Chapitre 16

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J’eus à peine le temps de sortir le revolver de mon sac que déjà tous les hommes présents était autour de nous, ne se souciant plus de la maison qui brûlait toujours. Josapht s’avança et dit :

  • Comment osez-vous ? Vous introduire dans la maison d’un des envoyés du Seigneur réclame la plus grande peine possible au monde !
  • Vous allez de toute façon nous tuer, dit Corentin, qui avait réussi à enlever son bâillon.
  • Il y a bien des façons de mourir, dit Josapht en souriant. Vous allez découvrir l’un d’entre elles. Allez-y !

Un silence se fit tandis que plus personne ne bougeait. L’un des hommes prit la parole :

  • Il a un flingue, chef.
  • Qu’est-ce que ça change ? Il ne pourra pas nous tous nous tuer ! s’exclama Josapht.
  • Mais je n’ai pas envie de mourir, gémit l’un des hommes.
  • Mais allons, mes enfants, la puissance de Dieu nous protège ! Nous sommes immunisés contre toutes les armes de ce monde. Maintenant, allez-y !

Aux regards sceptiques que s’échangèrent les hommes, je compris que pas un d’entre eux ne croyait en les paroles du chef. Mais quelqu’uns avancèrent courageusement. Voyant que je ne tirai pas, plusieurs autres s’avancèrent. Josapht cria :

  • Vous voyez ! Il a peur.

Juste pour le contredire, je tirai un coup sur l’homme le plus proche. Il s’écroula par terre, mort. J’en profitai pour répliquer :

  • Vous voyez ! Vous n’êtes pas sous protection divine ! Je peux vous tuer aussi facilement que votre chef dit des mensonges,
  • Blasphème ! hurla Josapht.
  • Rebellez-vous contre votre chef, ce menteur ! Vous ne voyez pas que vous êtes en train de former une secte ?
  • Blasphème ! s’époumona Josapht. Mes frères, n’écoutez pas ce blasphémateur !
  • Lui, il y croit peut-être, mais ne soyez pas obligés d’être entraînés dans cette folie, poursuivis-je. Franchement, qui êtes-vous pour assassiner des enfants, en faisant un sacrifice dont vous savez pertinemment qu’il est inutile ?
  • BLASPHÈME ! cria Josapht de toutes ses forces.
  • Arrête de crier, il a raison, dit l’un des hommes.
  • On n’est pas des assassins, renchérît un autre.
  • Laissons ses pauvres enfants tranquilles, continua un dernier.

Je sentais que j’étais en train de gagner la partie, jusqu’à ce que Josapht fit un geste calme de la main, et dit :

  • Mes frères, si vous ne voulez pas ces enfants pour leur sacrifice, n’oubliez pas qu’ils ont de la nourriture sur eux, la nourriture qu’il nous manque.

Tous les yeux se tournèrent de nouveau vers nous, et je sentis que cette fois, j’avais perdu la partie. Josapht avait utilisé un argument décisif pour ces hommes morts de faim. Je glissai une main vers la sacoche en disant :

  • Ne vous laissez pas avoir ! Qui vous dit que j’ai de la nourriture ?
  • Lorsque l’on a un sac a dos aussi plein, c’est qu’il y a de la nourriture ! dit Josapht.

Les hommes tout autour de nous se rapprochèrent d’un coup. Alors qu’ils allaient nous autres dessus, je chuchotai :

  • Baissez-vous !

Puis je fis un geste dans les airs avec ma carte, le huit de Pique. Aussitôt l’obscurité se fit dans toute la rue. Je me baissai, suivi de Cléa et de Corentin. Je tirai une fois vers la droite, puis je murmurai :

  • On va à gauche !

Nous nous faufilâmes vers la maison, que heureusement l’on avait éteint, de la secte. Tout autour de nous, il y avait des cris de rage et de douleur, et Josapht criait :

  • Ne les laissez pas s’enfuir ! Ils sont partis vers la droite ! Poursuivez-les ! Plus vite !

Corentin demanda, incrédule :

  • Pourquoi par là ?
  • Tu as entendu Josapht. Ils croient que nous sommes partis vers la droite, ce qui serait logique. Au lieu de ça, on va aller à leur maison et on va leur piquer certaines choses.

Nous arrivâmes devant la maison. Je m’efforçai de prendre une voix grave et rauque :

  • Tout le monde dehors ! Josapht a besoin de tous les renforts possibles ! Tout le monde ! Les prisonniers se sont enfuis !

Aussitôt, il y eut un remue-ménage à travers la maison. Une voix demanda :

  • Faut-il prendre des armes ?
  • Non ! Josapht les veux vivant ! Et de toute façon, ce ne sont que des gamins, répondis-je. On doit juste les retrouver.

Les hommes et femmes sortirent un à un de la maison et coururent vers le bout de la rue. Le visage caché dans l’ombre, je les pressai :

  • Plus vite, plus vite ! Ils faut les retrouver !

Une fois tous partis, nous rentrâmes dans la maison. Je détachai Corentin et Cléa et nous fouillâmes rapidement la maison. Nous trouvâmes deux fusils à pompe. Corentin en prit un, je pris l’autre, et je donnai mon revolver à Cléa.

Nous trouvâmes quatre sacs à dos, dont nous prîmes la moitié. Nous répartîmes à l’occasion la nourriture entre les sacs. Nous prîmes toute l’eau et la nourriture disponible, avant de sortir en courant de la maison.

Malheureusement, quelqu’un nous repéra et cria :

  • Les offrandes s’enfuient de l’autre côté ! Alerte !

Nous nous enfuîmes aussi vite que nous pûmes. Mais les hommes s’étaient tellement répartis dans la ville que nous fûmes encerclés. Mais avec Corentin, nous tirâmes un coup de fusil à pompe, et cela suffit pour mettre en déroute les hommes.

Lorsque nous arrivâmes au bout de la ville, nous étions hors de souffle, mais nous continuâmes de courir jusqu’à ne plus sentir nos jambes. Nous nous effondrâmes par terre, le souffle court, la gorge sèche.

Nous restâmes dans la même position pendant un long moment, jusqu’à ce que notre rythme cardiaque se soit ralenti. Je relevai la tête et regardai Cléa et Corentin. Sentant que je les regardai, ils relevèrent à leur tour la tête.

Nous nous fixâmes un bon moment, jusqu’à ce que je dise sèchement :

  • Vous voyez où nous en sommes, avec vos imbécilités ? On ne sait même pas où on est, et si ça se trouve, on a perdu du terrain !

Ils me contemplèrent un instant sans rien dire, puis Cléa lâcha d’une petite voix :

  • Merci de nous avoir sauvé la vie, Matt.
  • Vous me devrez bien ça un jour, répondis-je en détournant le regard. Mais maintenant, il faut dormir, d’accord ?
  • Ne vous inquiétez pas pour ça ! grinça une voix. Vous allez dormir pour l’éternité !

Nous nous retournâmes pour voir Josapht, une hache dans une main, l’autre bras pendant, avec un trou dans le teeshirt au niveau de la clavicule, mais je ne savais pas la raison de cette blessure. Il poursuivit :

  • Vous m’avez déshonoré ! Ma troupe m’a quitté, je suis seul et blessé. Dieu m’a abandonné. Pour me pardonner, je vais vous tuer, puis me tuer moi-même pour mettre fin à mes souffrances interminables !
  • Des souffrances ? répéta Corentin.
  • J’en ai plein ici, dit Josapht en montrant son cœur.

Je fis un pas en avant, et regardai Josapht droit dans les yeux :

  • Avance-toi, mon fils, je vais te soigner tes blessures.
  • Comment oses-tu m’appeler ton fils ?
  • Allons, Josapht. Tu ne me reconnais pas ?

Les yeux de Josapht s’agrandirent alors qu’il comprenait ce que j’insinuais. Il bredouilla :

  • Vous, vous êtes Lui ?
  • Oui, acquiesçai-je sereinement.
  • Pardonnez, pardonnez-moi de ne pas vous avoir reconnu, mon père, dit Josapht en tombant à genoux.

Je sentais les regards incrédules de Corentin et Cléa dans mon dos, pourtant je m’approchai encore et posai une main sur l’épaule de Josapht. Je lui demandai, d’un ton paternel :

  • Pourquoi nous avez-vous attaqué, mon fils ?
  • Je croyais que vous étiez des voleurs, des offrandes pour vous offrir, à, à vous ! Mais je sais que vous êtes des voleurs.

Le temps que je fronce les sourcils, Josapht se leva et me prit par la gorge. Il commençait à m’étrangler, mais je lui donnai un coup de pied dans le ventre. Corentin cria :

  • Baisse-toi !

Je me jetai à terre, puis j’entendis un coup de feu et la tête de Josapht éclata. Corentin rechargea et déclara :

  • J’aime les fusils à pompe. Ma dette est épongée, Matt.
  • J’aurais pu me débrouiller tout seul, répliquai-je. Mais merci.

Je me relevai et sans un mot, nous répartîmes pour nous éloigner un peu plus de la ville. Environ un quart d’heure plus tard, nous installions notre campement. Couchés autour du feu, nous réfléchissions chacun dans notre coin.

  • Je suis lié à eux, maintenant, pensai-je. Je ne peux plus les abandonner. J’espère que ce n’était pas une erreur...

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