Chapitre 1

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Prendre conscience de son vide, si on n'y est pas préparé, peut avoir des conséquences néfastes. Il faut l'esprit aventurier de l'explorateur nyctalope. Ne pas redouter de se faire absorber. Parce-qu'à l'instant même où tu en prends conscience, le vide, lui, prends aussi conscience de toi. De ta petite existence. Et finit par s'y intéresser de très très près.

Ca fait flipper, un vide qui se rapproche. Forcément. on se réfugie dans la fuite . On dénie. On désunie. Insoumis à la merci d'un vide qu'on ne saurait voir.

Mais c'est trop tard.

Le vide sait que tu es là. Il te connait. Il désempare ton existence pour grandir en toi. Personne ne veut se retrouver face à son vide. On tente l'annihilation. On comble. Du moins, on essaie. Piètre tentative d'évasion. Pathétique. Fatale. On oublie, du coup, les règles élémentaires de survie.

Survie.

Cette petite bulle qui s'agite et se refuse à crever.

On comble, oui. Et comme on n'est pas cohérent, on comble en creusant. On fait son trou, comme on dit. Et comme ça ne suffit pas, on vient renifler celui des autres. on compare, on s'accapare. Mais on ne répare pas. La fêlure. La brèche qui s'est infiltée en toi. Ce cortex de vide inversé. Comme une blessure qui ne se referme pas. Qui te met à genoux. Face à terre. Humilité hypocrite des aventuriers masqués que nous sommes devenus.

Pauvres de nous.

Pauvre petit bipède confiné dans son quotidien. Prisonnier de son propre prisme. Il a voulu la conscience et se retrouve plongé dans un vide incommensurable. Mercenaire d'un trou mercantile à l'égo nombrilliste. Dépassé par la peur. Celle du vide. La peur d'être sans que personne ne s'en rende compte. Il devient lui-même son propre vide et se prètend rempli... Tout en faisant son trou.

Un comble.

On peut s'éviter longtemps, comme ça. Longtemps mais pas tant que ça. Tic tac tic tac tic tac... Tu l'entends, le temps qui passe? Il ne vient pas seul. jamais. Il s'accompagne d'un autre vide. Un vide qui ne nous appartient pas. Qu'on ne peut pas creuser. Ni combler. Ni même ignorer. Ou faire semblant. Lenvahisseur par excellence. Le seul véritable. Le cosmique. Les autres n'étant que des pâles imitations. Du vent. Comme là. je raconte du vent. C'est déprimant. si. C'est déprimant. Ca me déprime.

Mais alors, me diras-tu. Et le plaisir, dans tout ça? Celui de vivre, tout simplement?...

Plaisir...

Faut reconnaitre que c'est plaisant à dire, "plaisir". Ca sonne bien. Ca fait sourire. Et puis ça fait marrer le cosmique.

Parce-qu'il se marre, le cosmique, figure- toi. Tu l'entends pas se marrer, toi? Moi si.

Il se marre. Et je ne sais pas pourquoi, il se marre.

Après, faut pas s'etonner qu'on devienne parano. Il se fout de nous. Enfin, de toi, je sais pas, mais de moi, surement. Et je n'aime pas qu'on se foute de moi. ca me met en rogne. Je saurais au moins pourquoi, ça m'énerverait moins...Peut-être!

Si ça se trouve, ça n'a rien à voir avec ma petite personne.

Si ça se trouve.

Mais je n'en suis pas si certain que ça.

C'est pesant, un rire cosmique. C'est pesant et crispant. Et quand je me crispe, je suis pas content.

Content.

Ce n'est pas un mot que j'utilise souvent. Je n'ai pas une nature à etre content. Surtout de moi. Il faut être crétin pour etre content de soi. Il n'y a rien de plus affligeant qu'un quidam content de lui. Qu'est-ce que cette andouille a à apporter, à part un sourire béat sur sa petite face? Rien du tout! Il est tout simplement vide et fier de l'etre, ce con.

Il n'y a pourtant pas de quoi. Parce qu'à chaque rictus de satisfaction, le vide gagne du terrain. Alors non! Je ne suis pas content! Je fouille mon vide avec acharnement. Je ne cherche rien. Je ne trouve rien non plus. Mais alors, qu'est-ce que je fouille.

C'est pourtant pas facile à fouiller, un vide. T'as qu'à essayer, tu verras.

Je fouille, je m'acharne, je m'échine à cultiver un vide inculte. Et pendant ce temps, le vide cosmique se marre. et ça m'énerve!

quand je sature de tout ce cirque, marre de me casser le cul pour rien, je m'absorbe. J'abandonne. Je glisse. Et bonsang! Que ça fait du bien!

Je descends mon escalier.

Je me répands dans mon jardin neuroprivatif. Je pactise avec mon vide. Je copine, même! Comme un gosse. je joue à colin-maillard.

J'ai le vide très joueur. C'est souvent lui qui se planque. Il m'appelle et moi je dois le trouver.

Je le trouve à chaque fois. Il est bon perdant puisque c'est lui qui gagne.

A chaque fois, aussi.

Je le sais bien, mais je m'en fous.

Je laisse faire.

Je glisse.

Pour mieux me laisser prendre.

Pour mieux me laisser aller au vertige.

Vertige.

Ces tourbillons délicieux qui s'entortillent dans mon crâne comme un serpent de verre.

Fermer les yeux et glisser.

Oublier et s'abandonner.

Enfin.

Accepter le vide et oublier le presque.

Ne rien faire.

Ici et maintenant.

Et la fatalité me retombe dessus.

Je redeviens matière.

Du pas grand-chose plongé dans un grand vide.

Et le temps passe...

Complicité intime avec le cosmique ricaneur.

Pauvres consciences que nous sommes.

Ô Grand-Tout! Maître du vide! Entends la plainte du pauvre humanoïde conscientisé!

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