Chapitre VIII, Partie 2 : Le président à l'assemblée

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Chacun sortit alors son petit dossier, sa petite chemise, ses stylos. On eut cru voir une classe d'écoliers le jour de la rentrée scolaire. Les bavardages y étaient même, et n'avaient pas tous céssé. Seul le président Oswald, la dame en noir et l'homme en vert se tenaient tranquille. Ces deux derniers semblaient même présenter un intérêt certain à ce qu'il se passait.

 -Bien, nous allons donc commencer par aborder les questionnements économiques concernant l'entretien de la voie publique. Sur demande de monsieur le député Malray, nous allons procéder au vote concernant la diminution des moyens alloués aux villes connexes. Vous connaissez la procédure, vous remplissez le formulaire sur votre tablette et vous envoyez votre vote.

Une main, timide, se leva. Les regards se tournèrent vers lui. De haut, la femme abaissa ses lunettes et lui donna la parole d'un signe de la tête.

 -Oui, hum...présidente Ariana, ne devrions nous pas porter ce sujet à discussion? Je suis persuadé qu'avec quelques minutes nous pourrions éviter de faire les choses précip...

 -La procédure n'admet pas de session de débat sur ce genre de suet. Je vous invite à vous rapporter au code parlementaire, chapitre 6, section 22, paragraphes 3, 4 et 6. Merci de votre intervention.

L'homme se rassit, aparemment quelque peu dépité. Les autres qui auraient eu envie de faire de même se retinrent bien de le faire. Ils se contentèrent de voter comme le leur avait demandé la présidente. Celle ci, à l'issu du scrutin, annonça les résultats.

 -La motion est donc approuvée à 138 voix contre 12. Nous passons maintenant aux révisions éducatives réclamées par les députés Monchamp, Syncland, Tollemorph et Ribédien. Vous connaissez le texte de remplacement proposé, c'est celui qui vous a été remis le week-end dernier.

Là encore, tous se remirent à voter. Ainsi, durant plusieurs dizaines de minutes, plusieurs dizaines de sujets -importants ou pas- furent traités, et des dizaines de lois furent votées. Oswald et son compagnon verdâtre qui puait toujours autant attendaient avec impatience qu'on fît appel à eux pour la suite. Ils avaient en effet tout deux été convoqués tôt le matin même, et il était maintenant plus de dix heures. Le président de la république avait bien tenté, lors d'un examen de loi, de donner son avis, mais il avait très vite été remballé par la sévère préssidente de l'assemblée.

Finalement, Ariana se leva, provoquant ainsi le silence général, et déclara :

 -Je vais maintenant demander à l'ensemble des députés qui n'ont pas un niveau d'acréditation de 2nd niveau minimum de sortir de l'hémicycle. Nous allons aborder des sujets classés secret d'Etat.

Et le foutoir reprit de plus belle, dans les rires imbéciles qui étaient les leur, presque deux tiers des députés sortirent de la salle, leur journée étant finie. Elle avait duré presque deux heures, un véritable miracle. Une fois tout ce petit monde évacué, il ne restait plus grand peuple. La présidente appuya sur un bouton et commanda la fermeture et l'insonorisation des portes. Tout était fait pour que ce qui allait se dire ne resorte pas.

 -Bien, nous serons tranquilles pour la prochaine vingtaine de minutes. Nous avons deux sujets...épineux à aborder : la soumission des villes phariennes et le projet du roi Gaahr II. Quelqu'un a quelque chose à dire sur ce premier sujet?

Un député, maigrichon mais bien habillé, se leva immédiatement après. Celui-ci, avec son air d'intellectuel coincé, venait juste de sorti de l'EDL, et, diplôme en poche, il avait gratté une petite place au parlement de la démocratie.

 -Oui, j'aimerais revenir aux dispositions républicaines qui nous donnent un droit légitime sur ces villes. Vous n'êtes pas sans savoir, Madame, que les responsables phariens du temps de la révolte pourpre se sont soumis en âme et conscience à notre bonne Démocratie. Leurs déclarations, que j'ai apporté avec moi, sont claires, et déclarent que seraient nulles et non-avenues "toute contestation du peuple pharien aujourd'hui, et dans les millénaires à venir". Les rebellions de ces derniers mois n'ont donc aucune raison de ne pas être réprimées dans le sang, car étant contraires aux dispositions prises par les responsables d'alors.

De l'autre côté de la salle, Oswald bondit de son siège, maintenant pleinement réveillé et en pleine capacité de débattre sur ce genre de sujets.

 -Je demande la parole, Madame Ariana, ce genre de déclarations ne sauraient être...

 -Je ne vous ai pas encore autorisé à vous exprimer, monsieur de Président.

 -Puis-je prendre la parole, maîtresse, s'il vous plaît ironisa alors l'homme haut en couleur?

 -Accordé...et arrête ce ton insolent avec moi Kardrija, nous ne sommes pas dans une cours de récréation, réprimanda alors la présidente de l'assemblée du haut de son pupitre.

 -Pas de problèmes...j'allais donc dire, monsieur le député, que ce genre de dispositions n'a aucune valeur, ni en droit, ni en fait. Ces déclarations ont été forcées et faites en temps de guerre. De plus, j'aimerais rapeller que nous n'avons, de notre côté, respecté aucun de nos engagements envers eux : ni les promesses d'entretien des cités, ni les forages de nouvelles sources de strabonite, ni les amnisties de prisonniers politiques. Et je vous défie de me trouver quelques texte de loi autorisant, à Pharos ou chez nous, un dirigeant à légiférer contre l'avis de son peuple.

Des voix se levèrent dans l'assemblée. Les sénateurs, eux, restaient platement installés à profiter du spectacle que leur donnaient leurs collègues.

 -Monsieur Oswald, reprit alors le jeune homme qui avait jusque là écouté sans broncher, vos considérations apportent très certainement un plus non négligeable en termes de, comment dirais-je...en termes d'opinion politique. Cependant, vous êtes ici à l'assemblée nationale, monsieur, et donc en dehors de votre champ de responsabilité.

 -Encore eut-il fallut qu'il y eût une quelconque séparation des pouvoirs...j'ai, de plus, toute autorité exécutive, donc que cette persécution inutile persiste ou non légalement, je m'arrangerai pour, au choix, l'adoucir ou ne pas l'appliquer. Les derniers coups de Gauss ont fait des milliers de victimes, et coûtent extrêmement cher. Je préfèrerais d'ailleurs ne pas avoir à remplir des pages et des pages de rapport sur le nombre de morts que nous causons. Sinon, je vous donne ma chaise jeune homme, il n'y a pas de soucis.

 -Vous contesteriez donc l'autorité des sénateurs et des députés réunis? Malgré notre légitimité?

 -Vous êtes autant légitimes que je suis pharien, mon garçon. Passons au sujet suivant. On va arrêter de gaspiller de l'argent dans cette répression sans but. Ou bien on ponctionne encore dans les poches de nos concitoyens, mais au taux où l'on se trouve déjà, je ne vous garantit pas que les têtes de pioches ne commenceront pas à se poser des questions.


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