Du retour aux affaires au rebond amoureux

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Pour venger son cousin Oenos, assassiné par les fils du roi de Sparte Hipocoon à cause d’une histoire de chien maltraité, Héraclès décide de s’emparer de la ville. Non sans difficulté, il y parvient grâce au concours (et au sacrifice) du roi Céphée et de ses fils ainsi que de son demi-frère Iphiclès. Son objectif atteint, il entame une idylle avec Augée, sœur de son souverain allié tombé au combat. Quelques années plus tard, le héros entend honorer la promesse faite à Méléagre aux Enfers. Aussi, après avoir écarté son rival Achéloos, dieu fluvial au don de métamorphose, Héraclès conquiert le cœur de Déjanire et l’épouse. Le couple doit cependant s’exiler après le mortel emportement du héros contre le serviteur Eunomos. En chemin, ils croisent le Centaure Nessus que le fils de Zeus transperce d’une flèche alors qu’il tente de violer la mère de ses enfants. Cependant, la créature agonisante convainc sa victime d’accepter, en guise de réparation, un baume censé garantir la fidélité de son volage mari. Une fois installé à Trachis, Héraclès remercie le roi Kéyx de son hospitalité en luttant contre ses ennemis Dryopes et Lapithes. La querelle avec son belliqueux gendre Kyknos et Arès, réglée par Zeus, il décide de partir châtier le médisant roi Eurythos. Fondant sur la cité d’oechalie avec ses troupes, il s’en empare, la saccage, tue le souverain et ses fils puis rentre avec Iolé à ses côtés.


Mon engagement au côté de l’état en faveur de l’intérêt général me réhabilite professionnellement. Le dénigrement revanchard d’un Eurytos blessé dans son orgueil paternel a fait long feu. Ce vil médisant ne perd cependant rien pour attendre. Je m’occuperai de le châtier en temps utile ! Pour l’heure, j’ambitionne de fonder mon entreprise de sécurité. Salarié puis indépendant j’aspire aujourd’hui à devenir patron. A cette fin, je propose à mon demi-frère Iphiclès ainsi qu’à mon ami Céphée et à ses fils de me rejoindre dans ce projet. Une fois les pénibles formalités administratives remplies, nous procédons à l’embauche du personnel. Grâce à mon réseau et à ma notoriété, nous parvenons facilement à recruter d’excellents collaborateurs. Ma joie cède hélas vite la place à l’abattement lorsque j’apprends le décès de mon cousin Oenos. En l’occurrence, je découvre avec stupeur que le malheureux a mis fin à ses jours. Refusant d’être traité « comme un chien » par une hiérarchie harceleuse, la dénonciation de ses conditions de travail indignes n’avait conduit son employeur qu’à le licencier ! Incapable d’obtenir réparation, victime d’un profond sentiment d’injustice il avait ensuite peu à peu basculé dans une sévère dépression jusqu’à ce que seule la mort lui apparaisse comme une issue ! La colère qui s’empare de moi atteint son paroxysme à la révélation du nom de son bourreau : Hippocoon !!

L’infâme – pourtant ancien argonaute ! – n’est autre que le raide dirigeant de SPARTE (Sécurité, Protection, Assistance – Renseignement, Traitement, Expertise). Société concurrente, bien implantée sur le marché, ses méthodes brutales entachent néanmoins sa réputation d’efficacité. En représailles, je prends la décision de lui livrer une guerre commerciale sans pitié ! J’exhorte mes représentants à démarcher ses clients sans répit. Pour les débaucher, j’offre des remises imbattables. Je ne regarde pas à la dépense. Peu m’importe la rentabilité. J’use de mon pouvoir de persuasion et de mon entregent sans vergogne. Ainsi, en récompense de ma récente aide apportée à l’état, j’obtiens des banques publiques un soutien financier exceptionnel. De la sorte, je réussis peu à peu à progresser au détriment de mon concurrent honni. Toutefois cette avancée laborieuse et usante me coûte encore plus cher sur le plan relationnel que monétaire. Responsables sur leurs biens propres mes associés finissent en effet par quitter le navire de crainte du naufrage. Ils voient ma détermination comme de l’acharnement et réduisent ma loyauté mémorielle à de l’obsession vindicative. Lorsqu’Hipocoon, acculé à la faillite, dépose enfin le bilan, il ne reste donc plus que ma belle Augée avec qui la célébrer. Sœur de Céphée, nous avons éprouvé une irrésistible attirance l’un pour l’autre dès notre première rencontre. Douce et fidèle compagne, je sais que sa présence me donnera la force de redresser la barre. De surcroît, grâce à sa tendresse, me revient aussi l’envie de partager un quotidien amoureux.

Comme prévu, le redressement des comptes de l’entreprise m’absorbe pendant des mois. Je m’attelle sans relâche à décrocher de nouveau contrats. A l’occasion de missions difficiles, je n’hésite pas à encadrer des actions sur le terrain. Bref, je ne ménage pas mes efforts pour rétablir la situation. Cependant cet investissement personnel m’a inévitablement conduit à négliger mon couple. Par conséquent, lasse de m’attendre le soir en vain, doutant de mon attachement, Augée, poussée par sa famille qui la sait enceinte, a fini par quitter le domicile conjugal.

Malgré cela, je ne parviens pas à lui en vouloir. J’estime même sa décision fondée. Après tout, j’ai incontestablement choisi de privilégier ma vie professionnelle à l’excès. Or, pour une jeune femme éprise, il est impossible de s’en accommoder bien longtemps. A la réflexion, il m’apparait avec évidence qu’il me faut désormais trouver une partenaire plus instruite des dures réalités de la vie. Il me souvient alors de la promesse faite à Méléagre. Convaincu de ma complémentarité sentimentale avec sa sœur Déjanire, il m’avait engagé, presque supplié, de la rencontrer. Porté par l’espoir autant que par la curiosité, je sens que le moment est venu d’accomplir cette démarche.

Dès lors, mes vacances – prévues de longue date – se passeront à Calydon, petite cité d’Etolie où habite la belle. Fille du maire de la ville mais femme indépendante, j’apprends à mon arrivée qu’un grand nombre de prétendants se disputent son cœur exigeant. Toutefois, sitôt mes intentions connues, la plupart jugent plus prudent de se retirer de la compétition. Par vanité, je décide de croire qu’ils capitulent devant ma prestigieuse réputation et non par peur de ma non moins fameuse irascibilité…

Seul reste en lice, le célèbre comédien Achéloos. Renommé pour la diversité de ses interprétations et sa barbe fleurie, il pâtit cependant du travers répandu chez les acteurs de théâtre : la suffisance verbeuse. Constamment en représentation, des flots de paroles semblent ainsi s’échapper en permanence de sa bouche. Incapable de s’opposer à ce déluge sonore auto-satisfait la pauvre Déjanire ne peut qu’exprimer sur ses traits la répulsion que lui inspire ce déferlement de compliments ampoulés. Exaspéré à mon tour par ce monologue ronflant qui transforme ce diner de gala en one man show, j’enjoins au malotru de cesser sa bruyante performance. Vexé, de pédant intarissable l’égotique et replet individu devient soudain persiflant : « l’homme de l’Art véritable n’a pas de leçon à recevoir de l’homme à l’art de brute ». A quoi je rétorque : « Monsieur, s’il saute aux yeux que vous avez le lard, il est clair que vous n’avez pas les manières ! » Furieux de voir les rieurs se ranger derrière moi, peu habitué à être mouché, Achéloos explose et m’agonit d’un torrent d’injures. D’un geste sec, j’interromps la logorrhée du mufle en lui jetant au visage le contenu de mon verre. Hébété, confus, honteux, mon ultime rival préfère alors prendre congé sans demander son reste. Soulagée autant que reconnaissante, je réalise que je viens de séduire l’éblouissante Déjanire !

Nous nous marrions dans les jours qui suivent. Dans la foulée, nous partons en voyage de noces à Ephyra où je viens de lancer une OPA hostile pour acquérir une société de sécurité. Je constate donc avec satisfaction qu’en affaires comme en amour, tout me réussit. Le bonheur que j’éprouve me réconcilie avec la vie conjugale. Fruits de de cette félicité retrouvée, cinq enfants naissent de notre union ; dont une fille, Macaria. Malgré tout, au fond de moi, une inquiétude demeure. Le souvenir tragique de ma première expérience familiale me hante. Pourtant, en dépit des apparences, la situation s’avère en réalité très différente. Soucieux de préserver notre espace personnel, nous sommes en effet convenus dès le départ de vivre une relation libre, mieux conforme à nos tempéraments.

Il n’empêche que je ne parviens toujours pas à sacrifier aux obligations sociales sans ressentir rapidement une insupportable frustration. Les convenances ne hérissent. L’hypocrisie me révulse. J’ai beau me raisonner, rien n’y fait ! Conséquence prévisible, je provoque un esclandre à l’occasion d’une fête donnée par mon beau père, Oenée. En l’occurrence, pour quelques gouttes de champagne versées à côté de ma coupe et tombées sur mes chaussures, le jeune Eunomos reçoit une claque retentissante. Sonné mais surtout mort de peur, l’infortuné maladroit défaille. Bien que son parent ne m’en tienne pas rigueur – sans doute pour éviter d’aggraver la situation – cet accès de colère démesuré ravive les préjugés à mon égard.

Pour fuir le scandale et laisser la tension retomber, nous jugeons préférable de déménager à Trachis. Toutefois le long fleuve tranquille sur lequel glissait notre relation grossit dangereusement des remous provoqués par mon emportement injustifié. Déjanire commence à s’inquiéter de mes sautes d’humeur. Femme de caractère elle refuse de mettre sa vie et celle de nos enfants en danger. Le spectre de Mégare plane entre nous… Aussi, exige-t-elle que nous entreprenions une thérapie de couple afin de nous prémunir contre cette terrible éventualité.

Son choix se porte sur un certain Nessus. Malgré son discours rassurant – le personnage se vantant d’être « très à cheval » sur la déontologie – et empreint du jargon idoine, le bonhomme ne m’inspire pas confiance. En gage de bonne volonté, j’accepte néanmoins de me rendre à un premier entretien. Après nous avoir écoutés, il se propose de nous aider à traverser cette situation délicate rapidement. Pour finir, il suggère de nous revoir individuellement. Peu enclin à me confier, je laisse donc à Déjanire la primeur pour commencer à exposer son ressenti. Il faut dire que l’installation dans notre nouvelle demeure me fournit un prétexte tout trouvé – et crédible – pour remettre ma participation à plus tard. Cependant, je remarque vite par la suite que le fossé entre nous s’élargit au lieu de se combler. Il devient évident que notre relation se transforme en simple cohabitation. Cette évolution me contrarie. Elle suscite ma jalousie. J’en impute la responsabilité à l’influence perverse de Nessus. Je le suspecte d’arrière-pensées libidineuses. Un soir, n’y tenant plus, je décide de percer l’abcès. Toutefois, pour ne pas donner prise à la critique et aggraver mon cas, je m’exprime avec calme. En un mot : je refuse de laisser un homme me ravir ma femme !

Touchée par ma déclaration, troublée, Déjanire accepte de mettre fin à sa démarche. Elle m’avoue alors avoir senti chez Nessus beaucoup plus de bienveillance que de neutralité lors de sa dernière séance. Elle entend pourtant y retourner une ultime fois pour lui annoncer son départ. Lorsque qu’elle rentre, j’ignore encore que le fourbe, vexé de son échec, a semé la redoutable graine du doute dans son esprit !

A ce moment, néanmoins, soulagé par notre réconciliation, je n’aspire qu’à regarder l’avenir. Ragaillardi, redynamisé je déborde à nouveau d’énergie. Je me persuade que l’exemple de félicité matrimoniale incarnée par mon ami Céyx et son épouse Alcyoné m’a inconsciemment inspiré. Maire de Trachis, c’est en effet à son initiative que je suis venu m’installer dans sa ville. Soucieux de mettre un terme aux exactions commises par deux bandes rivales, les Dryopes et les Lapithes, il compte sur mon savoir-faire pour régler le problème. Hélas, l’affection qu’il me témoigne me vaut l’hostilité ouverte de son gendre Kycnos. Obnubilé par mon profil de rival politique potentiel (malgré mes dénégations !), le belliqueux héritier autoproclamé entend marquer son territoire ! Proche de l’ARES – Association des Riverains Engagés pour la Sécurité – il craint que le succès de mon intervention ne lui fasse de l’ombre auprès de ses soutiens. Aussi entreprend-t-il de contrarier ma stratégie opérationnelle à chaque fois qu’une occasion s’y prête. Excédé par ses manœuvres, à deux doigts d’en venir aux mains, j’obtiens heureusement de son beau-père l’acte d’autorité réaffirmant la légitimité de mon action.

Dès lors, en terminer avec la guerre des gangs ne m’occupe guère longtemps. Fort de ce nouveau succès, je saisis l’opportunité qui se présente pour prendre une revanche bien méritée. En l’occurrence, je réponds à un appel d’offre lancé par un ensemble de gros propriétaires désireux de protéger leurs villas contre les cambriolages. Or, je sais qu’aux nombre de ses riches clients se trouve l’indigne Eurytos, à la médisance duquel je dois mes années de « purgatoire » chez Omphale !

Toujours est-il que son opposition virulente au choix de mes services ne parvient pas à empêcher les autres parties prenantes de se rallier à ma prestigieuse candidature. Humilié par ce qu’il considère comme un désaveu par ses pairs, l’orgueilleux personnage préfère malgré tout se retirer du marché ; quitte à s’isoler socialement et perdre son avance de fonds ! Ma victoire se transforme même en triomphe quand sa fille Iolé, suivant les traces de son frêre Iphitos, me supplie de la libérer de l’insupportable autoritarisme paternel ! Non sans satisfaction, je constate encore une fois à quel point la comparaison entre nous joue à mon avantage !

C’est donc riche du gain d’un gros contrat et accompagné d’une charmante jeune femme que je reprends avec entrain la route en direction de Trachis !

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