Chapitre 15

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Ce fut un vent froid qui me réveilla. J’examinai la position du soleil, et calculai que j’avais dormi une heure et demie environ. Je me relevai et cherchai du regard Corentin. Il avait disparu. Je l’appelai :

  • Corentin ! Corentin, où es-tu ?

Puisque personne ne me répondit au bout de cinq minutes, je conclus que Corentin ne m’avait pas attendu et qu’il était allé délivré Cléa tout seul, en parfait imbécile.

J’en eus la confirmation lorsque je montai au sommet de la dune la plus proche. Corentin m’avait laissé ses jumelles, et je pus observer à loisir la silhouette d’un adolescent progressant assez vite vers la ville. Il devait courir, impatient qu’il était.

Je soupirai et me mis moi aussi en marche, après avoir récupéré le contenu de mon campement. J’essayai de marcher aussi vite que possible, mais j’étais encore fatigué par la marche au soleil de l’après-midi.

J’allai souvent au sommet de la dune la plus proche pour observer la progression de Corentin. Il ralentissait, puisqu’il n’avait sans doute pas eu le temps de dormir.

Alors qu’il entrait dans la cité, je commençai à apercevoir les premières maisons de la ville. Je maudis un instant Corentin et son impatience et dus combattre contre moi-même contre le fait de le laisser se débrouiller.

Mais au fond de moi-même, je savais que je ne pourrai pas les abandonner, car ils m’occupaient. Je n’avais plus à parler tout seul, ce qui me rassurait vaguement. Alors que j’entrais dans la ville, il commença à faire noir.

Je décidai de m’arrêter un moment pour faire le point :

  • Je ne sais pas où est Corentin, ni où est l’homme que nous poursuivons. Encore une fois, je suis tout seul.

Je sortis le revolver de mon sac et avançai lentement dans les ruelles, cherchant le moindre signe de vie. Malheureusement, j’eus beau chercher pendant presqu’une demi-heure, je ne vis pas âme qui vive.

J’allai me décourager et renoncer à chercher Corentin et Cléa lorsque j’entendis un cri :

  • Regardez-moi ça ! Deux enfants pour le prix d’un ! Pas vrai, sale petit fouineur !

Je me retournai d’un coup, inquiet d’avoir été découvert, mais il n’y avait personne. Je filai tout de même me cacher sous un porche d’une maison. J’attendis quelques instants, mais je ne voyais toujours pas d’où provenait la voix. Puis celle-ci reprit :

  • Deux sur trois. Le dernier ne va pas tarder à se montrer, s’il n’est pas déjà là.

Je pus enfin repérer d’où venait la voix. Elle semblait provenir d’une rue adjacente, plutôt vers la gauche. Je sortis prudemment du porche et jetai un rapide coup d’œil à la rue adjacente. Je ne vis pourtant pas de lumière.

  • Vous ne pourrez jamais l’attraper ! fit soudain la voix de Corentin. Il est bien trop malin pour vous.
  • Corentin... Pourquoi as-tu dit ça ? soupirai-je intérieurement.
  • Ah oui ? dit l’homme. Et bien, nous verrons ça. Mes frères, ce soir, nous allons offrir en sacrifice des êtres purs !
  • C’est une secte, pensai-je immédiatement. On est mort. Ils se débattront beaucoup plus.
  • Vous voulez nous sacrifier ? rit Corentin. Mais bande de malades, le soleil vous a grillé la cervelle ou quoi ?
  • J’avoue qu’il a du cran, pensai-je. Mais je ne pense pas que ça dure.

En effet, il y eut un bruit sourd, puis la voix de l’homme gronda :

  • Pour qui nous prends-tu, jeune ignorant ?
  • Pour des débiles qui ont des mollusques à la place du cerveau ! répondit bravement Corentin.
  • Raaaaahhhhh ! gronda l’homme.

Il y eut un autre bruit sourd et le corps de Corentin passa au travers d’une porte, ce qui eut l’avantage de me donner le lieu de la résidence de la secte. Corentin se leva faiblement, prêt à s’enfuir, mais l’homme sortit lui aussi.

Il souleva Corentin de ses bras et cria :

  • Pour qui nous prends-tu, imbécile ? Pour une secte, pas vrai ? Inculte !
  • Ça m’en a tout l’air ! pensai-je.
  • Mais non ! Nous ne sommes pas du tout une secte ! Seulement, nous ne pouvons pas être aveugle face à certains événements ! Les cataclysmes, ou quelque soit le nom que le gouvernement lui donne, sont un signe du destin ! Ou plutôt, un signe de Dieu !
  • Mon dieu, des illuminés ! pensai-je. Ce sont les pires. Ils n’ont aucune chance de s’en sortir sans moi.
  • Oui, de Dieu ! poursuivit l’homme. Nous ne pouvons pas ignorer la volonté de Dieu lorsqu’elle se présente. Dieu a voulu éliminer l’humanité, et bien soit. Nous allons l’y aider. Aussi vrai que je ne m’appelle Nicolas Josapht !
  • Pourquoi est-ce que vous ne vous tuez pas vous-même, puisque, je pense, vous êtes des humains comme moi, non ?

La question de Corentin paraît troubler l’homme un instant, mais celui-ci se reprit vite :

  • Mais parce que nous sommes les acteurs de la Vérité ! Cela peut paraître obtus pour un être inférieur comme le tien...
  • Leur cerveau est vraiment grillé, pensai-je. A savoir qu’est-ce qu’il leur a fait ça : le manque de nourriture, le cataclysme, ou étaient-ils déjà comme ça avant ?
  • Mais nous devons accomplir le travail de Dieu avant de nous tuer nous-mêmes, poursuivait l’homme. Ce sera la dernière étape. Mes frères, assez discuté ! Préparons le sacrifice !

Un chœur de voix lui répondit de l’intérieur et l’homme, soulevant Corentin, rentra dans la maison. Je poussai un long soupir et m’affalai contre le mur.

  • Faisons le point, pensai-je. Comment vais-je me sortir de cette situation ?

J’avais plusieurs solutions : soit partir de la ville et continuer ma route, laissant Corentin et Cléa à leur sort, sans plus se soucier d’eux. Je ne pouvais me résoudre à cette éventualité.

Soit je fonçai en gros bourrin et tuai tout le monde grâce aux cartes de Pique. Mais ce serait gâcher inutilement un sort de gros pouvoir, et je ne savais même pas combien d’hommes étaient dans la maison.

De plus, je risquai de tuer également Corentin et Cléa, et j’avais de toute façon tué assez de monde cette dernière semaine. Soit, je menaçai la communauté de mon revolver, mais la communauté étant une secte, cela risquait de poser problème.

En effet, l’un des hommes, se croyant sûrement sous protection divine, allait me sauter dessus et je ne pourrai rien faire. Ou alors les hommes allaient être trop nombreux pour les balles de revolver qu’il me restait.

Soit, dernière solution, j’espionnai la maison et trouvai un plan en conséquence. Mais on risquait de me repérer et je ne savais pas de toute façon combien de temps j’avais avant que Corentin et Cléa soient sacrifiés.

C’était de loin la meilleure solution, puisque je ne risquai pas de me faire tuer, du moins pas dans les minutes à venir. Je m’approchai donc de la maison en rampant. Je glissai un coup d’œil par la porte détruite pour évaluer la situation.

La maison ne comportait pas d’étage, juste une grande pièce unique qui faisait toute la taille de la maison. Ce qui était mieux, car j’avais la certitude que tous les membres de la secte étaient présents dans cette pièce.

Tout au fond, Corentin et Cléa étaient attachés et bâillonnés. Ils avaient l’air d’aller bien, à part que Corentin avait quelques bleus. Je ne pus pas évaluer tout de suite le nombre d’hommes et de femmes présentes, mais je l’estimai à une vingtaine.

Je ne vis aucune arme susceptible de contrecarrer le plan qui commençait à se former dans ma tête. Mais ce ne serait de toute façon pas un problème.

  • Accélérez ! cria le chef. Nous devons être prêts pour 22h !

Il ne me restait que deux heures pour agir, ce qui était largement suffisant. Je glissai un deuxième coup d’œil et compris que mon plan serait impossible. Il y avait au moins 20 à 25 personnes dans la maison.

Mon plan était au départ d’éteindre toutes les lumières de la maison, et de profiter de la pénombre pour détacher Corentin et Cléa et ainsi fuir sans que personne ne nous voie. Mais il y avait trop de monde et quelqu’un nous aurait forcément vu.

J’adoptai pour un plan similaire, mais bien mieux. Je sortis le dix de Carreau et produisis un mince rayon de lumière vers un tonneau en bois. Celui-ci, après un petit instant, s’enflamma.

  • Au feu, au feu ! cria le chef. Que tout le monde sorte !
  • Et les prisonniers ? lui répondit une voix.
  • Je m’en charge, répondis-je en tâchant de prendre une voix plus grave.
  • Parfait ! Tout le monde dehors !

J’entrai vite dans la maison tandis que le chef continuait de brailler des ordres. Je soulevai de force Corentin et Cléa en leur glissant rapidement à l’oreille :

  • C’est Matt !

Puis je les forçais à avancer à travers la fumée. J’étais surpris qu’autant de fumée s’échappe d’un tonneau. Son contenu devait aussi être inflammable. Une fois dans la rue, je poussai les deux adolescents pour les forcer à courir.

Mon plan se passait parfaitement bien jusqu’à ce que deux hommes surgissent de la rue, deux seaux d’eau entre chaque main. En voyant les mains liés de Corentin et de Cléa, ils comprirent la situation et appelèrent :

  • Josapht ! Josapht ! Les prisonniers s’échappent !

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