Chapitre IX, Partie 3 : Aux portes du savoir

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Un bruit, cependant, l'attira alors qu'il rangeait les derniers cartons sortis plus tôt. Il se retourna vers l'endroit d'où provenait ce son. En fait, il s'agissait de petits cliquetis métalliques et de légers grattements, comme si quelqu'un s'amusait à fouiller dans une boîte de vis et gratter sur le sol. Ayant posé ce qu'il avait dans les mains, Dieter s'avança, prudemment, vers le coin de la pièce. Elle n'était pas très grande, ni très remplie, il lui serait donc facile de savoir qui ou quoi causait ces bruits.

Comme il le pensait, il ne mit pas longtemps à le savoir. En une fraction de seconde, une boule de poils gris s'échappa brutalement d'un trou dans le mur et sortit de la salle. Dieter eut tout juste le temps d'écarter les jambes pour laisser passer la furtive bête. Celle-ci se promenait maintenant librement dans le centre.

 -Ah non, il n'en est pas question. Je vais me faire virer, moi, si on te voit ! Comment je vais faire pour fouiller si j'ai plus accès aux salles moi ??!

Il s'arma alors d'un long balai de bois et partit à la poursuite du rongeur. Il sortit en trombe de la pièce des enquêtes en cours, et regarda à droite et à gauche s'il apercevait la bestiole. Il la vit alors tout au fond du long corridor, bien posée entre une double porte et une rampe d'escaliers. Il lui courut après sur une longue distance, bien décidé à lui faire la peau, ou tout du moins à la mettre dehors. Ces satanées souris étaient le fléau des archives papier. Non seulement le jeune brun serait mis à pied si cette souris venait à être aperçue dansle batîment, mais elle pouvait en plus grignoter de précieuses sources d'informations. Tous les documents impériaux n'étaient pas numérisés, il restait beaucoup de feuilles imprimées, ainsi que des documents écrits à la main !

L'incroyable course poursuite dura ainsi un laps de temps qui parut incroyablement long au prince. Déjà que sa pauvre condition physique le limitait dans ses mouvements, le risque que quelqu'un voie la souris augmentait au fil des minutes. Personne ne devait plus être là à cet heure ci, mais Dieter préféra ne pas jouer sur un pari infondé. Le rongeur continuait, insouciant, de trou de souris en trou de souris, à perdre encore et encore le concierge improvisé dans le dédale des galleries. Poursuivant la sale bête, Dieter s'épuisait.

Il avait perdu ses repères. Il savait qu'il se trouvait quelque part entre le quatrième et le septième étage. Il respirait, totalement stoppé, à coups de grandes respirations. Il tomba à genoux, pitoyablement appuyé sur sa vieille serpillère défraîchie sous le regard moqueur du petit animal.

 -Attends...attends un peu...espèce de...espèce de sale bête...

Et la souris repartit tranquillement dans la direction opposée. Dieter tenta vainement de se redresser sur ses jambes, mais il était bien trop fatigué pour cela. Il décida de reprendre un peu son souffle. Il n'en avait pas forcément le temps, mais quelques fois il faut savoir s'arrêter un court instant.

Il se releva enfin, après quelques secondes d'intense récupération, dans une attitude au croisement du handicap moteur et de la victoire. Il aurait cette souris. Quoi qu'il en coûte. Il se remit donc à courir après le rongeur, mais celui-ci était parti depuis belle lurette. Plus aucune trace de lui, ni au pied des murs, ni dans un quelconque trou, ni près d'aucune porte. Le garçon fouilla les quelques pièces qu'il trouvait sur son chemin. Mais là non plus, la souris ne s'y trouvait pas.

Soudainement, le noir. Toutes les lumières du couloir s'éteignirent en même temps, et le silence se fit. En fait, le silence régnait déjà quand Dieter faisait semblant de passer le balai, mais il se faisait encore plus pesant dans cette atmosphère sombre. Autant cet endroit était aveuglant en plein jour, de par le blanc éclatant de ses murs, autant la lueur du crépuscule mourant lui donnait un aspect terrifiant. Dieter jura, violament. Puis, se resaisissant, il chercha dans une des poches de sa longue veste de quoi s'éclairer. Il en sortit une petite lampe torche, et éclaira devant lui pour voir où il mettait les pieds. Non pas qu'il fît complètement noir, mais tout les couloirs ne donnaient pas sur une baie vitrée.

La lumière légèrement bleutée vacilla : à l'évidence, cet engin n'avait plus beaucoup d'énergie.

 -Ca dure vraiment pas longtemps ces trucs là. Bon, alors, voyons voir où tu te caches. J'aimerais bien aller me coucher, moi aussi...

Ses recherches se continuèrent donc dans le noir. Il quitta le corridor encore vaguement éclairé de la lumière orangée du soir pour prendre une allée totalement sombre. Il donna un petit coup à sa lampe. Dans un grésillement, elle éclaira un peu le sol carelé, les murs peints, mais le fond du couloir restait desespérement caché.

Cette ambiance avait quelque chose de sinistre, de lugubre. Même équipé de sa loupiote, le jeune garçon ne distingait pas grand chose. Dieter le ressentait bien. Ses nerfs étaient à vif, ses sens en alerte. Bien qu'il ne vît rien, ses yeux scrutaient la moindre parcelle de lumière pour tout analyser, et ses oreilles aiguisées tentaient de repérer le moindre bruit suspect provenant de l'ombre. Peut-être craignait-il que quelque chose lui saute dessus, comme un vulgaire monstre de contes pour enfants? La peur du noir était instinctive, se dit-il, il n'avait aucune raison d'avoir peur de ce qui pouvait le suivre. Tout au plus croiserait-il son barré de superieur, ou bien quelqu'un d'autre assurant la maintenance. Les bruits que faisait la souris toute proche ne contribuaient pas à rassurer Dieter. Sa main était préssée fortement sur la lampe. Il avançait lentement, comme s'il avait eu peur de déranger quelqu'un. La peur du noir était instinctive, oui. Mais alors pourquoi avait-il cette sensation permanente d'être épié?

A quelques reprises, il se retourna brutalement pour éclairer derrière soi. Mais rien. Personne ne le suivait, personne ne l'épiait. L'instinct de Dieter lui avait toujours dicté meilleure conduite que sa raison, mais sans yeux pour regarder, personne ne pouvait le voir. Il se remit donc en route, se passant tout de même une main sur la nuque, comme pour chasser cette désagréable sensation.

Loin devant lui, subitement, un grincement : comme une chaise roulante qu'on avait oublié de graisser ou un vieux plancher campagnard. Dieter s'arrêta. Les pieds arc-boutés au sol, il dirigea sa lampe droit vers l'endroit d'où provenait le bruit angoissant. 


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