Chapitre 1 - Yeux Gris (II)

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Bordel !!

Nov réagirait émotionnellement plus tard.

Là, il fallait agir. Elle eut le temps de se relever pour s’apercevoir qu’en face, quatre Machina bloquaient le passage vers le clou du spectacle se déroulant derrière eux. Un mouvement informe, tous, robots, androïdes se dirigeaient vers la même direction en provoquant un attroupement peu à peu structuré. Mais peu importait ce que les boîtes de conserve avaient manigancé : Nov allait agir. Elle se saisit de son arme à feu, au ceinturon : un Sig 2049 à rayonnements. Elle se dirigea droit vers les Machina d’un air de héros de film de 1990, la parka au vent, la tête penchée sur le côté, ses cheveux rasés de deux millimètres et sa dégaine aussi robotique que les trois-cent cinquante tas de férailles commettant leur mystérieux méfait.

“Je vous ordonne de reculer immédiatement.”

Aucune réaction. Le regard vitreux, les poings serrés, une allure aussi déterminée que pouvait l’être un dangereux Machina, les quatres colosses ne bougeaient pas d’un millimètre. Leur face tantôt de Tchécoslovaque, de Maghrébin ou de Biélorusse, carré, la mâchoire aussi épaisse que leur bras. Chaque robot depuis le premier avait toujours eu cette capacité à pouvoir rester de marbre, telle une roche enfouit dans le sol et à l’aura aussi imposante que dérangeante.

“Je répète…”

Elle n’en fit rien et tira une fois, deux fois, trois fois à leurs pieds.

Vêtus de leurs vêtements de fortune, chemises de velours brune déchirée ici, chaussures Converse noires de crasse et casquette pour les deux autres, jeans délavés et usés, les traits de leur carrure épaisses et musculeuse parvint aux yeux de Nov mais ne l’impressionnait guère. Ce qui l’impressionnait en revanche était le fait que les autres collègues étaient aussi immobiles qu’eux. Pourquoi ? Ils savent qu’on ne fait pas le poids face à eux. C’est au moment de replacer le doigts sur la queue de détente qu’un coup de feu éclata au loin. Bloc A… L’émeute était organisée à la lettre. Les collègues, ceux qui ne fuyaient pas, faisaient ce qu'ils pouvaient. Elle leva alors le Sig et tira une salve de munitions à rayonnements. Les lumières vives du canon éclatèrent en explosions au visage des quatre boîtes. Pas un seul cri. Nov pu prendre de l’avance. Elle les avaient simplement endommagé. Hors de question de les éliminer, même s’ils avaient commis l’irréparable. Elle courut à toute allure vers chaque corps, les inspecta en mettant un genoux au sol, les sourcils froncés. Elle regarda ses collègues leur faisant signe de désactiver la carte mère de chacun, ce qui les rendraient aussi inoffensifs que de simples robots de 2031. Qu’ils attendent leur jugement pour mourir.

Nov enchaîna alors et se rua vers la foule. Quelque chose la fit s’arrêter : le silence. Bien sûr, quelques bruits de déflagration provenant des différents blocs. Mais, tous les robots demeuraient immobiles et silencieux. Très vite, Nov comprit.

“Pas ça…”

Les sons de l’agression parvint à ses oreilles tandis qu’elle se frayait un chemin vers la scène : un cercle que formait la foule de boîte, et au centre, deux tas de féraille. L’un était la victime. L’autre l’agresseur. Le premier était épais, pas autant qu’un Machina mais sa définition musculaire était tout de même visible malgré une couche suffisante de vêtement pour ne pas attraper froid...un robot...attraper froid...Oui. Pas un simple robot, pas un androïde, pas un Machina. Non.

La race encore supérieure.

Alors Nov se rua en une fraction de seconde vers eux mais le Machina, aussi costaud que les quatre neutralisés, la repoussa. Jusqu’à ce que Nov compris qu’elle ne pouvait l’arrêter aussi facilement. Alors, elle prit son courage à deux mains et tenta de le désactiver manuellement - comme ses collègues s’en étaient chargés pour les quatres. Sauf que Nov était à court de munition. Jouer au torreador… Mais c’était impossible, il lui fallait des renforts. Ou bien peut-être…

Le silence pesant, un silence de mort, ne laissait passer que les coups de poings que donnait le dangereux Machina à l’autre androïde aux yeux...aux yeux pâles. Roués de coup, il se trouvait à terre, son chandail en laine lui donnant un air innocent et lambda, totalement souillé par le mélange de neige et de boue. Son visage, craquelé, la chair se cassant telle les parois d’une sculpture de marbre laissait apparaître le dessous de sa peau bel et bien humaine. Du blanc. Comme un homme. Comme un humain : du sang coulait aussi des fêlures...Non, ce n’était pas un androïde comme les autres. Et Nov aurai dû se douter que cela allait arriver...Mais on ne les détecte que tardivement...la couleur de leurs yeux…Ils parviennent à se fondre entre les autres et à se dissimuler, même entre eux...

L’agent ne parvenait pas à accomplir sa tâche, le colosse n’avait de cesse de la repousser avec force. Elle avait beau répéter que c’était un ordre, il n’arrêtait pas. Une seule solution… Elle dégaina un couteau militaire - d’avant 1971…- et prenant une grande inspiration, s’apprêtait à le planter au coeur du crâne de l’agresseur, en plein dans le Cube. Mais elle n’en eut pas l’occasion car elle fut soulevée par l’arrière, par le col de sa parka et projeté dans la foule. Retombant dans la boue et la neige, à plat ventre cette fois. La tête frappa à nouveau au sol. Sonnée, elle eut du mal à distinguer la scène : Patrick.

Un autre Machina. Patrick, matricule MP-02, écrou 19887 - "M" pour "Machina" et "P" pour "Patrick". Mais Nov ne se releva pas. Pas parce qu’elle ne le put, mais parce qu’elle savait ce qui allait se passer. Patrick se retourna contre son confrère, pourtant de la même race et de la même gamme. Deux Machina se battant l’un l’autre. A peine croyable. Le combat fut court mais intense. Poings, genoux, coudes, clés de bras, coups sur points sensibles propres à leur gamme personnelle. Le son que produisait chacun des coups faisait frissonner Nov, car un seul de ceux-là aurai pu briser les vertèbres d’un humain. Les Machina étaient de nature plus grand, plus épais que la moyenne. Prévus pour subir des conditions de travail non supportables pour l’Homme, ils ressemblaient des géants. Chaque coup se répercutait dans le sol...colossale. Jusqu’à ce que tout finisse.

Nov se releva prudemment.

Les robots autour se dispersèrent peu à peu, laissant place aux renforts, arrivés trop tard - ou simplement admirant le spectacle sans intervenir ?..- le silence fut bel et bien complet.

  • Les...les interventions sont terminés Nov...on…
  • Récupérez-le.

Les agents savaient ce qui allait se passer par la suite.

Deux types se dirigèrent vers Patrick, se tenant simplement là, colosse de cent cinquante kilos, les bras le long du corps, immobile, le regard vitreux, focalisé sur l’autre...yeux gris…

Le géant fut embarqué, Nov le croisa. Tout se passa au ralenti dans son esprit. Tout, car, cet instant, allait marquer le début d’une ère sombre. Car aucun robot n’avait jamais défendu aucun autre robot. Encore moins d’une race à l’autre. Encore un changement de comportement anormal à ajouter à la longue liste. C'était comme si que, depuis que la robotique était pourchassée, enfermée et exécutée, celle-ci évoluait d'elle-même. Comme une race animale cherchant à dépasser l'humain.

Nov se rapprocha de la victime.

Celui-ci souriait, le sang s’écoulant de ses lèvres, un bleu à moitié violent dessinant les contours de son oeil gauche. Le seul détail qui le différenciait d’elle-même ou des autres Hommes, demeuraient ces yeux.

Les yeux pâles de l’androïde restent ouverts.

La pupille grise, teintée de blanc, un blanc abyssal. Cette couleur révèle absolument tout de l’individu en question. La pupille blanche, un iris gris. Un oeil marqué - si on y regarde de très près - par les circuits de sa carte mère ainsi quele Cube se trouvant derrière l’orbite artificiel. Cela, même une chair parfaite ainsi que la pigmentation qui le rend un minimum humain ne peut le cacher.

Oui.

Une beauté, mais imparfaite, une étrangeté aux coins des paupières. On pourrait s’y tromper d’ailleurs. Comme beaucoup de collègues. Moi je ne m’y trompe pas. Un oeil malade. Un oeil d’androïde. Mais pas n’importe lequel...

Nous venons bien d'assister à l'agression d'un Humae Machina. La race la plus haute et la plus supérieur, la plus proche de l'humain qu'il fut jamais possible de créer. Une race d'une rareté exceptionnelle reconnu par l'iris si spécial...

En le relevant, Nov se posa un millier de question. Patrick, le Machina le plus calme que le camp n'est jamais connu, ne venait-il pas de risquer sa place, ainsi que son existence pour défendre une race de robot qui n'était même pas la sienne ? N'était-ce pas interdit pas la cent huitième loi du Congrès Robotique ? Est-ce que les robots devenaient aussi défectueux que l'Humae Machina qui avait commis l'irréparable en 2091 ? Jusqu'où irait cette évolution de la race robotique ?

  • Qu’est-ce que c’était que ce bordel ? Pourquoi ont-ils organisé tout ça ?

L’autre se contenta de sourire. A l’endroit du coeur, un badge chromé attaché à son chandail minable affichait : Henry Bell. L'Humae s'était baptisé lui-même. Et du même sourire glaçant, il répondit :

  • Ils disaient vouloir voir mes yeux. Rien que mes yeux.
  • Et Patrick ? Il est venu à votre secours. Pourquo…
  • Parce qu’il sait. Il sait ce qui arrive.

En elle-même, Nov su que ce qui arrivait, avait été déclenché, ici-même, au coeur du camp de concentration de Moscou. Année 3001.

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