Prologue 1-1

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L'ignorance était là son principal allié. Il était satisfait de ne rien savoir car il ne voulut pas être forcé de compromettre Guillaume. Il était resté posté au loin, à l'autre bout de la salle, observant les surveillants le sermonner en silence. Celui-ci, timidement coincé entre eux, affichait bouffi, un air déconfit, empli de regrets, puis quitta la pièce après de longues brimades, soigneusement escorté. Un des surveillants particulièrement agacé était resté en place. Il avait Marvin en ligne de mire car eut beaucoup de mal à accepter que celui-ci ne sache rien alors même, qu'il était sur les lieux. Et pour cause, il s'agissait de son ami.

  •   Ce sont des lâches ! Il est sans défense. L'interrompit Laure dans son jeu de regards avec le surveillant.
  • C'est pourtant logique. Ce qu'il a fait est grave. Répliqua t-il en la surprenant de cette réaction.

Laure entraîna ensuite Marvin dans la galerie de l'hôpital pour prendre du recul sur l'incident. Il y alla à contrecœur ne voyant pas l'intérêt pour visiter un endroit qu'il avait parcouru des dizaines de fois. Une nouvelle œuvre pourtant y était exposée. Ce fut avec exaltation et une graine d'euphorie que Laure lui présenta son dernier né. Marvin prêta attention à la sculpture, il plissa les yeux, resta dubitatif et adopta un regard contrariant.

  • C'est pour ça que tu m'as réclamé plusieurs fois mes ongles de pieds ?
  • Je trouve ça fascinant et harmonieux.

Marvin se détacha de la sculpture tout en continuant de l'observer. Il la trouva autant charmante que répugnante. L'idée de Laure était aussi idiote que maligne, se laissa t-il penser. Il pu apercevoir dans ce pied formé d'ongles de pieds, des traces rouges, mauves ou roses, sûrement des ongles vernis. D'autres même étaient restés sales, il y avait toutes sortes de tailles et de formes.

  • Nous voilà tous réunis en deux endroits à la fois. Deux fois plus unis, nous somme comme une grande famille.
  • Tu as mobilisé tout le monde ?
  • Même le directeur.

Laure aimait bien cet asile, elle se sentait chanceuse de faire parti de cet endroit. Ces ongles de pieds pour elle, représentaient plus que de simples personnes, c'était leur amitié qui formait un bloque soudé et uni.

  • Ça pourrait aussi être tout les maux qui formerait un autre mal, plus grand. Pensa fort Marvin faisant tomber malgré lui l'enthousiasme de Laure.
  • Ne dit pas n'importe quoi, notre différence ne se réfugie pas dans nos ongles. Protesta t-elle contrariée et faussement sereine. Tu veux savoir le meilleur ? C'est que je l'ai sculpté avec mes pieds.
  • Quoi ? S'étonna t-il. Pourquoi ?
  • Pour boucler la boucle. Je trouve ça fascinant et harmonieux. Répéta t-elle.

Après s'être brièvement demandé comment avait-elle pu sculpter avec ses pieds, Marvin déambula dans la galerie accompagné de Laure trainant leurs regards à la recherche de nouveauté. Ils s'arrêtèrent pourtant sur un dessin qu'ils connaissaient bien. Il s'agissait du cadran d'une horloge qui courrait après les aiguilles et les chiffres qui s'enfuirent. Une phrase flottait dans les airs indiquant « Chouette, le temps n'existe plus ! ». C'était tout à fait le genre de dessin que Marvin aurait pu faire. Ils s'immobilisèrent quelques secondes pour le commémorer avant de se diriger ensuite vers le Scarabée. Une oeuvre en 2D et en 3D, mélangeant dessin et collage de scarabée qui évoquait pour son auteur l'idée que la vie était aussi éphémère que celle d'un coléoptère.

  • Moi au moins, quand j'expose, je donne de l’espoir. S'esclama Laure en ayant oublié la remarque pessimiste de Marvin.

Ils enchaînèrent ensuite vers quelques textes beaucoup trop mal écrits selon eux, contemplant toujours les mêmes choses plus ou moins gaies. À force de toujours les voir, les œuvres des autres internés perdaient en estime. Après avoir finit leur énième visite, ils décidèrent de quitter les lieux pour regagner la salle commune. Le silence régnat comme toujours, l'on pourrait presque entendre le vent souffler en apercevant les feuillages secoués à travers la vitre blindée. Ils entamèrent une nouvelle partie de dames chinoises. Ce fut là encore sous l'impultion de Laure qui était forte à ce jeu. Comme à son habitude, elle était en bonne position ce jour-là. Marvin semblait s'endormir tout en réfléchissant à son prochain coup. À vrai dire, il se demandait aussi si c'était à son tour ou si Laure mettait du temps pour jouer. Une main sur son épaule le fit tressauter. En ayant constaté cette réaction, Garry, se sentit gêné.

  • Je suis désolé Marvin, mais je t'avais appelé trois fois déjà, tu étais trop concentré sur ton jeu. Tenta t-il de s'excuser.
  • Ce n'est pas grâve.
  • Ne m'empêche pas de gagner Garry. Ronchonna Laure.

Garry était un ancien, il avait la soixantaine et était le plus sympathique surveillant aux yeux de tous. C'était sa proximité et la bienveillance qu'il dégageait qui l'empêchait de prendre sa retraite.

  • Monsieur Jeunet veut te voir. Dit-il à Marvin.
  • Maintenant ?! S'exclama de résignation Laure.
  • Et oui, c'est urgent, il faudra remettre votre partie à plus tard.

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