Chapitre IV, partie 4 : Les deux impératrices

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Elle fut cependant très vite rattrapée par l'immédiat. Au loin, près des orangers, elle put voir une petite silhouette suivie de trois autres courir vers elle en criant.

 -Maman, maman !

Thalia se leva, et partit à la rencontre de ses enfants le sourire aux lèvres. Oui, peut-être ce monde et l'empire cachaient-ils de sombres secrets, et de nombreux groupes et lobbys entreprenaient sans doute de mysterieux desseins, mais tout cela n'était rien comparé au bonheur de pouvoir prendre dans ses bras les fruits de sa passion.

Elle tomba à genoux dans l'herbe fraîche et attrapa tour à tour les trois petits êtres, dans un grand éclat de rire. Quand Thalia vit l'état dans lequel s'étaient mis ses enfants, elle rit de plus belle : la robe déchirée par les ronces pour la plus petite, et le costume tâché de terre et de boue pour les deux autres.

L'un d'eux, le visage éclatant et la chevelure ébourrifée, s'assit en tailleur entre les jambes de sa mère.

 -Dis maman, c'était qui la vieille dame assise avec toi.

Elle passa une main dans ses cheveux afin de tenter de le recoiffer, sans succès, puis lui tendit un sourire radieux.

 -C'était ta grand-mère, Dieter. La femme de ton grand-père.

 -Oh, c'est vrai?? Grand-père avait une femme?! Pourquoi on ne la voit jamais?

 -Eh bien, tu sais, avant, elle était impératrice et même maintenant elle a encore beaucoup de travail !

Les paroles de Suzanne lui revinrent alors en mémoire. Certes, du travail, elle en avait, mais ce qu'elle avait surtout, c'était des ennuis très serieux. Des ennuis qui allaient peut-être mettre en danger sa famille. Des ennuis qui auraient mis en danger ses enfants si sa belle-mère ne lui avait pas dis les mots juste. Une vie, se dit-elle, n'est pas isolée. Elle devait l'enseigner à ses enfants afin qu'ils ne commettent pas d'erreurs dans leur vie future.

 -Dis moi, Dieter, commença-t-elle, tu sais ce qu'implique la vie d'empereur?

Le petit garçon aux cheveux bruns la regarda. Ses grands yeux verts pleins d'interrogations demandaient des réponses.

 -C'est le monsieur qui commande dans le pays, non?

Thalia eut un petit sourire amusé.

 -C'est une vision bien réductrice du rôle de ton père, mon petit.

Elle prit alors le jeune prince et le plaqua dos à elle, sur ses genoux. Les deux autres, l'un plus grand et l'autre plus jeune, vinrent s'appuyer contre les cuisses de leur mère, sur sa douce robe pêche.

 -Un empereur, ce n'est pas que celui qui commande. Il a le pouvoir absolu, effectivement, le droit de rendre justice, et celui de mener les guerres où bon lui semble. Il est le chef suprême des armées, ainsi que celui de notre Eglise. Mais il est aussi le garant de notre stabilité, la clef de voûte de l'arc Lazarien. Sans lui, tout le système s'effondre, les provinces sont incapables de se mettre d'accord et les chefs de l'armée de parviennent plus à se coordonner. Il a le devoir de se lever tout les jours avec la pression et les devoirs que lui incombent sa fonction. De par son sang, il reste celui qui libéra nos ancêtres des troupes barbares du continent. A travers lui vivent les dizaines d'empereurs qui se sont succédés sur le trône de Lazaria, et leurs actions continuent aujourd'hui encore de régir notre vie quotidienne.

Elle entoura de ses bras son précieux fils, et cala son menton pointu contre son crâne.

 -Oui, Dieter, l'empereur est soumis à ses devoirs comme à ses droits, car n'importe laquelle de ses actions a des conséquences qui pourraient nous être fatales. Certains diront qu'il serait plus sage de remettre le pouvoir entre les mains d'assemblées populaires qui décideraient du sort de la patrie. Mais la réalité, vous devez le comprendre, est que l'absolutisme du souverain de ce pays est le principe de notre monde. Votre père, jusqu'à sa mort, sera la pierre d'achoppement du futur que nous construirons. Quelle assemblée peut se targuer de représenter une volonté populaire quand le principe du peuple, l'empereur, n'est plus absolu? Un jour, Dieter, ton frère Ionios sera le 83ème empereur de Lazaria. Ce jour là, tu devras le soutenir car nous arrivons en des periodes troublées. Certains grondent, certains menacent, certains voudraient que cette stabilité soit renversée au profit d'une liberté détournée. La liberté ici vit et respire dans le coeur de notre empereur.

Le plus grand des trois enfants, Ionios, rougit à l'évocation de son nom. Dans sa tenue princière bleue et noire, Dieter, lui, continuait de boire avidemment les paroles de sa mère. Celle-ci, après avoir terminé ses explications, montra du doigt au loin la capitale Quantopolis. Elle n'était pas visible du jardin, mais les quarante cloches de l'immense église Etron s'entendaient à des kilomètres aux alentours une fois par jour. Il était presque quinze heure, et le son metallique résonnait entre les montagnes qui entouraient la ville.

 -Le palais impérial, celui où vous avez l'habitude de vivre et de grandir, est véritablement le centre du pays. J'irai même jusqu'à dire qu'il est le centre du monde. Pour autant, ce n'est pas un lieu de tortures, de meurtres politiques ou de luttes de pouvoir. C'est un lieu souverain qu'il vous appartiendra un jour d'aggrémenter de votre histoire. La mienne peut se terminer demain, celle de votre père aussi, la votre ne fait que commencer.

Les quatres membres de la famille Lazarus s'allongèrent dans l'herbe, au son provenant du beffroi tout proche et sous les offensives répétées du vent qui ne faiblissait pas.

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