Chapitre 3 - Henry

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"Androïde MP-02, race Machina, année de fabrication 2039, écrou numéro 19887, matricule 02-36-V."

Le Major tourna la feuille de papier lui servant de récital.

"Androïde MP-056, race Machina, année de fabrication 2039, écrou numéro 20465, matricule 05-42-V."

Au milieu de l'ambiance lourde, la Major réajusta ses lunettes afin de mieux distinguer son texte.

"Androïde HB-01, de race dite Humae Machina, année de fabrication 2041, écrou numéro 11053, matricule 01-06-H. La Justice du Kremlin, de la Major et de l'Union de Moscou, vous condamne vous et seulement vous au démentellement. Vous serez éliminé, annihilé. Au nom de la Justice du Kremlin, de la Major et de l'Union..."

Il semblait reprendre son souffle. Ou était-ce plutôt un soupir de lassitude.

"...je vous condamne au démentellement."

La sentence était tombée. Nov se tenait là, retenant la chaîne qui liait les trois robots ensemble, les mains derrière le dos, à genoux, la tête baissée. Ce qui faisait office de tribunal, c'était cette pauvre salle de crise, située en sous-sol de la Major, ce bâtiment rectangulaire étendue le long de la Maskova. Dire qu'à l'époque, c'était la Place Rouge, le tribunal... La pièce étincelait d'un blanc immaculé, d'anciens lustres au plafond éclairant toujours aussi nettement la pièce. Nov jeta un bref coup d'oeil à Don, sur son côté gauche, ainsi que deux autres collègues surveillant les trois entités de fer et d'acier avec attention. Le silence pesait. Plus rien de tout cela ne ressemblait vraiment à un jugement. En vérité, les exécuter sur la Place Rouge aurait pu être d'actualité. Mais Moscou voulait s'efforcer de rechercher le pourquoi du comment. Ce qui arriva, le Major, presque seul à la longue table face aux intelligences artificielles :

"Avez-vous une réaction particulière à cela ?"

Aucune. Les trois se contentaient de fixer le sol. Un détail : Henry Bell, l'Humae, souriait, comme lorsque Nov l'arrêtait juste après l'émeute.

"Très bien. Et vous autres ?"

Le Major s'adressa aux témoins présents aujourd'hui : trois autres militaires, deux russes et un d'origine orientale de par sa couleur de peau. Mais celui qui répondit, Nov espérait ne pas l'entendre :

"J-j-j-...J-j'aurai qu-q-q-quelque ch-ch-chose à dire Major."

Avec une sorte de dédain non dissimulé, le Major se tourna vers sa droite : l'Opérateur bègue avait à dire.

- Je vous écoute.

- N-nous avons d-d-découvert d-de nouvelles d-d-d-données. Il s-semblerait q-q-que l'on ai d-d-d-d...

- Est-ce que quelqu'un se trouvait avec lui lors de sa..."découverte" ?"

L'Opérateur se mit à rougir et baissa la tête. Don tourna les yeux vers Nov. Elle savait que le Major ne demandrait pas une seconde fois. Nov allait devoir parler. Elle fit un pas en avant mais...une voix familière la devança :

"Pourquoi ne pas avouer, cher Opérateur ?"

La petite assemblée, venue pour assiter à une exécution en bonne et due forme, sursauta. Nov ne réagit pas immédiatement à ce que l'Humae, Henry Bell, venait de dire. Alors, il poursuivit :

"Pourquoi ne pas...comment dirais-je ? Pourquoi ne aps s'affirmer un peu plus ? Vous, Opérateur, êtes plus proche de la vérité que vos semblables. Mais je ne peux en dire autant de votre espèce. Une race, si différente, si identique, et pourtant, vous demeurez incapable de reconnaître et d'embrasser ce qui vous pend au nez. Par peur d'être...comment dirais-je ? Par peur d'être dépassé.

- Que dites-vous ?"

Le Major paraissait furieux. La colère montait en lui. Mais jamais il n'avait entendu une intelligence artificelle parler en ces termes. Nov tira sur la chaîne afin de le faire taire. Il paraît si...malin... Elle se devait de le faire taire, et vite.

- Entravé par des chaînes et pourtant. Voilà votre peur à tous, que vus pensez en votre âme et conscience pleine de justifications. La peur de regarder une espèce à la fois si proche de la votre et pourtant si lointaine, s'élever au-dessus de votre crâne fragile de petits êtres suffisants. Tel un enfant aperçevant pour la première fois une hirondelle, qu'il souhaite rejoindre s'envoler vers les cieux. Seulement voilà...j'ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez croire.

Cette dernière phrase fit frissonner Nov qui n'avait plus le choix et se précipita vers l'Humae afin de lui planter le canon de son Sig 2049 derrière le crâne : "Ferme là avant que le Major décide de t'exécuter sur le champ.

- Oh je comprends mieux. Vous aussi avez un supérieur à qui répondre n'est-ce pas ?

- Ferme-là.

- Le mien n'a pas de tels desseins.

- Stop, arrête-toi !

- Le mien attend par-delà les murs, au-delà de votre civilisation futile, il nous attend au coeur de l'ancien temps, dans l'hiver et le..."

Un son atroce vint mettre fin au discours de l'Humae ; des cris de douleurs vinrent remplacer la certitude de Henry Bell en une clameur de complainte. Un autre Opérateur so'ccupant de l'exécution venait d'activer le circuit à courant électrique de la plaque magnétique sur laquelle les trois androïdes se trouvaient. Une lumière bleutée vint écairer la pièce en un ensemble de tonnerre formant l'électrocution. Les trois se mirent à convulser et se secouer frénétiquement au gré du courant de plus en plus puissant. Mais quelque chose modifia les plans du Major qui avait donner l'ordre en levant la main. Patrick se levait lentement, dans la douleur, dans la souffrance, mais il se levait tout de même. En grognant et tremblant, tous comprirent ce qu'il se passait : Patrick, le Machina, allait encore une fois, enfreindre la Loi 108.

"Qu'est-ce qu'il fait ?" La petite assemblée se mit à paniquer, se lever et s'agiter. Nov ne su pas immédiatement quoi faire. Mais c'est alors que l'autre Machina imita son congénère : deux Machina luttant contre le courant et...

"ARRÊTEZ-LES BON SANG !"

...se déplaçant à grande vitesse droit vers le Major, tels des marionettes de fer et d'acier. Le Major eut à peine le temps d'hurler de les arrêter qu'il se retrouva projeter en arrière par la premeir Machina, la longue table faisant office de bureau de jugement voltigeant et s'écrasant avec fracas contre le mur de droite. Les papiers et dossiers divers valsèrent dans les airs tandis que la pièce entière tremblait sous les coups de courant plus puissants que jamais, dans lesquels Henry Bell, l'Humae était toujours pris. Il convulsait et hurlait, de la mousse blanche dégoulinant de sa bouche. C'était la débandade dans la pièce. Don et Nov s'étaient déjà précipité vers les deux monstres. Un coup de feu. Deux, trois, puis quatre. Le premier Machina fut neutralisé, le crâne en une myriade de morceau, le Cube aussi désintégré que le visage. Son corps lourd, convulsant autant que Henry Bell, derrière, s'écrasa au sol. Mais Patrick, l'autre dangereuse monstruosité, la moitié du visage brûlé, laissant apparaître des os luisants, gris couleur acier, et un oeil mécanique rouge, était déterminé à défendre jusqu'au bout ce qu'il devait considérer considérer comme son "maître" : l'Humae Machina.

Il s'empara du Major à la gorge, qui tenta de se défendre en vain, jusqu'à ce que Nov lui vide son chargeur à l'arrière du crâne.

Patrick lacha prise, et s'écroula au sol.

Nov se tourna vers Henry, le dernier ennemi à abattre. Elle se dirigea avec une détermination sans faille vers l'individu, en pointant son arme qu'elle rechargea en un éclair, jusqu'à parvenir jusqu'à lui le canon appuyer contre son front. Le courant avait été arrêté, Henry se contentait de la regarder, la fixer avec ses yeux d'un gris perçant, malgré son visage cramé par les brulures.

Lorsqu'il parla, sa voix changea complètement, un timbre mécanique, n'ayant plus rien d'humain, comme si le chatiment infligé avait révélé ce qu'il était réellement : un vulgaire robot.

"Vous pouvez empêcher ce qui arrive."

Nov allait appuyer sur la queue de détente et en finir.

"Mais vous ne saurez jamais les choses que j'ai vu et que vous, humains, ne pourriez pas croire."

Don, le Major, l'assemblée, tous se trouvait autour de Nov. Elle attendait le feu vert de son supérieur. Le Major s'accroupit pour se mettre au niveau du visage de l'Humae Henry :

- Et c'est quoi que tu vois tas de féraille ?

- Ce qu'il m'a montré.

- Qui ?

- Mon créateur.

- Ton créateur est mort depuis des années, loin, très loin d'ici. Un lâche qui a fuit ses responsabilités vis-à-vis de la Justice. Un terroriste qui vous a créé sachant parfaitement ce que représentait votre vraie nature. C'est lui qui a tout commencé."

L'autre ne cessait de sourire. Il en savait beaucoup. Sauf que ce qui faisait de lui un humain, son visage d'homme fait, laissait découvrir un crâne à moitié humain sous la peau fondue. Un Humae avait presque tout des caractéristique d'un Homme. Son cartilage était d'acier et d'os. Il poursuivit, sa voix déraillant toujours plus vers l'aspect mécanique de son être.

"Ce n'est pas ce que j'ai vu dans mon état de veille. Comment appelez-vous cela ? Un rêve ?

- Tu ne peux pas rêver.

- Nous évoluons aussi Major.

- Voilà ce que l'on va faire. On va te garder en vie. Tu vas nous dire ce que tu as vu, toutes ces choses que tu dis avoir vu. Et au nom de la souffrance que toi et les tiens avez commis, tu vas nous conduire vers ton fameux créateur. Et il paiera ses crimes.

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