Le cri

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Un cri strident réveilla la jeune femme en sursaut à peine le petit matin levé. Elle se souleva de son lit mais s'immobilisa aussitôt, glacée d'effroi malgré la chaleur estivale.

La voix terrifiée de ce qui devait être une adolescente laissa place au hurlement bestial d'un homme sans âge. Les bruits de pas sur l'asphalte indiquaient que l'une fuyait l'autre.

  • "Viens-là poufiasse, arrête de crier, TU M'ENERVES !" vociféra l'homme.
  • "Non pitié, s'il vous plaît, laissez-moi...je vous en supplie..." gémissait la victime.

Alya ne put s'empêcher d'aller ouvrir les rideaux pour apercevoir la scène. Elle espérait pouvoir aider la jeune victime, sans savoir encore de quelle manière.

Elle aperçut dans un petit renfoncement le dos d'un homme torse nu, tenant un bout de tuyau en métal, lever de manière agressive ses bras comme ivre de colère.

Alya ne parvenait pas à distinguer la victime. Mais elle pouvait tout imaginer, avec horreur, en voyant après quelques chuchotements et des sanglots, l'homme commencer à réaliser des mouvements de bassins secs et impétueux, les fesses dénudées.

Elle détourna le regard un instant, serrant la poignée de la fenêtre dans sa main moite. Devait-elle ouvrir, appeler à l'aide ? Son instinct de survie la rappela à l'ordre : qui sait ce que cet homme serait capable de lui faire s'il prenait conscience d'avoir une autre fille seule à sa portée...

Une pensée glaciale s'installa, une peur devenue certitude, qui ne la quitterait plus désormais : personne ne viendrait à son secours dans la même situation. Aucun policier, aucun militaire, aucun bon samaritain.

Son dos racla le rebord de la fenêtre. Alya se laissa tomber et se recroquevilla sur elle-même, attendant avec empathie et angoisse le dénouement de cette situation...

Un cri, plus fort encore que le précédant, lui glaça le sang. Et avant qu'elle ne puisse se boucher les oreilles, le hurlement fut soudain interrompu par un bruit d'os brisé. Six coups métalliques entrecoupés de cris de rage achevèrent de ponctuer le silence morbide de la rue.

Alya tira le rideau comme pour refuser l'évidence. Vingt minutes de pleurs lui donnèrent enfin le courage de jeter un oeil dans la rue.

Là, en contrebas, dans le petit renfoncement, elle se rendit compte que l'homme avait disparu. Il avait laissé derrière lui un long filet de sang qui coulait à présent dans le caniveau.

Passé le choc de la scène qui venait de se jouer à sa porte, elle alluma la lumière dans toutes les pièces et commença à tourner en rond. Elle se rendit dans la cuisine et plaça sur la table à manger tout ce qui pouvait faire office d'arme.

La peur laissait place à l'envie de survivre. Alya se sentait en sécurité chez elle, mais elle ne pouvait plus nier que tout pouvait arriver. Et surtout le pire.

Se remémorant quelques longues heures passées sur des jeux vidéos de survie, elle entreprit de se fabriquer une arme à partir de ce qu'elle trouva. Elle consulta des sites web de survivalisme et tenta d'appliquer tous les conseils sans vraiment y réfléchir.

Elle commença par enlever la brosse du balai afin d'obtenir un long manche. En s'y reprenant à deux fois, elle scotcha avec toute sa force fluette un couteau à cran d'arrêt. Avec du ruban adhésif industriel trouvé dans l'un des tiroirs de son père, elle espérait que cette lance de fortune pourrait intimider un éventuel agresseur.

Dans un coin elle prépara son sac à dos de randonnée, une tente Queshua jamais utilisée, des provisions, un sac de couchage, quelques vêtements, une petite trousse de secours. Elle trouva la grande gourde de son père, qu'elle fixa à son bardas. Il lui fallu bien plusieurs heures pour prévoir son paquetage au cas où elle devrait sortir de chez elle. Mieux valait être prudente.

Exténuée, Alya épongea son front et se dirigea vers la salle de bain pour prendre une douche. Elle laissa l'eau chaude couler sur ses cheveux noirs aussi fins que son moral, s'asseyant au fond de la baignoire, les yeux fermés, en tentant de réduire au silence le cri de la victime qui résonnait encore dans sa tête.

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