Chapitre 8 : Prise de conscience

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Le mensonge n'est que la vérité que l'on choisit de croire. Pourquoi chercher un coupable ou une raison valable au moment où l'on commet une erreur et lorsque notre rationalité nous pousse à opter pour l'irrationnel ? J'ai abandonné l'idée de comprendre ce qui me poussait à me mettre constamment en danger. Autant admettre que l'on est soi-même une impasse plutôt que d'essayer, en vain, de suivre le chemin tout tracé de nos ainés. Si je décidais d'accabler l'innocent sans vergogne et de poursuivre ma quête de malheurs plutôt que d'aspirer à la paix intérieure, qui serait suffisamment fou pour m'empêcher d'être celui que je désire ?

Personne, me direz-vous et, pourtant ...

  • Maxon, il y a quelqu'un au téléphone qui souhaite te parler !

La voix féminine qui surgit depuis la cuisine le fit sursauter et il mit un terme à l'écriture de son article. Grommelant de frustration, il fixa le curseur de la souris qui pointait vers son texte inachevé. Il avait perdu le fil et ne savait comment clôturer son billet. Ses doigts, suspendus au-dessus des touches du clavier se figèrent tandis que son regard, vide, décortiquait la page de son blog dans l'espoir de retrouver l'inspiration.

Lorsque la voix agaçante lui intima de sortir de sa chambre pour répondre au téléphone, il soupira et se leva de sa chaise. Enjambant les paquets de gâteaux à la fraise et autres bouteilles de jus de fruits vides qui jonchaient le sol, il se fraya un chemin jusqu'à la porte. Arrivant à hauteur de la poignée de sa chambre, il glissa sur une chaussette sale et se rattrapa de justesse au mur, manquant de déchirer au passage son poster préféré d'une association écologique. Enfin, il réussit à s'extraire de son territoire à l'odeur de renfermé pour renouer avec le monde. En bas des escaliers, il aperçut sa cousine qui lui tendait le téléphone sans un mot, loin d'être impressionnée par sa mine renfrognée. Il récupéra celui-ci du bout des doigts pour l'approcher de son oreille, faisant la moue en pensant à la quantité de microbes que son corps pourrait recevoir par ce simple contact.

  • Maxon à l'appareil, impatient d'entendre ce que vous avez à me dire, dit-il d'une voix mal assurée.
  • C'est moi. Maxon, inutile de te présenter. Je sais que c'est toi, idiot. D'ailleurs, passe le bonjour à Lily de ma part, s'il te plaît. Cela fait longtemps que je ne l'ai pas vu.

Le jeune homme se tourna vers sa cousine Lily qui l'observait avec un air moqueur sur le visage et s'adressa à elle :

  • John te dit d'aller voir ailleurs si j'y suis et pour une fois, je suis d'accord avec lui.

Lily lui répondit par un geste obscène avant de quitter la cuisine pour s'installer au salon. Maxon profita de son absence pour s'asseoir sur l'une des chaises hautes qui entouraient le comptoir, écoutant attentivement ce que John avait à lui dire.

  • J'aurais aimé t'appeler pour d'autres circonstances, mais le temps est contre moi. J'ai besoin de toi pour...
  • ... Perdre ma virginité ? Pas de problème, tu peux venir dès ce soir et je te déflorerais avec grand plaisir ! l'interrompit Maxon, hilare.
  • S'il te plaît, ne me fais pas regretter d'avoir composé ton numéro. Ce n'est vraiment pas le moment d'évoquer tes fantasmes absurdes dans des blagues de mauvais goût.
  • T'as l'air vraiment sérieux, John. Il s'est passé quelque chose ?
  • Si par quelque chose, tu sous-entends une disparition inquiétante qui a eu lieu et dont la police n'a toujours pas trouvé ne serait-ce qu'un seul indice pour avancer dans son enquête, alors oui Maxon, il s'est passé quelque chose.
  • Je ne te suis pas… De qui parles-tu au juste ?
  • C'est Aurore. Elle a disparu, Maxon et je sais plus quoi faire. Ses parents sont restés insensibles à la nouvelle, c'était comme s'ils s'y attendaient. Ils pensent qu'elle a fugué, mais je n'y crois pas. Ses parents ne font aucun effort pour retrouver leur fille, ils l'ont déjà oublié ou peut-être qu'ils s'imaginent qu'elle est morte. Ils me prennent en pitié et la police ne veut plus me répondre quand je tente d'obtenir des nouvelles sur leur enquête. Personne ne veut m'écouter quand j'évoque comment une fugue me paraît improbable. Ils me disent qu'elle a probablement fait une mauvaise rencontre en chemin et ne sont pas rassurants sur les chances de la retrouver saine et sauve. Sauf que... Elle ne peut pas... C'était impossible, tu m'entends ? Elle est vivante et je me battrai pour la retrouver jusqu'à ce que l'espoir de la revoir part en fumée.

Son ami avait débité ses paroles rapidement. Maxon pouvait sentir le poids de la détresse dans chacune des phrases que John prononçait et cela lui faisait mal.

  • John, je t'en prie, calme-toi parce que là, tu me fais peur.

Et à juste titre, Maxon ne reconnaissait plus son ami. Lui, qui était connu pour son enthousiasme parfois démesuré, était désormais anéanti.

  • John, je suis au courant pour Aurore. Certains journaux commencent à en parler et je pense que d'ici à la fin de la semaine, l'affaire sera sur toutes les chaînes d'information. Je ne savais pas que vous étiez proches, je pensais qu'elle n'était qu'une connaissance à tes yeux. Je suis désolé de t'avoir laissé sans nouvelles ces dernières semaines. Je suis égoïste, j'ai préféré travailler sur mon blog dédié à la fin du monde qui regroupe de plus en plus de membres. Mes propos commencent à être entendus et peut-être qu'en éveillant les consciences, les gens comprendront que nous fonçons tout droit dans le mur et qu'il est temps d'agir avant la grande extinction.

John s'impatienta. Il ne comprenait pas comment Maxon pouvait ne pas saisir l'urgence de la situation.

  • Si tu crois que changer de sujet va en quoi que ce soit me rassurer, tu te trompes. Je ne peux pas me permettre de perdre du temps, il en va de la vie d'Aurore.
  • Je ne cherche pas à changer de sujet John et encore moins à te faire perdre ton temps, je veux juste te demander pardon pour avoir autant négligé notre amitié ces derniers temps. On était proches avant, je regrette que ça ait changé désormais. Et pour Aurore, ne t'en fais pas. Je ne la connais pas aussi bien que toi, mais j'en suis sûr qu'elle va bien. Ce ne sont sûrement pas les quelques mots qu'on a échangés ensemble lors des fêtes d'anniversaire qui me font dire ça, mais plutôt le simple constat que c'est une femme forte et intelligente qui peut s'en sortir. Même dans l'éventualité où elle était livrée à elle-même face au danger, elle serait capable de trouver une solution. Je suis certain qu'il y a une explication à sa disparition. Peut-être qu'elle a voulu mettre le plus de distance possible entre elle et sa vie actuelle parce qu'elle en ressentait le besoin ? Elle est douée en informatique, elle finira bien par se manifester et t'envoyer un message pour te confirmer qu'elle va bien.
  • Moi qui pensais que j'avais parfois tendance à exagérer pour rien, toi à l'inverse, tu es complètement inconscient. C'était une mauvaise idée de t'appeler.
  • Non ! Attends John, ne raccroche pas s'il te plaît ! Je suis désolé. Ecoute, si ça peut t'aider, je peux toujours effectuer des recherches sur sa disparition. Je vais contacter mon réseau. Certains n'attendent qu'un prétexte pour dérober des informations à la police et je saurais comment les convaincre de me rendre un service. On trouvera le fin mot de l'histoire.
  • Merci Maxon. Je n'en attendais pas moins de toi. Ecoute, j'ai autre chose à te demander. Je vais avoir besoin que tu mettes la main sur les films des caméras de surveillance de la ville à partir du moment où elle a eu son accident et qu'elle a fini à l'hôpital jusqu'au jour de son enlèvement. J'ai le pressentiment que les deux événements sont liés et il faut que tu m'aides à comprendre ce qu'il s'est passé. Il est inutile d'attendre quoi que ce soit de la police ; l'inspecteur en charge du dossier refuse de me tenir au courant de l'affaire, car je ne fais pas partie de la famille d'Aurore et ses parents ne me parlent plus. J'ai besoin de toi pour la retrouver Maxon.

Ce dernier essuya la sueur qui perlait sur son front alors qu'il balayait son regard sur les meubles colorés de la pièce.

  • Je suis chez mes parents tout le weekend. Je reviens dès lundi sur le campus. Là-bas, je pourrais accéder à une connexion plus sécurisée et intraçable parmi toutes les adresses IP des étudiants. Laisse-moi trois jours et je t'enverrai les films que tu m'as demandés. Quant à ce que ces vidéosurveillances vont nous montrer John... Il faut que tu aies conscience que cela ne nous mènera peut-être à rien. Il pourrait se passer des semaines avant qu'on trouve un indice et…

John l'interrompit, agacé.

  • J'en ai parfaitement conscience et je sais que je te demande l'impossible, mais je veux juste être certain d'avoir fait tout ce qui était en mon pouvoir pour la sauver. Je lui dois bien ça.
  • On va la retrouver, John, tu peux compter sur moi.

Maxon discuta encore quelques minutes avec lui le temps d'échanger les derniers détails sur l'organisation de la recherche, puis, il raccrocha. Il se leva et se dirigea vers l'escalier menant à sa chambre. Arrivé dans la pièce, il se précipita sur l'ordinateur pour contacter son réseau. Il savait qu'une course contre-la-montre se jouait et il ne voulait surtout pas décevoir une nouvelle fois son ami.

Tandis que John et Maxon s'afféraient à retrouver Aurore, cette dernière dormait. Depuis bientôt trois jours, elle n'avait pas ouvert les yeux. Certains pourraient croire à sa mort tandis que d'autres, plus réalistes, considéreraient que son corps était au repos et qu'elle s'enfermait dans un coma pour mieux récupérer des forces. En réalité, Aurore ne dormait pas. Elle le souhaitait, pourtant. Dormir était un luxe qu'elle ne pouvait s'offrir. En proie à une nouvelle vision qui la tourmentait, elle s'effaçait devant sa conscience qui lui intimait de retenir les vagues d'images d'un futur apocalyptique qui traversaient sa mémoire. Elle se savait vivante. Elle sentait son organisme qui s'accrochait à la vie, néanmoins elle avait depuis bien trop longtemps quitté le réel. Un stylo dans une main, des feuilles dans l'autre, elle attendait que les images que lui projetait son subconscient deviennent moins floues pour les glisser sur le papier. Elle était en transe, des larmes se détachaient de ses yeux clos. Puis, elle revint soudainement à elle, relevant la tête pour observer le mur en face d'elle. Essoufflée, elle prit conscience qu'elle s'était mise debout durant sa transe. Elle lâcha son crayon, faisant fi de ses coupures aux doigts. Son regard ne quitta pas le mur et à la place de la blancheur nacrée de celui-ci, elle vit une fresque jaillir. C'était des visages par centaines. Des expressions, toutes différentes, allant du sourire le plus sincère aux traits tordus par l'horreur. Ces dessins la troublait… Elle en avait le tournis. Des orbes de toute forme la fixèrent, s'attendant à ce qu'elle réagisse à ce qu'elle avait vu. Qui étaient ces personnes ? Quel message son subconscient a voulu lui faire passer ?

Sans qu'elle ait le temps d'analyser ce que signifiait cette étrange œuvre d'art sorti tout droit de son esprit, des individus en blouse blanche s'approchèrent d'elle pour l'attirer vers la sortie. Un membre du personnel lui fit une injection pour que ses pupilles dilatées reprennent leur forme initiale, puis, elle s'évanouit.

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