser qu'elle pouvait lui être familière, avec sa frange de côté qui venait mourrir non loin de son oeil. Pourtant, elle ne se démarquait pas vraiment de tout le monde. Elle était toute de noire vêtue, sobrement, mais élégamment. Elle s'était placée au loin, à côté de l'homme au bouc. Il cherchait à savoir s'il la connaissait vraiment quand tout pris sens dans son esprit. C'était évident qu'il la connaissait. Il se rappelait bien à présent de ce doux visage d'ange qui pouvait cacher une parfaite assayante. Il l'avait furtivement côtoyé, mais avait surtout entendu parler d'elle. S'il insistait un peu plus, il pourrait même faire surgir son prénom qui s'endormait dans le fin fond de sa mémoire. Il sentit qu'il allait l'avoir, il devait l'avoir. Il ne lâcha pas prise, convaincu de pouvoir s'en souvenir. C'était une recherche intense. Plus ils y pensait et moins il ne s'en souvenait. La frustration lui faisait douter de la pertinence de savoir. Ce fut quand il pensa que la tentative était veine que le nom lui parvint comme ayant réussit à s'accrocher de justesse à un train en marche qui s'en allait très loin. Il l'avait enfin, mais au final, il réalisa que ce n'était pas si décisif que ça. L'homme en face de lui n'avait pas arrêté de le regarder dans son effort, celui-ci était parfaitement au courant de l'effet qu'il faisait à Fabien avec tout le mystère qui planait autour de lui. Il se mit enfin à parler.

  •  Oui. Vous avez raison. C'est bien elle.

Fabien était déconcerté par cet homme beaucoup plus intriguant que ce qu'il en avait pu entendre.

  •  C'est Lola. Avait-il ajouté d'une paisible voix.

Ils donnaient tous l'apparence de personnes posées, mais tous étaient au fond de leur être particulièrement excités. Il attendaient ce moment depuis des années, et ils y étaient enfin confrontés, au calme dans cette maison isolée au milieu d'un paysage jauni par les champs de blé.

Annotations

Vous aimez lire toxie ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0