17.

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Awilé ouvrit lentement les yeux et sentit immédiatement que quelque chose n'allait pas. Elle se sentait fiévreuse et transpirait abondamment. Un élancement douloureux à l'épaule la faisait terriblement souffrir.

La flèche avait été retirée, mais cela avait visiblement occasionné une grave infection. En tentant de se redresser légèrement pour s'asseoir, elle constata que ses chevilles étaient entravées par une grosse corde. Elle finit par s'adosser difficilement au mur de coquillage derrière elle, qui recouvrait entièrement les parois et le sol de la gigantesque case dans laquelle elle se trouvait.

Où suis-je ? se demanda-t-elle. Et surtout, où pouvait bien se trouver Malick ?

Elle eut un haut le coeur et instinctivement, posa sa main sur la plaie infectée. Elle la retira un moment plus tard et la blessure s'était refermée d'elle-même. Awilé se sentit progressivement mieux.

Une femme trentenaire et très musclée fit brusquement irruption dans la case. Elle surplomba Awilé de sa grande taille et la fixa un moment. Sa joue gauche était scarifiée et l'expression de son visage reflétait une certaine animosité. Elle avait l'air d'une guerrière expérimentée, étant donné la tenue en cuir qu'elle revêtait.

Awilé tenta d'analyser les pensées de la nouvelle venue mais, chose curieuse, elle n'y parvint pas.

  • Inutile de perdre ton temps ! Ton pouvoir de télépathie t'a été retiré, très chère awoularé. Tu vas mourir sur cette île.
  • Quoi ? s'écria Awilé, surprise.

Elle tenta d'envoyer, mais sans succès, une onde télékinésique sur son interlocutrice, qui ne masquait pas son contentement.

  • Qu'est-ce qui se passe ? Où sommes-nous et qu'est-ce que vous m'avez fait ? Et où est mon ami ? l'interrogea la jeune femme, qui se débattit avec force.
  • Tu m'as l'air téméraire, toi. Les autres savent se taire et accepter leur sort, mais toi...
  • Quels autres ? Et qui êtes-vous ? insista Awilé, les sourcils froncés.
  • Je m'appelle Okowalé. Et tu es une de nos captives, désormais.
  • Je ne comprends pas, rétorqua durement la jeune femme.

Son interlocutrice s'assit en tailleur près d'elle puis la dévisagea un bon moment, avant de lui demander à son tour :

  • Comment t'appelles-tu ?
  • Awilé.
  • D'où viens-tu ?
  • Réponds d'abord à mes questions.

Okowalé esquissa un sourire, en ne masquant pas son admiration :

  • Tu n'as peur de rien, toi. D'habitude, les captives osent à peine lever le regard sur moi. Et toi, tu oses me défier.

Awilé soutint son regard, comme pour confirmer ce que venait de déclarer Okowalé, qui finit par répondre :

  • Très bien. Ce qui se passe, c'est que toi et ton ami vous vous trouviez non loin de nos côtes. Et ceux qui se hasardent à voguer vers notre île risquent de se faire appréhender. Ou même de se faire tuer. Les Gardiens ont pensé que vous étiez des mercenaires, qui naviguent en grand nombre en ce moment sur la mer d'Akiseba.
  • Je vois. Vous criblez de flèches les infortunés visiteurs d'abord, avant de leur poser des questions ensuite.
  • Je constate que ta blessure est guérie, remarqua-t-elle, en désignant de la tête l'épaule d'Awilé. C'est étrange, si je me rappelle, elle s'était infectée hier soir.
  • Oui, fort heureusement, je vais mieux. Et ce n'est pas grâce à vous. Où est Malick ?
  • Ton ami ? Il a encore la chance d'avoir gardé ses pouvoirs akawoussis. Mais pas sa mémoire.
  • Quoi ?

Okowalé regarda la jeune femme d'un air étrange.

  • Nous sommes sur l'Île aux coquillages d'Abamey, qui se trouve être un territoire appartenant aux Akissians. Sais-tu quels sont nos principaux pouvoirs ?

Awilé fit non de la tête.

  • Les Akissians sont réputés, tout comme les kamassiens, pour détenir une technologie avancée par rapport à l'art de la guerre. Mais en ce qui nous concerne tout particulièrement, nous sommes des voleurs et effaceurs de pouvoirs. Et nous avons également la possibilité d'effacer entièrement la mémoire des awoularés. Ce qui veut dire que nous sommes des akawoussis à part entière.
  • Vous avez volé mes pouvoirs ?
  • Pas tous. Je dois avouer que même inconsciente, tu nous as donné beaucoup de mal. Tu renfermes une telle puissance et tant de pouvoirs, qu'il nous a été impossible de les voler. Nous nous sommes donc contentés d'en retirer une bonne partie. C'est pour cette raison que j'ai ordonné à mes hommes de te mettre à l'écart des autres.
  • Les autres ? Quels autres ?
  • Des captives. Des esclaves. Qui devront combattre dans des duels, lors du Grand Tournoi d'Abamey.

Awilé sentit une légère migraine lui oppresser le crâne.

  • De quoi s'agit-il ? lui demanda-t-elle d'une voix faible.
  • Depuis des siècles, le Grand Tournoi est organisé chaque année sur notre île. Les captives ou esclaves en fuite que nous appréhendons se battent entre elles, dans des duels à mort. La survivante devra combattre par la suite notre grand Champion, un de nos meilleurs guerriers. Et si elle parvient à le tuer, elle gagnera le droit d'accéder au trône et aura le pouvoir de destituer aussitôt la Reine de l'Île aux coquillages. Et posséder par la même occasion son trésor inestimable.

Awilé ne chercha pas à masquer son dégoût face à de telles pratiques.

  • C'est tout simplement horrible, murmura-t-elle.
  • Jusqu'à présent, personne n'a encore réussi à sortir vivant de ce tournoi, excepté nos Champions au fil des siècles. C'est pour cette raison que nous t'avons retiré tes pouvoirs télépathiques et télékinésiques, qui t'auraient donné un grand avantage lors des combats. Quels sont tes autres pouvoirs ?
  • Tu penses sincèrement que je vais te le dire ?

Okowalé émit un petit rire, puis son visage arbora un air menaçant :

  • Tu as intérêt, Awilé.
  • Où est Malick ?
  • Ah, ton ami. Figure-toi qu'il est devenu un de nos guerriers. Comme je te l'ai expliqué tantôt, il ne sait plus rien de sa vie antérieure. Il ne sait même plus comment tu t'appelles.
  • Nous verrons bien, affirma Awilé. Il est plus fort que vous ne le pensez.
  • Tu veux en être sûre ? lui demanda Okowalé sur un ton amusé.

Elle se leva et se mit à siffler un son mélodieux. Quelques instant plus tard, Malick entra dans la case et resta debout en face d'Awilé. Son visage était impassible et il affichait une attitude distante. Même sans ses pouvoirs psychiques, Awilé comprit qu'il était effectivement redevenu un akawoussi à part entière. Il portait un pagne noir richement brodé de fils d'argent.

  • Malick ! Regarde-moi ! C'est moi, Awilé !

Il porta sur elle un regard inexpressif.

  • Malick !
  • Tais-toi ! l'admonesta-t-il, l'air mécontent. Qui es-tu pour scander ainsi mon nom ?

Awilé le dévisagea et, par réflexe, tenta de communiquer mentalement avec lui. Elle se rappela aussitôt qu'elle avait perdu ses pouvoirs télépathiques.

  • Malick, concentr...
  • Cela suffit, Awilé ! tonna Okowalé, qui arbora une mine furieuse. Tu vas t'entraîner dès demain, à l'aube, avec Adoba, un de nos guerriers instructeurs. Le tournoi est dans deux jours et tu as intérêt à retenir d'ici là les techniques de combat qui te permettront, peut-être, de rester en vie.

Elle esquissa un sourire mauvais, avant de sortir de la case, suivie de près par Malick. Ce dernier ne regarda pas une seule fois Awilé. Celle-ci ressentit aussitôt une profonde mélancolie. Elle n'avait plus les pouvoirs qui lui auraient permis de sortir de cette situation difficile ; ce qui la poussa à réfléchir ardemment, afin de formuler mentalement un plan d'évasion.

Un homme entra dans la case et Awilé tressaillit malgré elle. Il était de taille courte mais avait, comme Okowalé, une musculature impressionnante et des scarifications sur la joue gauche.

  • Je suis Adoba, lui dit-il d'une voix très grave. Tu es Awilé, n'est-ce pas ? Tu es la plus belle des captives que j'ai vu jusqu'à présent. Avec des yeux qui ne sont pas de la même couleur, intéressant. Mais tu es très puissante aussi. Je le sais, parce que c'est moi qui t'ai retiré une bonne partie de tes pouvoirs. J'aurais pu tout enlever, mais je t'aurais tuée dans ce cas et ça aurait été dommage.

Awilé garda le silence, tout en dévisageant avec bravoure son interlocuteur.

  • Je viendrai te chercher demain, à l'aube, pour le début des entraînements, expliqua-t-il. Tu seras à l'écart des autres, du fait que tu es la seule awoularé du groupe. Nous t'avons laissé les mains libres, afin que tu puisses te restaurer tout à l'heure. Mais tu te doutes bien que tu vas rester attachée comme tu l'es actuellement.
  • Pourquoi faites-vous ça ? Voler ou annuler le pouvoir des awoularés ?

Il s'accroupit et approcha son visage du sien.

  • Nous le faisons depuis des siècles. Alors, pourquoi arrêter maintenant ? Et les akawoussis doivent régner en maîtres sur cette terre ! Et non les awoularés, limités par leur bienveillance !
  • Les awoularés sont justes, prompts à rétablir la justice et leurs pouvoirs leur permettent d'aider les autres. Vous, vous n'êtes que des larbins du roi Akissambo !

Adoba lui donna aussitôt une gifle cinglante. Awilé dut s'humecter les lèvres, afin de nettoyer sa lèvre en sang.

  • Tu as de la chance, Awilé. Si tu avais tenu de tels propos en face de la Reine, elle aurait donné l'ordre de t'exécuter immédiatement.
  • Crois-moi, rétorqua témérairement la jeune femme, si j'avais fait connaissance avec ta reine, je lui aurais dit le fond de ma pensée.
  • Mais tu as déjà fait connaissance avec elle, Awilé.

Cette dernière parut intriguée, tandis que son interlocuteur esquissait un sourire qui n'augurait rien de bon.

  • Okowalé est la reine d'Abamey. Et elle se fera un plaisir de te regarder mourir après-demain, sous la main de notre nouveau Champion akawoussi. Ton cher ami, Malick.

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