Chapitre XII

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J’arrive à la châtaigneraie après avoir traversé la Corse de Propriano à Aléria. J’adore ces petites routes désertes qui serpentent entre mer et montagne. J’aime entendre le crissement des pneumatiques surchauffés dans les virages à épingle accrochés entre versants et ravins. La vitesse, mon plaisir passion et puis je connais bien cette route, ce qui me permet à chaque fois de pousser mes limites.


La grille est ouverte. La propriété est noyée dans un écran de verdure entretenu régulièrement par un voisin. Je pose mes valises. Je me sers un grand verre d’eau bien fraîche et avant de faire quoi que ce soit d’autre, je remets en eau la piscine. Il fait déjà bien chaud en cette fin de matinée.


Dehors, sous la tonnelle, de ma place préférée, j’appelle les filles à mon appartement.


- Caroline ?

- Papa ? J’allais t’appeler. On arrive dans trois jours. Tu pourras venir nous chercher à l’aéroport ?

- Oui, pas de soucis ma puce.

- C’est le vol Paris-Bastia. On atterrit à 16h30.

- Sinon, tout va bien ?

- Super génial. Avec Léa, on s’est éclatée comme des folles. D’ailleurs, euh … il faudra que je te parle.

- Que tu me parles... au sujet de Léa et toi ?

- Oui. Comment tu sais ?

- Je ne crois pas beaucoup me tromper en disant qu'il y a une relation particulière entre vous deux ?

- Oui, c'est vrai. C’est maman qui a cafté ?

- Même pas ! Il Faudrait être miro pour ne pas remarquer Caroline et puis ce que j’ai trouvé dans le coffre de ta voiture m'a mis sur la piste.

- Je ne voulais pas que tu tombes là-dessus. Pour nous, c’est encore plus gênant. Je suis vraiment désolée, j’aurai dû t’en parler avant. Quand tu es remonté, je ne savais plus où me mettre et Léa aussi était très embarrassée. Après comme tu n’as rien dit on s’est convaincue toutes les deux que tu n’avais rien vue mais je sais comment tu réagis. Je te connais par cœur.

- Ne t’inquiète pas ma puce. Je t’aime comme tu es et pour moi, ça ne change absolument rien même si quelque part, ça m'a fait un double choc. D'abord apprendre que tu préfères les femmes. Je ne m'y attendais pas du tout et puis savoir que vous êtes des adeptes de la soumission, de la domination, ça m'a fait tout drôle. Quoi qu'il en soit, je n’ai pas à porter de jugement. Dans l’amour, c’est à vous à gérer vos envies, vos désirs ; le principal étant d’associer plaisir et consentement mutuel. Si tu veux on en reparle plus tard mais si tu souhaites t'abstenir, je comprendrais aussi.

- Tu es vraiment un super papa. Après, je te rassure de suite, on ne fait que s'amuser et surtout on est soft dans nos délires. Je préfère que tu évites de parler de tout cela à maman. Elle n’a pas besoin de tout savoir. Je crois qu’elle ne comprendrait pas. Déjà, le fait que je sois avec Léa, ça a été beaucoup plus compliqué pour elle même si, au final elle a fini par accepter. Je te laisse. On te fait un super bisou Léa et moi et à vendredi. J’ai hâte.


Voilà, c’est fait. J’ai fini par accepter l’homosexualité de ma fille et bien évidemment celle de Léa. C’est un peu plus compliqué lorsque les pratiques sexuelles trouvent leurs fondements dans la soumission et je me demande bien laquelle des deux est dominante. Je n’arrive pas à me projeter dans le fonctionnement de leur couple, probablement parce que ces pratiques sont dérangeantes à mes yeux, moi qui ne conçoit l’amour que dans la douceur et le respect mutuel, je n’arrive pas à imaginer qu’on puisse chercher le plaisir dans la soumission. Quoi qu’il en soit, l’échange que j’ai pu avoir avec Caroline m’a fait du bien. Je suis apaisé et soulagé d’un poids encombrant que je portais difficilement sur mes épaules. J’espère qu’on trouvera un moment, avec Léa et Caro pour évoquer ce sujet.


Après avoir raccroché avec la prunelle de mes yeux, place à celle qui depuis peu occupe tous les interstices de mon esprit. Je parcours Internet à la recherche du numéro de téléphone de l’hébergement où j’ai laissé Harmonie.


- Bonjour, pourrais-je parler à Harmonie s’il vous plaît ; la jeune femme que j’ai amenée hier en fin de matinée, vous me remettez ?

- Ah ! oui celle qui a les cheveux rouges. Elle s'est effondrée juste après votre départ, en pleine déprime, totalement inconsolable. On a dû lui administrer des calmants pour la nuit. Elle était intenable. Vous pouvez patientez quelques instants, je vois si elle peut vous répondre.


Cinq minutes plus tard, j’entends une toute petite voix fluette, presque inaudible.


- Patrick ? Pourquoi tu m’appelles ?

- Je voulais prendre de tes nouvelles, savoir si tu allais bien, si tu as bien dormi.

- Qu’est-ce que ça peut te faire ? Tu es parti. Tu as fait un choix et j’aurai fait la même chose à ta place. Après que je vais bien ou pas, ça ne change plus rien. Alors laisse-moi tranquille maintenant et évite de me rappeler, ce sera beaucoup mieux pour tout le monde. Tu comprends ?

- Harmonie ?

- Oui.

- Je vais venir te chercher.

- Tu es fou ! Tu es malade !

- Non. Je n’aurai jamais dû te laisser là-bas.

- Pourquoi ? Je ne suis qu’une moins que rien. Une minable. Qu’est-ce que tu ferais d’une… d’une paumée comme moi franchement ?

- Ce n’est pas la facette que tu m’as montrée et derrière la paumée, la minable comme tu dis, moi j’ai vu une personne magnifique, enjouée et rigolote.

- Tu dis ça pour m’amadouer ?

- Non, je suis sincère, vraiment sincère. Tu le sais bien.

- Tu vas vraiment venir alors ?

- Oui, j’ai réservé un billet d’avion. J’arrive demain matin. Je prends un taxi et je passe te récupérer. Ça te va ?

- Tu m’étonnes que ça me va. Je suis super contente. Tu viendras, c’est… c’est sûr ?

- Tu pleures ?

- Oui, je ne peux pas te raconter ici mais la nuit dernière, c’était horrible. Et maintenant, je suis trop contente. Viens vite, je t’en prie.

- Harmonie, il faut que tu te débrouilles pour faire un test PCR rapidement, si possible dans la journée sinon ils ne t’accepteront pas en Corse. Tu sais ce que c’est ?

- C’est ça ! Prend moi pour une idiote. Évidemment que je sais ce que c’est. Ne t’inquiète pas je vais m’arranger. Et toi, ça va ?

- Moi, je suis arrivé à bon port et je n’ai pas arrêté de penser à toi. Je te voyais partout et tu n’étais plus là. C’est vrai que j’ai eu du remord mais surtout, je me suis aperçu que tu me manquais beaucoup plus que ce que je pensais et rien que d’entendre ta voix, là maintenant, je me sens déjà tout revigoré.

- C’est parce que tu m’as vue à poils et tu as envie de… de me faire l’amour.

- Non Harmonie. Ça n’a rien à voir. Ce n’est pas ton cul que je veux, c’est toi. Uniquement toi.

- Mais avec mon cul quand même ?

- Mais oui. Toi, c’est toi avec ta frimousse, ton corps, tes seins, tes fesses, ton sexe aussi évidemment.

- Ah ! Tu me rassures. Je suis vraiment conne, j’ai cru un moment que tu prêchais l’abstinence. Après, je peux m’y faire aussi mais bon…

- Tu ne serais pas devenue un peu coquine ?

- Un peu ? Tu me fais trop rire Patrick. Je t’adore.

- Je croyais que tu pleurais et maintenant je t’entends rire. Je suis sûr que tu es magnifique avec ton sourire.

- Ça doit être les nerfs après magnifique, moi je me trouve moche.

- Harmonie... si je te disais que j’ai un billet de loterie.

- Un quoi ? Je ne comprends rien.

- Non laisse tomber. Je déconne.

- Euh, Patrick, je t'ai sous-estimé. Je n’aurai pas cru que tu trouverais ; Jules Verne.

- Oui. Un taxi pour Tobrouk ?

- René Havard.

- Oui. Chéri ?

- Colette.

- Exact.

- La guerre de Troie n'aura pas lieu ?

- Pièce de théâtre de Jean Giraudoux.

- Tu as tout bon. Tu m'expliqueras ?

- Peut-être, si tu es sage et si je veux bien.

- Tu n’es qu’une jolie petite cachottière Harmonie et tu mériterais une grosses fessée.

- Ah cool des choses sérieuses ! et je ne suis pas une cachottière, enfin pas beaucoup et puis j’espère que tu aimes ça sinon on va vite s’ennuyer tous les deux.

- Je crois que je vais m’y faire plus rapidement que tu ne penses. Allez je te laisse. N’oublie pas le test. Un énorme bisou et à demain.

- Waouh ! A demain Patrick. Je crois que je vais faire plein de beaux rêves cette nuit.

- °°° -


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