Chapitre 11 - Notre amitié

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Mike attrapa le téléphone et composa un numéro.

— Léo ?... C'est Mike, articula-t-il avec peine.

— Ouais, Mike. Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as l'air bizarre... enfin, j’veux dire, plus que d’habitude…

— Léo, c'est incroyable ! éluda-t-il.

— Quoi ? Qu'est-ce qui se passe ?

— Oh, Léo, je... je ne sais pas si je peux t'en parler au téléphone. C'est...

Un soupir agacé au bout du fil lui répondit.

— T'es flippant. Qu'est-ce que tu as fait ?

— Non, viens, viens tout de suite. Je te promets que tu ne seras pas déçu de t'être déplacé.


Une demi-heure plus tard, ce dernier frappait à sa porte.

— Alors, qu'est-ce qui t'arrive ? fit-il en enlevant son manteau.

— Viens, assied-toi.

Léo prit place sur le lit et Mike rapprocha la chaise de son bureau avant de prendre place dessus. Il sentait des picotements lui traverser l'échine, il n'avait jamais été aussi excité de toute sa vie.

Il prit une grande inspiration.

— Depuis que tu m’as filé cette disquette, j’ai l’impression de devenir dingue, commença-t-il avec un sourire appuyant ses propos. Tu vois, je suis passée par toutes les phases ; l’incrédulité, le déni, la colère… ah ah ! Mais nier un truc pareil, c’est comme se nier soi-même, c’est du délire pur !

Ce qui était du délire pur, c’était les dérapages aigus que faisait sa voix. Il s'efforçait pourtant d'avoir l’air le plus normal possible en expliquant ses découvertes.

— Oui, oui. Mike, t’as vraiment pas l’air bien… tu prends toujours tes médocs ? s’inquiéta Léo.

Il pointa son index sur lui.

— Ecoute, tu avais raison, il y a un truc que je n’avais pas encore capté, poursuivit-il, ignorant totalement l’intervention de son ami. Fallait que j’arrive à comprendre comment vous… enfin, ils peuvent agir seuls… et une idée en entrainant une autre, j’ai vraiment compris que celui qui tire les ficelles peut décider de tout… de tout ! Tu comprends ?

Son regard fou qui voyageait jusqu’ici de l’ordinateur allumé à la fenêtre, se fixa sur Léo.

— Après… Je suis allé dehors, j'ai marché pendant longtemps, je cherchais à comprendre ce que tu avais déjà entraperçu des possibilités du programme... Tu vois, je ne savais plus quoi faire, quoi penser... Je suis allé jusqu'au Saint James… et là, une serveuse est arrivée.

— Le scoop, railla Léo, avec un haussement de sourcils.

Mike poursuivit :

— Je réfléchissais toujours à ce que j'allais pouvoir faire et c'est alors que j'ai eu une idée... Bien sûr au début, je refusais de penser à ça mais... je ne pouvais pas m'en empêcher.

— Une idée ? Quel genre d’idée ? Qu'est-ce que tu essaies de me dire, Mike ? fit Léo en se redressant, méfiant.

— Réfléchis, Léo. Si tu peux, grâce à ce putain de programme, contrôler la vie des gens comme s'il n'était que de simples pions...

Léo ressentit une pointe d'amertume à cette phrase mais il n'en montra rien.

— Si tu peux faire cela, tu peux également contrôler le reste...

— Le reste ? Tu sais, je suis pas fana de la presse à scandales, mais dernièrement, j'ai vu passer des nouvelles assez... bizarres. Du genre Trump qui se retrouve dans un quartier sans escorte, en simple caleçon ou encore d'autres people photographiés, complètement azimutés, comme sous l'emprise d'une drogue.... T'y es pour quelque chose ?

Léo lui lança un oeil accusateur.

— Bon, je te demande une chose, au nom de notre amitié, ne me juge pas. Écoute attentivement ce que je vais te dire et essaie de comprendre l'ampleur de cette découverte.

— Tu me fais vraiment flipper… mais soit. Je t’écoute.

Mike reprit une nouvelle fois son souffle ; il avait l'impression que son cœur allait exploser tant il était exalté par ce qu'il avait à dire.

— La fille, la serveuse, je l'ai ramenée ici. Je voulais faire une... "expérience". J'ai entré des données dans le programme et elle les a éxécutées à la lettre. C'était le top, d'une facilité pas possible ! Ensuite, elle est sagement allée se rasseoir sur le lit. Comme une poupée... Je n'osais pas, tu comprends, faire ce à quoi je pensais, j'avais peur de... mais... Enfin, j'ai attendu, patiemment que l'idée murisse en moi. J'ai passé le temps en faisant d'autres tests, j'ai... poussé le vice, tu vois ? Rien n'a résisté, tout était possible. Je n'ai rencontré aucune opposition. J'sais pas... genre trois semaines après peut être, je me suis décidé. J'ai allumé l'ordinateur, j'ai sorti la fille...

— Tu as "sorti" la fille ? Qu'est-ce que tu veux dire ? Sorti d’où ?

Il fit un geste de la main pour n'y accorder aucune importance. Ses yeux s’étaient figés sur la moquette, là où précédemment le corps de Sarah avait reposé dans une mare de sang.

— Dans le programme, en cliquant sur elle… j'ai donné de nouvelles directives : aller chercher un couteau, revenir, planter le... énuméra t-il, les yeux écarquillés, rivés sur le sol .

— Merde ! Qu'est-ce que tu as dit ?! s'écria Léo.

Mike sourit dans le vide, sans regarder son ami et continua d’un ton évasif, rêveur, comme s’il revivait la scène.

— Notre amitié, Léo... Ecoute. Ecoute jusqu’au bout… Je disais : planter le couteau dans sa poitrine…

— Elle l'a fait ?... questionna t-il, défait.

Mike hocha la tête avec un sourire.

Dans un sursaut, Léo se leva et attrapa Mike par le col.

— Mais t'es complètement allumé ou quoi ? Merde, qu'est-ce qui t'a pris ? Et elle est où maintenant ? Qu'est-ce que tu en as fait de cette fille ? Mike ! le sermonna t-il en le secouant violemment.

— Arrête ! fit-il en le repoussant avec virulence sur le lit.

Son regard s’était durci et il affichait une mine intransigeante.

— Laisse-moi finir.

— Je ne suis pas sûr d'en avoir envie... opposa Léo en se redressant lentement.

Mickaël pointa le sol du doigt.

— Son corps était étendu sur la moquette, juste là, elle se vidait de son sang. Elle était… morte, tu vois, morte, vraiment MORTE !

Il retint un rire fou en répétant ces mots.

— J’en ai assez entendu. Tu as complètement pété les plombs, coupa Léo en se levant pour se diriger vers la sortie.

D’un geste brutal, Mickaël le saisit par le bras et le repoussa avec force contre la porte.

— Reste là, je n’ai pas fini ! aboya t-il, comme s'il ne supportait pas qu'on lui résiste.

Il approcha son visage de celui de Léo, le toisant d’un air mauvais, comme un dominant qui cherche à affirmer son autorité. Léo resta interdit.

— Je disais… poursuivit-il entre ses dents. J’ai accédé au mode de création de personnage. J'ai entré toutes les données, son nom, son prénom, son âge, son visage, sa somptueuse tenue de serveuse bleue et blanche…

— Tu...

— Et au bout de quelques minutes, pouf ! Plus de cadavre, plus de sang ! La fille était à nouveau chez elle, et bien vivante.

Mickaël se mit à rire, relâchant la pression qu’il exerçait sur son ami puis leva les mains au ciel.

— Tu te rends compte ? Le pouvoir de vie et de mort ! Je suis sûr que j’aurais pu le faire plusieurs fois sans qu’elle ne s’en rende compte ! Tu réalises ce que ça veut dire ? Merde, j'aurais du commencer par ça... C'est grâce à toi, mon vieux, j'pourrai jamais te remercier... 

Léo s'affala contre la porte, paralysé d’horreur. Il le dévisageait avec une expression indescriptible, mélange de répugnance et d'intérêt morbide. Au bout d’un long moment, il se reprit et fit tourner la poignée de la porte.

Jetant un bref coup d'œil vers Mike, il lui lança :

— Tu vas beaucoup trop loin, Mike. Ce n’est pas toi ça. Tu réalises que ça va mal finir ?...

Et il sortit en ajoutant d'une voix si faible qu'il espérait que Mike ne l'ait pas entendu :

— J'te laisserai pas faire...

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