Chapitre V, partie 1 : Les premiers jours

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Il devait être à peu près 8h du matin. Nous nous étions levés seulement une demi-heure avant, et nous avions tout juste eu le temps de prendre une douche, d'avaler un petit déjeuner et de nous préparer. C'était ainsi que commençaient toutes les journées là-bas, on ne perdait pas une petite minute en papotages et en amusement avant le boulot. Interieurement, je maudissais Eolia de m'avoir embarqué malgré moi dans leur délire militaro-scientifique. Mais je ne pouvais pas vraiment me plaindre, grâce à elle et à son superieur -dont j'avais oublié le nom ET le grade- je pouvais desormais avoir accès assez facilement aux archives detenues par le groupe EXODUS. Certes, cela représentait des dizaines et des dizaines de pages, de rapports et de registres, mais j'avais pour ainsi dire toute la vie devant moi.

J'accompagnai donc Eolia jusqu'à la salle de contrôle, la grande salle circulaire de la fois précédente. Le soleil matinal illuminait le long couloir à travers les fines vitres de verre. Elle n'était pas en tenue de "travail" si je puis dire, elle portait toujours son ensemble grisâtre et sa blouse blanche toute racommodée, ainsi que son châle. Moi, j'avais gardé la tenue qu'ils m'avaient trouvée, un ensemble plutôt ringard : chemise, pantalon marron, bottes de cuir, gilet brodé un peu éffilé. Mais j'aimais bien ce style, alors je l'avais gardé. Il me rappelait celui d'un ami que j'avais eu, quelques décennies auparavant.

 -Un membre du groupe doit nous autoriser l'accès de l'interieur, dit Eolia en rejetant une mèche de cheveux sur le côté. C'est une sécurité, personne à l'interieur si l'interieur ne nous le permet pas !

Arrivés devant la grande double porte de la salle de contrôle, Eolia effectua tout le protocole necessaire, du scanner rétinien aux vérifications biométriques, et nous permit l'accès. Nous entrâmes, mais après avoir franchi le seuil, ce fut une petite voix robotique nous accueillit, et non un membre de l'équipe.

 -Bienvenue-à-vous...bienvenue-à-vous...bienvenue-à-vous...

Elle n'était pas là la dernière fois que j'étais venu, et pour être franc, ils auraient très bien pu s'en passer. Elle répétait inlassablement les mêmes mots, sur le même ton, avec la même voix robotique insupportable. Peut-être était-ce fait pour leur donner envie de travailler. Si c'était le cas, leur job devait vraiment être nul à mourir. Le lieutenant Wähle contemplait avec amusement le petit haut-parleur d'où sortait la voix. Alors qu'elle reprenait pour un nouveau cycle de salutations, je décidai de prendre les devants.

 -Euh dites, on peut pas faire taire ce machin là? Ca donne franchement pas envie de rester.

 -Oups, oui, dit une jeune fille assise en bas de l'estrade, désolée !

Elle appuya sur un simple bouton, et le bruit cessa. Cela reposait vraiment les oreilles, mine de rien. Eolia me prit par la main, et m'entraîna tout en bas près du bureau d'un gars. Je le reconnus sur le moment, c'était l'ami d'Eolia qui était venu aux nouvelles après notre retour quelques jours plus tôt. Il faut dire que son visage jovial et fatigué était assez reconnaissable.

 -Willy, commença energiquement Eolia, c'est son premier jour ! Faut le mettre au travail tout de suite ! T'aurais pas un truc simple pour nous, une réparation, un machin à finir ou quelque chose du genre?

Willy me dévisagea. Il avait l'air assez méfiant. Il était vrai que j'étais toujours empêtré dans cette affaire de la mort du garde civil, ça rendait les gens autour de moi plutôt mal à l'aise. Je me forçai donc à lui sourire comme un niais pour le mettre en confiance. Je devais plus avoir l'air d'un singe ou d'un monstre avec cette tête, mais il avait détourné le regard. Mon plan sournois avait fonctionné.

 -Euh ouais, attends, je crois qu'il nous restait une experience en attente, dit-il.

 -Laquelle? Je les ai toutes finies la semaine dernière !

 -Ouais ben il en reste au moins une. C'est écrit noir sur blanc là, regarde.

Il lui montra du doigt sur son écran d'ordinateur un document numérisé. Elle le parcourut du regard, de plus en plus contrariée, et finit par se relever en soupirant bruyamment.

 -Bon, eh bien, si on a vraiment ça à terminer, autant s'y mettre tout de suite. Suis moi, le laboratoire est de ce côté.

Elle me prit encore une fois par le bras sans ménagement et m'entraîna en dehors de la salle. En sortant, la petite voix robotique nous souhaita un bon travail dans un charabia incompréhensible.

 -Dis moi, commençai-je, elle a un nom votre petite copine electronique?

Elle me regarda, amusée.

 -Non, pas encore, mais tu n'as qu'à lui en donner un !

Je lui fis une grimace, comme un gamin. Super, c'était donc ça mon boulot. Donner des petits noms stupides à des gadgets encore plus stupides. Soit, puisqu'elle m'avait donné le choix, je n'allais pas me priver de ridiculiser cette machine insupportable. Je lui trouverais un nom d'ici un à deux jours et ses circuits en brûleraient !

Je reflechissais encore à ce problème sans importance quand nous arrivâmes devant le laboratoire. La porte simple transparente demandait elle aussi des conditions d'accès spéciales et interminables. La sécurité semblait être leur préoccupation numero une. Néanmoins, on ne courait pas le risque qu'un petit rigolo vienne piquer des produits en douce, étant donné que seuls les officiers assermentés comme Eolia pouvaient autoriser l'accès à cette salle.

Nous y entrâmes donc tout les deux. La première chose que me frappa fut le blanc de cet endroit. Ce n'était que le hall qui menait aux vestiaires, mais tout était blanc partout. Les bancs, les murs, le sol et le plafond, rien ne venait égayer ne serait-ce qu'un peu cette salle immaculée. En nous avançant un peu, j'eus même du mal à me rendre compte que le mur d'en face cachait une porte, toute aussi blanche que le reste. Elle menait bien à une autre salle, encore plus blanche. Des casiers ternes, cependant, mais je pense que c'était plus dû à un manque de propreté qu'à une volonté de casser les codes.

Eolia ouvrit deux casiers avec une petite clé en argent et en sortit deux combinaisons...blanches, bien entendu.

 -Les produits qu'on manipule sont assez dangereux, voir carrément mortels pour certains, donc tu vas devoir porter cette blouse, ces lunettes et ces gants en latex.

J'attrapai au vol les vêtements qu'elle m'avait négligemment lancés, les enfilai sans précipitation et attendis l'ouverture du dit laboratoire. Enfin, déjà, j'attendais de pouvoir distinguer la porte du reste de la pièce, ce qui était en soi un exploit.

Eolia se dirigea alors de l'autre côté de la pièce et ouvrit une porte. De l'autre côté se trouvait une sorte de sas, apparemment hermétique et encadré par des murs très rapprochés. J'entrai sur ordre de ma "superieure" et me plaçai donc au centre. Elle vint elle même très vite me rejoindre. A mon grand étonnement, elle se boucha les oreilles et le nez comme si la salle allait se remplir d'eau.

 -Pourquoi tu fais ça, demandai-je interloqué?

 -Depêche toi, ça va commencer !

Sachant que je n'aurais pas plus d'informations, je fis comme elle et attendis. Mais je compris très vite pourquoi. En effet, quelques secondes plus tard, quatre tuyaux épais sortirent du plafond et des litres d'eau vinrent nous tremper jusqu'aux os. Cela dura plusieurs dizaines de secondes, et alors que je pensais que tout était fini, la ventilation se mit en route et en très peu de temps nous sécha.

Nous ressortîmes propres, neufs, secs, et probablement décontaminés. En effet, sur la porte de sortie, un pannonceau electronique annonçait "Sas de décontamination N°4". Non, ils ne plaisantaient définitivement pas avec les produits chimiques et la sécurité dans cet endroit.

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