Chapitre 2 : Un refuge

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  • Action ou vérité ?

La rousse se tourna vers le garçon qui pédalait à côté d'elle. Elle croisa les bras et marcha à ses côtés sur le sentier tandis qu'ils s'enfonçaient dans la forêt.

  • Vérité.

Il ralentit l'allure afin de ne pas laisser trop d'écart entre eux.

  • Comme toujours... Tu te réfugies derrière les paroles pour t'éviter des actes malheureux... C'est désespérant John, mais ça te ressemble tellement.
  • Hum. Tu gaspilles la moitié de ton temps à critiquer les autres pour éviter que l'on s'intéresse à toi. C'est raté.

Il lui fit un clin d'œil, puis reprit.

  • Allez, pose-moi ta question qu'on en finisse.
  • Si je ne te connaissais pas aussi bien John, j'aurais soupçonné que tu te sois amouraché de moi, mais il me semble que l'amour que tu portes à toi-même ne puisse jamais être surpassé. Ça fait sept ans qu'on se connaît et je me suis toujours posé la question... Pourquoi moi ? Franchement... Que fait un puceau avec une dépressive ?
  • Puceau... C'est toi qui refuses de coucher avec moi, tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même si je meurs en n'ayant jamais goûté au fruit défendu.

Elle prit un air faussement irrité, mais ne prononça aucun mot. C'était toujours ainsi entre eux. Deux amis un peu paumés qui ne communiquaient que par le biais du sarcasme. Ils n'avaient aucune raison de s'aimer, ni même de se détester. Ils traînaient ensemble la plupart du temps et prenaient soin l'un de l'autre sans se forcer.

  • Mais pour répondre à ta question, je dirais qu'on se complète tous les deux. Allez... soit honnête, combien de jours tiendrais-tu sans moi ?

Sa dernière phrase prononcée sur le ton de l'humour avait le don de la troubler. Elle n'avait aucune idée de la manière dont elle se débrouillerait sans lui. Il l'avait sauvée en quelque sorte. Sa présence lui était bénéfique et elle était devenue dépendante de l'attention qu'il lui portait, elle qui avait perdu l'habitude de compter pour quelqu'un. Tandis qu'elle tentait de répondre à sa question rhétorique, elle sentait qu'il étudiait l'expression qui traversait son visage. Elle releva la tête pour tomber sur ses prunelles amusées. Il s'arrêta près d'un arbre et elle l'imita, puis, sans la quitter des yeux, il se rapprocha pour effleurer timidement ses lèvres. Ne sachant pas si elle l'aimait de cette façon-là, elle lui rendit son baiser. L'instant d'après, une goutte de pluie vint s'écraser sur le bout de son nez. Elle finit par relever la tête vers le ciel, il pleuvait à verse désormais.

Se mettant à rire en observant leurs vêtements trempés, ils glissèrent contre le tronc de l'arbre, comptant sur ses feuilles pour se protéger partiellement. Aurore s'appuya contre lui pour se réchauffer et il plaça son bras autour de ses épaules. La pluie finit par s'arrêter alors que la journée prenait fin et ils rentrèrent chez eux. Les deux adolescents n'ont jamais évoqué cette journée, ne souhaitant pas que ce baiser affecte leur relation. Néanmoins, ils sentaient que quelque chose avait changé entre eux. Elle ne sentait plus ses lèvres contre les siennes, mais la chaleur qui imprégnait son corps avait quelque chose d'inhabituel. Son toucher, cette brûlure incessante avait laissé bien des séquelles malheureusement. Elle choisit de ne rien lui dire, consciente que les choses allaient empirer. Si elle pouvait le préserver de tout cela, le mieux qu'elle puisse faire restait encore de lui cacher la vérité.

Comment pouvait-elle oublier cette journée ? Son monde, celui qu'elle avait côtoyée depuis sa naissance était tellement différent de celui auquel elle était confrontée désormais... Se pouvait-il qu'elle se soit perdue en chemin dans sa quête de se retrouver ?

L'avantage d'être enfermée : ne pas être contrainte d'ouvrir les yeux. Vous n'appartenez plus à ce monde lorsque vous êtes dans une cage. Ce qu'il peut se passer dehors importe peu alors que la pièce exiguë dans laquelle vous vous trouvez constitue votre unique pièce à vivre, votre défouloir et également l'un des endroits les plus sûrs pour vous. S'évader ? Très peu pour moi. Je n'ai aucune envie de me retrouver en tête-à-tête avec mes démons et confronter mon passé à ma situation actuelle me désespérerait. Les quatre murs ont subi les assauts répétés de mes humeurs sans jamais broncher et j'ai fini par me lasser d'observer cette étincelle émaner de mes doigts pour ricocher contre les murs avant de s'écraser au sol. Ils avaient tout prévu pour que je ne puisse pas m'enfuir, chaque pan de ma vie avait été décortiqué pour ne commettre aucune erreur. Je n'avais qu'à obéir à leurs ordres sans poser de questions et je dois dire que leur plan était parfait. Peut-être même trop parfait. Je me demande comment ils réagiraient si je venais à disparaître soudainement. Les chiffres, inscrits à l'encre noire le long de mon bras, grossissaient à mesure que je les fixais : 7.15.

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