Chapitre 2

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Maintenant qu’ils regardaient la pénombre, leurs yeux s’habituaient. Anne avait détecté une masse parmi la masse. Les rats semblaient s’écarter vaguement pour la laisser passer, rebouchant le trou de leur nombre, juste après son passage. La chose s’approcha, jusqu’à entrer dans la lumière, visible aux yeux de tous. Un roi de rats, une trentaine de bêtes soudées par la queue, comme un monstre de Tchernobyl. L’ensemble était un condensat du reste de la troupe : les pattes aussi décharnées que des allumettes, le pelage souillés d’immondice, les tâches verdâtres des parasites entre des poils hirsutes, des dents jaunes laissant pendre un filet de bave. Ce roi immonde semblait surmonté d’un nuage de fumée noire. C’étaient une auréole de puces qui sautait d’un rongeur à l’autre, après leur avoir mordu l’échine. Quelques corps soudés aux autres ne bougeaient plus : c’était les cadavres des faibles, de ceux qui n’avaient pas réussi à grapiller la nourriture apportée par le troupeau ou qui avaient succombés à un mauvais coup d’incisive. L’un des corps n’avait plus de tête, un autre était trainé avec ses tripes, étalées dans la poussière sur vingt centimètres. Un autre enfin, le premier sûrement, était un mélange d’os à l’air libre et de bouillie noirâtre. Quelques champignons poussaient sur ce cadavre infect, ses orbites vides étaient entourées d’une mousse de bactérie et semblaient se poser sur les enfants.

À cet instant, les trente rats vivants dirigèrent tous leurs têtes vers les cousins. L’un deux, le plus gros, avec des dents si longues et pointues qu’il ne pouvait fermer la gueule, lança un cri bref à ses soldats. Il y eu comme un reflux, une seconde de paix, c’était une vague de malheur qui reculait d’un pas pour mieux sauter et s’écraser sur leur repas. C’était une seconde de trop. Dagobert bondit sur le roi de rats et roula avec eux plus loin.

— Dagooooo ! cria Claudine en s’élançant vers son chien.

François l’attrapa par le bras et l’arrêta violemment. Les couinements se faisaient plus stridents, tous les rats se liguaient contre cet ennemi.

— Venez ! hurla l’ainé en tirant sa cousine et poussant sa sœur.

Le passage derrière eux était libre. Il cria :

— Dagobert est un ratier, il s’en sortira. Il faut qu’on parte.

— Où est-ce qu’on va ?

— Dans la grange du vieux Jacques !

Derrière eux, ils entendirent les éclats de la bataille, le grondement féroce du chien, les crissements des rongeurs jetés contre un tronc d’arbre. Puis le grondement se mua en hurlement de douleur. Le cri monta comme s’il ne devait jamais s’arrêter puis il cessa brusquement. François et Mickael fermèrent les portes de la grange où ils avaient installé leur campement.

— Dagobert, pleura Claudine.

Nul n’avait d’illusion sur le sort du canidé. À un contre mille, qu’aurait-il pu faire ? Anne s’était jetée dans les bras de sa cousine pour la réconforter. Ses yeux étaient aussi pleins de larmes.

— Nous sommes en sécurité, ici, annonça François d’une voix plus rassurée qu’il n’était vraiment.

Il y eu quelques secondes d’un silence agréable. L’attaque était finie. Dagobert, par son sacrifice, les avait sauvés de ces écœurantes bestioles.

— Vous sentez ? demanda Mickael.

Une étrange exhalaison recouvrait petit à petit le parfum du foin séché.

— Les rats, murmura Anne.

Un grincement survint alors. C’était la porte qui battait un peu.

— Elle a été construite solidement, le vieux Jacques ne voulait pas qu’on rentre chez lui. Ne vous inquiétez pas, ils ne réussiront pas à entrer.

— C’est quoi ce bruit ?

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