Failles

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Enfermée dans la salle d’entraînement de ses élèves, Amalia laissait libre cours à une rage tenace à peine éclipsée par les histoires de cœur de Mattéo. Elle veillait depuis plus de trente heures et la fatigue peinait à essouffler sa colère.

Avec l’ultimatum de l’Ordre, le gouvernement tardait à reprendre le contrôle de la situation. La magistre avait passé la nuit précédente au quartier général de la Police Magique Fédérale et une partie de la journée avec la délégation du Yasard assassiné.

D’un geste, la sorcière invoqua un sortilège-leurre. Un pantin sans visage se dressa au milieu de la grande pièce. Ses traits neutres ondulèrent un instant jusqu’à ce qu’ils adoptent l’apparence de Fillip.

Alix serra les dents. Se faire frapper, en public, par ce sorcier, et ne pas réagir…

Elle explosa. De cris de rage en déferlement de magie brute, l’homme de paille encaissa sa hargne, ses sortilèges et ses coups plus d’une heure avant de céder. Le leurre se désagrégea et aspira avec lui plus de la moitié des ressources de la sorcière. Amalia s’effondra, essoufflée, et cogna sa tête contre le sol en étouffant un cri de fureur.

Elle ne se rappelait pas avoir ressenti une telle impuissance, pas dans ce type de situation. Pas en se sachant capable de répondre à l’attaque, de rester debout.

L’Once devait à tout prix conserver sa couverture intacte. Se cacher, encore. En l’état actuel, elle n’aurait pu défaire Fillip… Pas avec la technique qu’il utilisait. Pas s’il était en mesure d’éviter les dégâts, puis de disparaître sans se transférer.

La sorcière se redressa et s’assit, la tête rejetée en arrière, la respiration saccadée, la gorge encore nouée par une rage amère. Peu importait le sort qu’il usait, elle trouverait comment il s’y prenait.

Son corps protesta lorsqu’elle se mit debout. Elle avait abusé de ses forces et accusait la fatigue de ses dernières épreuves. Elle aurait eu besoin de s’achever avec quelqu’un. Dan et elle se battaient quand elle tombait dans cet état, jusqu’à ce qu’il s’écroule, épuisé. Mais Dan n’était plus et cette simple pensée ajouta une froide tristesse au débordement violent de ses sentiments.

À défaut d’un compagnon ou d’un ami, Alix aurait apprécié la présence d’un Confrère. D’Usem. Usem qui n’était jamais là quand elle en avait besoin, d’ailleurs.

Elle serra les poings et se tourna les talons. La salle se rangea et un balai, artifice désuet et inutile, s’activa pour ramasser les morceaux de bois du mannequin explosé.

Alix rentra enfin chez elle. Elle s’affala dans son canapé avec un soupir las et fit voler jusqu’à elle une tasse de café. Le mug gris foncé et marqué d’impressions décolorées par le temps traversa la cuisine et le salon pour se poser sur la table basse avec une délicatesse toute en élégance.

La magistre bâilla. Zerflingen voulait un rapport détaillé des événements dès la première heure le lendemain. Même si elle était heureuse pour lui, Mattéo l’avait bien retardée : il lui faudrait tenir encore quelques heures avant de dormir.

« Tss… »

Un mnémotique sur les genoux, son carnet de notes à porté de main, elle repoussa son amertume et se replongea dans la soirée. Les dossiers qu’elle présentait à son président devaient être irréprochables.

Fillip en personne au gala de la Fraternité… Amalia contrôlait la toile du magistère, un réseau d’informateurs et d’indics tentaculaires… comment avait-elle pu passer à côté de ça ? Si au moins elle avait perçu présence du sorcier… aucun Yasard ne serait mort ce soir-là.

Heureusement, pensa-t-elle, Jestak s’était décommandée. Toute cynique que paraisse la réflexion, Alix se sentait plus proche de cette représentante humaine que des autres Yasards.

C’est triste que Jestak ne soit pas là.

La phrase antiprophétique lui revint en tête. Où l’avait-elle entendue ? La remarque remonta plusieurs fois le fil de ses pensées alors que la magistre reconstituait les événements.

Usem.

Il l’avait surprise. Elle n’aurait pas parié sur sa présence, mais elle appréciait toujours de le croiser. Bien sûr, elle n’avait pas eu l’occasion de terminer la soirée avec lui, ni même de lui proposer d’aller boire un verre. Il avait dû s’éclipser à la première explosion.

Elle fronça les sourcils. Non, il n’était pas parti à la première explosion. Elle ne l’avait pas revu de toute la soirée. Habituellement, quand il s’infiltrait dans ce genre d’événement, elle l’entr’apercevait de loin, elle l’observait évoluer parmi les convives. Elle le tenait à l’œil. Il avait disparu bien avant l’attentat… Il savait ce qu’il allait se passer ! Et s’il le savait…

« Ho le con… » souffla la sorcière.

L’absence de Jestak n’avait rien de triste, elle était providentielle. Ce qu’Alix avait interprété comme de la fanfaronnade prenait, à la lumière des événements, des intonations d’avertissement. Comment est-ce qu’elle avait pu mettre autant de temps à comprendre le message ? Qu’était-il arrivé à la mère de Faï ?

« Merde ! »

Alix s’extirpa précipitamment de son canapé, bousculant au passage la table basse. La tasse versa une bonne partie de son thé sur la marqueterie, à l’indifférence totale de sa propriétaire qui se dirigeait déjà vers la porte d’entrée. Le rapport pour Zerflingen attendrait.

« Merde ! » répéta la sorcière en passant une lourde cape noire.

Sans perdre un instant, elle changea d’apparence et revêtit les traits de l’adolescente avec laquelle elle rendait visite à Faï. La seconde suivante, elle se transférait en autonome, directement dans la chambre de la petite, sous un sortilège de camouflage.

Comme Alix le redoutait, elle découvrit une chambre vide. Les draps de la gamine étaient faits, le lit froid, ses quelques jouets ordonnés minutieusement. Un adulte s’en était occupé. Jestak, très certainement.

Du bout de sa main gantée, Alix lança un sortilège. Le petit frère se trouvait dans la pièce à côté, réveillé par son arrivée, comme d’habitude. La mère, en bas, semblait seule. Pas de signe de Faï. Pas de maléfices destinés à épier la maison non plus, hormis le sien. Elle tourna la tête vers l’entrée. Kyrrien s’était levé et se dirigeait vers la chambre de sa sœur.

L’enfant entrebâilla la porte, sur la pointe des pieds. Il passa son petit nez endormi dans la pièce et questionna, d’une voix fluette, pleine de toute la peur que lui inspirait la sorcière :

« Chamalia ? »

Le sang d’Alix se glaça. Amalia. Comment avait-il pu relier le chat avec elle ?

« Qui c’est, ça, Chamalia ? Je suis le Chat, tout court. Où est Faï ?

— C’est toi, Chamalia », souffla le môme.

Il entra, referma la porte derrière lui et plissa les yeux pour distinguer la silhouette de la jeune fille dans le noir de la pièce.

« Les sorciers méchants l’ont emmenée avec eux, ils lui ont fait mal, et à maman. Et maman pleure tous les soirs maintenant… Et Faï me manque… »

Il renifla, passa la manche de son pyjama sur son nez et conclut :

« Il faut que tu nous aides. »

Alix esquissa un mouvement pour s’agenouiller, lui offrir ses bras, mais l’enfant tressaillit et se tassa contre la porte. Terrifié, il luttait pour ne pas s’enfuir. L’Once n’insista pas. Elle se redressa très lentement, ses mains bien en évidence.

« Je vais vous aider, articula-t-elle d’une voix douce. Il ne faut pas que tu m’appelles comme ça, Kyrrien. Je suis le Chat, juste le Chat… Tu ne dois utiliser aucun autre nom pour parler de moi, tu comprends ? »

L’enfant ne répondit pas, les yeux dirigé vers le sol à l’opposée de l’endroit où Alix se tenait. La lumière lointaine des phytoligocomplexes rampait jusqu’à la fenêtre et donnait aux ombres de la pièce une teinte jaunâtre. Le silence s’étira jusqu’à ce que le gamin le tut d’un reniflement suivi d’un sanglot étouffé. Son visage éclairé par un reflet ocre luisait de larmes.

« Quand est-ce que c’est arrivé ? demanda enfin Amalia à mi-voix.

— Il y a longtemps, chevrota Kyrr, incapable, à son jeune âge, de faire preuve de plus de précision. Tu n’es pas un chat, tu es une sorcière. Comme eux.

— Je ne suis pas comme eux.

— Non, murmura-t-il. Faï dit que tu es gentille, toi. »

Il avala sa salive et se détourna, cédant finalement à sa peur. Il ouvrit la porte et courut dans le couloir, vers l’escalier qui le mènerait à sa mère.

*

Alix observait le filet de vapeur s’échapper de la bouilloire qui sifflait sur le poêle de la cuisine. Jestak s’était absentée une vingtaine de minutes, le temps de coucher et rassurer son fils, puis elle avait rejoint la sorcière et, sans un mot, s’était mise en devoir de lui préparer une infusion.

Le récipient en métal racla la fonte lorsqu’elle le retira du feu, puis tinta contre les deux bocks en grès dans lesquels l’humaine versa l’eau chaude. Jestak évitait de regarder en direction de son hôte, les yeux fixés sur la faïence ébréchée du plan de travail.

« Vous fréquentez ma maison sans que je le sache ? demanda-t-elle.

— Je viens voir Faï de temps en temps.

— Kyrrien me l’a expliqué, oui », répondit la femme, froidement.

Quand les tisanes furent prêtes, elle les posa sur la table. Les tasses heurtèrent le bois ; l’humaine se tira une chaise et prit enfin place en face d’Amalia. Elle souffla sur sa boisson, puis avala une longue gorgée, sans doute brûlante. Alix entendit distinctement le bruit de sa déglutition. Dans ce silence oppressant, même les plus anodins des sons résonnaient en écho sinistre.

La sorcière glissa un regard vers le semi-automatique posé entre elles deux. Jestak s’en était servie pour la menacer lorsqu’elle était descendue à la suite de Kyrrien. Son apparence d’adolescente et son calme avaient aidé à désamorcer la mère. La Yasarde avait accepté de lâcher son arme et de discuter.

« Mon fils a de très bonnes raisons d’avoir peur de vous », murmura Jestak comme si elle s’adressait au contenu de sa tasse.

Elle releva le menton vers son interlocutrice et lui accorda un bref regard, avant de détourner les yeux et de les arrimer de nouveau à au carrelage mural.

« Vous lui avez dit que vous alliez nous aider.

— Que s’est-il passé ? » demanda Alix avec beaucoup de douceur.

Jestak reporta son attention sur elle, puis la quitta immédiatement pour scruter la fenêtre. Ses mains se resserrèrent autour de sa tasse pour dissimuler un tremblement.

« Quoi qu’ils vous aient dit, ils ne peuvent pas savoir que je suis ici, rassura la sorcière à voix basse. Je suis très douée pour me cacher… s’il y a une personne avec des pouvoirs magiques à qui vous pouvez parler, c’est moi. »

L’humaine passa la main sur son visage tendu et but une nouvelle gorgée pour se donner de la contenance.

« Ça fait dix jours, ce soir… commença-t-elle à voix basse. Ils étaient deux, un homme et une femme. Ils sont arrivés en pleine nuit… Ils m’ont tiré du lit et ils m’ont posé des questions sur la rencontre d’hier soir. Ils voulaient savoir comment ça se passerait, comment les Yasard s’y rendraient, ce qui était en négociation avec la Fédération… »

Alix gardait le regard fixé sur elle. Elle hocha la tête. Que l’Ordre ait cherché des informations aussi bien du côté des humains que celui des sorciers lui semblait maintenant évident. Jestak jeta un nouveau coup d’œil par la fenêtre. De ce côté de la maison, elle ne donnait sur rien d’autre que le noir profond de la nuit. Le temps était couvert, aucun astre ne diluait sa lumière dans le ciel nocturne et les halos des phytoligocomplexes poudraient les lourds nuages de taches jaunâtres.

« Au début, ils se sont montrés courtois, reprit Jestak, mais ils sont très vite passés aux menaces quand j’ai fait mine de les mettre dehors. Puis aux coups, car je ne coopérais pas. »

L’humaine réprima un frisson et reposa sa tasse sur la table. Sa main tremblait, de petits sursauts nerveux qu’elle tenta de calmer sans grand succès.

« Puis aux… sortilèges… parce que je résistais. »

Elle referma le poing pour se retenir d’amorcer un mouvement vers son ventre et ses côtes, mais son geste n’échappa pas à l’Once. Sous ses vêtements, elle cachait sans doute encore des bandages et des bleus. Pour les avoir déjà appliquées, Alix connaissait ces méthodes. Jestak devait rester en état d’assumer ses fonctions de Yasard, les Vestes Grises avaient épargné son visage et l’avait soignée a minima avant de repartir avec Faï.

L’humaine serra les dents, le regard résolument tourné vers la vitre noire.

« Mes cris ont fini par réveiller les enfants, articula-t-elle. Kyrrien s’est caché. Il est très doué pour ça… Mais Faï… Faï est descendue. »

Elle se tut brutalement, livide. Elle se passa la main sur la bouche, proche de craquer. La sorcière devina sous son silence l’insoutenable torture qu’ils avaient imposée à son enfant, ses cris et ses supplications.

« J’ai cédé, conclut la mère d’une voix enrouée. Ils ont bien compris qu’avec elle, ils me feraient faire n’importe quoi. Alors ils sont repartis avec. Et j’ai fait n’importe quoi pour eux.

— Je comprends », déclara Alix, avec un grave hochement de tête.

Jestak la dévisagea un long moment sans répondre.

« Ils allaient la tuer si je ne… »

Sa phrase se perdit dans un tremblement de voix, détourna la tête, les dents si serrées qu’elles en grincèrent.

« Je comprends, répéta la sorcière avec douceur. Vous n’avez pas à vous justifier. »

Jestak prit une respiration saccadée et se bâillonna, paume contre sa bouche déformée par la rage et la tristesse. Alix, par pudeur, porta son regard vers la fenêtre et fit mine de ne voir ni entendre les sanglots qu’elle étouffa.

« Elle est toujours en vie, poursuivit l’Once lorsque l’humaine sembla s’être resaisie. C’est tout ce qui compte. Je ne peux pas attaquer l’Ordre de front, mais je connais une partie de leurs planques. Je la retrouverai. Ça va prendre du temps, mais je vous promets de vous rendre votre fille. »

*

Alix apparut dans le parc du manoir, lasse. Elle passa les doigts sur l’arête de son nez et se dirigea vers l’escalier d’entrée.

Elle avait effacé la mémoire de Kyrrien et Jestak, contre le grès de cette dernière. Sa venue, son nom, son visage… il leur fallait oublier tout ça. Un simple sortilège d’égarement avait fait l’affaire : elle était à présent la seule à pouvoir restaurer ces souvenirs.

L’Once ne pouvait pas prendre de risque. La sorcière poussa un « Tss » rageur en enjambant les quelques marches du perron et s’arrêta juste devant la porte d’entrée. Des risques, elle en faisait déjà courir bien plus que de raison à ces gens, autant ne pas laisser la possibilité à l’Ordre d’empirer les choses.

Plus de dix représentants humains avaient œuvré au rapprochement entre la Fédération et la Congrégation d’Égée. L’implication de Jestak dans la reconstruction des phytoligocomplexes, son rôle de Yasarde et le support qu’elle avait apporté aux bâtisseurs ne pouvaient, à eux seuls, justifier l’intérêt de l’Ordre pour sa famille.

La porte principale s’ouvrit pour la laisser entrer, et la salua d’un discret mais joyeux grincement.

La sorcière se figurait parfaitement la photographie prise juste après l’incident du printemps dernier, elle connaissait par cœur le classeur où elle avait rangé la coupure de presse. L’enfant blottie dans le pelage de l’Once, les bras croisés autour de son cou, la main tendue de la Magistre Amalia Elfric, vers le Chat, vers la petite… Un gros titre sur fond de drame sorcier et humain qui avait secoué l’opinion publique. Tout un symbole… Voilà ce qui avait attiré l’attention de Fillip.

Amalia traversa le hall d’entrée. Sa cape se dégrafa d’elle-même, vola jusqu’à la penderie du vestibule et s’y rangea sagement. La sorcière capta son reflet dans la vitre du vestiaire et s’arrêta pour vérifier l’état de son apparence. La gamine aux traits fins et aux longs cheveux noirs qui la dévisageait par delà le miroir ressemblait à une adolescente des plus quelconque. L’effet du sérum de changeforme opérerait encore quelques heures avant de se dissiper, mais même cette apparence juvénile commençait à accuser le coup de sa fatigue. Elle se sentait lasse.

L’Once faisait face à une situation complexe, mais non critique. L’Ordre visait Jestak, Faï n’était qu’un dommage collatéral dont ils ignoraient la valeur réelle. Ils ne pouvaient pas avoir repéré leurs conversations nocturnes. Ils ne pouvaient imaginer l’information que détenait l’enfant… car si Kyrrien avait trouvé un lien entre Amalia et le Chat, alors sa sœur devait elle aussi connaître son identité. Complexe, mais non critique. Il n’y a aucune raison qu’ils l’interrogent à mon sujet.

« Honkey ? »

Pas besoin de préciser ses questions, le webster la connaissait bien.

« Votre chambre est prête. Xâvier et Pierre sont dans le salon, Mattéo et Naola ne sont pas disponibles.

— Merci, Honkey. »

Si elle retournait chez elle, elle n’irait pas se coucher, elle enquêterait jusqu’à tomber de fatigue. Il était temps d’interroger Pierre.

La sorcière poussa jusqu’au salon du manoir et s’arrêta sur le pas de la porte pour jeter y un coup d’œil. Discrète, le Maître se glissa à l’intérieur de la pièce et s’adossa dans l’ombre. Les deux garçons jouaient aux dames, installés de part et d’autre de la table basse. T-shirt et jean, expression décontractée, voix assurée, chaude… Le borgne affichait un air confiant, d’apparence très fraternelle…

Combien de temps son élève mettrait-il à la repérer ? Alix sourit. Elle le connaissait bien et les œillades qu’il glissait au jeune héliade, ses éclats de rire francs, son attitude générale ne laissaient aucun doute : Xavier s’essayait à un bel exercice de drague.

Il donnait à Pierre exactement ce qu’il recherchait : un gars sûr de lui qui lui accordait de l’attention, plaisantait et, en apparence, n’attendait rien de lui en retour. Le Maître hésitait à intervenir. L’écart d’âge entre son élève et ce gosse à peine majeur ne lui plaisait pas, quoiqu’elle reconnût volontiers les progrès de Xâvier en matière de séduction.

Au bout de quelques minutes, il la repéra et lui adressa un signe de la main. Pierre fronça les sourcils en voyant une parfaite inconnue s’asseoir avec tant d’assurance dans ce qu’il essayait de considérer comme son nouveau salon. Amalia savoura son air perplexe quelques secondes avant que Xâvier ne brise le silence :

« Pierre, voici l’Once, sous couverture, bien entendu »

L’héliade resta bouche bée et Alix le salua d’un signe de tête avant de préciser :

« Bonjour, Pierre. Tu peux m’appeler Alix.

— Un prénom mixte, commenta l’intéressé. Intelligent.

— Merci. J’ai quelques questions pour toi.

— À propos de mon frère ?

— À propos de ses planques. »

Pierre pinça doucement les lèvres. La sorcière lui sourit en retour, puis estima l’heure du thé passée. La tisane servie pas Jestak s’était révélée infect et elle comptait bien chasser son goût d’algues amères avec un alcool fort. D’un geste, elle ordonna à Honkey de lui servir à boire.

« Je l’ai déjà trahi, à maison haute, j’ai déjà livré des informations au gouvernement. Je… je ne sais pas si je veux trahir l’Ordre à nouveau. Tout l’Ordre, je veux dire. Il y a mon frère et il y a les autres. Vous n’êtes pas connu⋅e pour faire dans la dentelle…

— Ce n’est pas la question. Xâvier ?

— Oui ? »

La sorcière lui décocha un regard agacé. Elle ne venait pas dans un cadre amical. Le borgne se releva, bomba le torse, passa les mains dans son dos et se reprit :

« Oui, Maître ?

— Laisse-nous. »

Le jeune homme hocha la tête sans chercher à protester. Il s’arrêta sur le pas de la porte et se permit tout de même de préciser :

« Pierre est notre invité. Je te fais confiance. »

Il ferma derrière lui sans que le Chat ait pris la peine de lui répondre. Honkey arriva avec une bonne bouteille de whisky breton.

« Tu veux boire quelque chose ?

— N… non merci. »

Alix attendit que le webster la serve et s’écarte, attrapa son verre, fit tourner le liquide ambré avant d’en prendre une gorgée. Pouvait-elle se permettre de jouer la carte de la franchise avec ce gamin ? Pierre se révélerait-il fiable ? Pouvait-elle lui faire confiance sur le long terme ? Un garçon sympathique, mais un peu paumé… qui a déjà trahi son camp une fois et qui s’est enfui d’une prison fédérale.

L’Once fit apparaître une petite flasque et la posa sur la table. Une seule personne de plus au courant de son identité dans la même journée, c’était plus que suffisant. Très calme, d’une voix parfaitement maîtrisée, elle précisa :

« L’Ordre prépare des attentats. Un par mois. Ils vont y aller crescendo, ça sera de pire en pire, il y aura de plus en plus de blessés et de morts. J’ai besoin de savoir où ils sont susceptibles d’être. Pour agir et protéger ceux à qui les Magistères sont incapables de promettre la sécurité. Hier, l’Ordre s’est servi du Gala de la fraternité pour briser les prémices d’une l’alliance entre la Fédération et Congrégation d’Égée. Étais-tu au courant ?

— Non »

Les fins doigts de l’apparence adolescente qui dissimulait le Chat tapotèrent la fiole, puis la firent glisser vers l’héliade. Pierre fixa son regard dessus. Elle l’observa avec attention deviner un sérum de vérité, comprendre ce qu’elle exigeait de lui et déglutir. Il hésitait. Alix rit lorsqu’il tenta d’user de son charme sur elle.

« Allons, Pierre. Tu n’espérais tout de même pas que les capacités d’un héliade agissent sur moi. Sur l’Once. »

Dépité, le jeune se résigna, tendit le bras, déboucha la fiasque et la vida.

« Pas de questions privées, souffla-t-il froidement.

— Étais-tu au courant ?

— Non. J’aurais prévenu Naola, sinon. Elle a été blessée, pendant le Gala.

— Peux-tu m’énoncer toutes les dernières planques où tu as été ? »

Pierre ferma les yeux, se mordit la lèvre, puis, à voix basse, prêta allégeance à l’Once en trahissant de nouveau l’Ordre.

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