Chapitre 3

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Depuis que l’armée avait démarré de son village, Marie suivait le convoi docilement. Elle n’avait pas encore trouvé le moyen de fausser compagnies aux soldats. Il faut dire que plusieurs d’entre eux encadraient les rangs des sélectionnés et qu’ils ne la lâchaient pas du regard.

Le convoi s’était arrêté dans plusieurs autres villages, sélectionnant quelques enfants au passage. Certains étaient fières de rejoindre l’armée qu’ils admiraient tant. D’autres, nettement moins motivé, pleuraient à chaude larmes, mais les soldats leurs ordonnèrent d’arrêter. « Un soldat ne pleure pas ! » disaient-ils. D’ailleurs, dés qu’un jeune sélectionnés ouvrait la bouche, il lui était immédiatement demandé de se taire. Une armée se devait de se déplacer en silence.

Quand la nuit commença à tomber, l’armée royale s’arrêta dans une grande plaine pour monter le campement. Pas de tente pour les sélectionnés, ils devraient dormir à la belle étoile. Marie le savait, c’était une façon de les endurcir. L’entrainement commençait dès leur sélection. La marche forcée de village en village en faisait d’ailleurs partie. On leurs demanda tout de même d’aider les soldats à monter la leur, il n’était pas question qu’ils restent là à se tourner les pouces pendant que les adultes travaillaient.

Une fois que toute les tentes furent montées, on leurs distribua leur ration de nourriture. Il s’agissait d’un biscuit sec accompagné d’un verre d’eau. Pas de quoi se caler l’estomac. Marie mordit dans le sien et observa les alentours. Sa cousine était assise à sa droite. A sa gauche se trouvait une jeune fille blonde, d’à peu près son âge, qui pleurait. Une fille aux cheveux noirs la serrait dans ses bras pour la consoler.

— Ne t’en fait pas, on est toutes les deux c’est le principal, murmurait-elle.

Marie jeta un œil au soldat le plus proche, s’attendant à ce qu’il demande le silence mais il n’en fit rien. En y prêtant plus attention, elle se rendit compte qu’il discutait avec un sélectionné. D’une façon générale, l’ambiance était assez détendue et les jeunes commencèrent à discuter entre eux pour faire connaissance. Malgré tout, elle remarqua que plusieurs soldats continuaient à la surveiller. Si elle voulait déserter ce n’était pas pour tout de suite. Mais peut-être que cette nuit…

— Excuse-moi, tu es Marie n’est-ce pas ?

Plongée dans ses pensées, Marie sursauta. C’était la jeune fille qui pleurait à sa gauche. Elle avait finalement réussi à sécher ses larmes.

— Oui… répondit-elle

— Je t’ai vue tout à l’heure lors de la sélection dans ton village. J’ai trouvé que tu avais eu beaucoup de courage pour oser t’opposer à Lord Phorus.

— Pour ce que ça a donné, marmonna-t-elle.

— Non mais vraiment c’était génial tu m’as impressionnée. Si seulement j’étais aussi courageuse que toi.

Marie leva les yeux au ciel avec agacement.

— Emilie, tais-toi, tu vois bien que tu l’embêtes, lui dit son amie aux cheveux noirs.

— Je suis désolée, s’excusa Emilie, c’est vrai qu’il m’arrive parfois d’être bavarde.

— Seulement parfois ?

— Bon d’accord, Sarah à raison, je ne sais pas me taire. C’est plus fort que moi, il faut toujours que j’ouvre la bouche.

— Et bien pas moi, grogna Marie. Sur ce je vais dormir.

Elle joignit le geste à la parole et s’allongea sur le sol.

— Déjà ? Demanda Emilie, il ne fait même pas encore nuit.

— Oui je suis fatiguée.

— Bon d’accord, comme tu veux. Bonne nuit.

Marie ferma les yeux mais ne s’endormit pas pour autant. Si elle voulait s’évader, c’était cette nuit. Demain soir l’armée arriveraient à la caserne du palais, tenter une évasion serait dès lors plus compliqué voir presque impossible.

Après un moment qui lui parut durer une éternité, le brouhaha ambiant diminua jusqu’à disparaitre complètement. La jeune fille rouvrit les yeux et observa les alentours. Quelques soldats poster à des endroits stratégiques montaient la garde. Ils ne semblaient pas lui prêter une attention particulière, ils devaient croire qu’elle dormait. C’était parfait, elle pourrait ainsi mettre son plan à exécution. Elle profiterait de la relève de la garde pour s’éclipser.

Elle rampa discrètement jusqu’à sa cousine, allongée un peu plus loin. Elle la secoua en douceur pour ne pas l’effrayer. Lorsqu’Alizée ouvrit les yeux, elle lui fit signe de se taire et lui murmura :

— Lors de la relève de la garde on fiche le camp.

— Quoi ? demanda Alizée encore toute endormie.

Marie ne lui répondit pas immédiatement. Elle regarda d’abord autour d’elle pour s’assurer qu’aucun soldat ne l’avaient vu bouger. Mais les hommes montant la garde ne semblaient ne s’être aperçu de rien.

— On se tire d’ici, lui répondit-elle enfin.

— Non, il n’en est pas question ! répliqua Alizée d’un ton sec.

— Parle moins fort on va se faire repérer.

Une fois de plus elle releva la tête pour surveiller les alentours. A ce moment-là, des hommes sortir de plusieurs tentes différentes et vinrent relayer les soldats.

— C’est le moment où jamais, chuchota-t-elle en faisant mine de bouger.

Mais sa cousine la retint par le bras :

— Je te l’ai dit, je reste ici.

— Fais comme tu veux, moi il est hors de question que je reste dans cette armée une minute de plus.

Sur ces mots, elle dégagea son bras et rampa le plus discrètement possible en direction de la partie de la forêt la plus proche de sa position. Une fois sous le couvert des arbres, elle serait hors de vue des soldats et elle pourrait se relever et se mettre à courir sans risquer d’être vue.

Elle n’avait pas fait la moitié du chemin qu’elle tomba nez à nez avec un soldat.

— Que fais-tu ? Lui demanda-t-il

— Je… J’avais besoin d’aller aux toilettes, bredouilla-t-elle en se relevant.

Elle avait compté sur l’état de fatigue des hommes de l’armée pour passer inaperçue. Mais elle avait négligé un détail : les soldats avaient l’habitude de monter la garde et étaient capable de rester attentif même au bord de l’épuisement.

— Les commodités ne sont pas par-là !

— J’étais pourtant persuadée qu’elle était dans cette direction.

Marie amorça un demi-tour mais le soldat l’interrompit en lui demandant :

— Attends une minute, tu ne serais pas la jeune fille que Lord Phorus a expressément demandée de ne pas lâcher des yeux ?

— Vous devez faire erreur, lui répondit-elle

— Il ne dort pas encore, allons le lui demander.

Le soldat la pris alors par le bras et l’emmena vers la tente de Lord Phorus. Ils n’avaient pas fait plus d’une dizaine de pas que Marie le vit s’écrouler à côté d’elle. Elle se retourna subitement et vit une jeune fille blonde tenant un bout de bois. Elle cru d’abord que c’était Alizée qui avait changé d’avis et qui était venue à son secours. Mais non, il s’agissait d’Emilie, la jeune fille trop bavarde de tout à l’heure.

— Je l’ai fait ! je l’ai assommé et d’un seul coup en plus ! s’enthousiasma-t-elle.

— Chut ! Fit une voix venant de derrière Marie, on va se faire repérer, dépêcher vous avant qu’un autre soldat ne nous aperçoive.

Elles se mirent toutes les trois à courir vers la forêt. Marie s’arrêta un instant pour voir si Alizée ne les suivait pas. Mais non, elle était toujours allongée et s’était visiblement rendormie. Tant pis, elle devrait partir sans elle. Elle se remit donc en route et rejoignit les deux autres jeunes filles.

Une fois à l’abri des regards, elles s’arrêtèrent.

— Qu’est-ce qui vous a pris ? demanda sèchement Marie une fois son souffle retrouvé

— Tu pourrais nous remercier, répondit Sarah sur le même ton

— Je ne vous ai rien demandé !

Marie s’éloigna d’un pas vif, mais Sarah ajouta, l’arrêtant net dans son mouvement :

— Sans l’intervention d’Emilie ta désertion aurait été un échec !

— Tu te trompes Sarah , intervint Emilie, je suis sûr que Marie s’en serait très bien sortie sans moi.

Elle se tourna vers Marie et sourit. Puis, elle ajouta à son intention :

— J’ai vu que tu avais des ennuis et je voulais simplement me rendre utile.

Devant un visage souriant avec autant de sincérité, Marie ne put s’empêcher d’esquisser un demi sourire.

— Que faisons-nous maintenant ? demanda alors Emilie.

— Nous ?

— Ben oui, Sarah et moi, nous ne nous en sortirons pas toute seul dans ces bois. En plus, ils me font peur.

— Il fallait y penser avant de vous carapater avec moi.

Mais devant le regard insistant d’Emilie, Marie fut obligée de capituler.

— Très bien ! lâcha-t-elle avec lassitude. Le plus important c’est d’abord de mettre le plus de distance entre nous et l’armée. Plus nous serons loin lorsqu’ils s’apercevront de notre absence mieux cela vaudra. Il faudra aussi effacer nos traces pour que les soldats ne puissent pas nous suivre.

Marie commença à s’enfoncer dans la forêt mais s’arrêta au bout de quelque pas. elle se retourna vers ses deux compagnes et leurs dit :

— Ah oui ! Point important, si vous tenez à m’accompagner, il faudra m’obéir, c’est compris ?

— Oui chef ! répondirent les deux amies d’une seule voix.

Les trois jeunes filles se mirent donc en route et s’enfoncèrent dans la forêt.

Au bout d’une long nuit de marche, Marie fit signe de s’arrêter.

— Nous allons nous arrêter ici et nous reposer un moment. Je vais prendre le premier tour de garde. Sarah tu viendra me relayer dans trois heures

— Ça marche répondit l’intéressée.

— Une chose encore, je veux que vous soyez bien consciente que vous ne pourrez plus retourner chez vous. Les soldats vont s’attendre à ce qu’on rentre à la maison, c’est donc le premier endroit où nous chercher.

Marie se tut et observa ses deux compagnes d’infortune. Sarah avait la mine grave, visiblement elle avait déjà compris qu’elle ne reverrait probablement jamais son village. Pour Emilie s’était différent, Marie lu de la tristesse et de la désillusion dans son regard. En l’aidant à déserter l’armée, la jeune fille blonde avait nourrit l’espoir qu’elle pourrait rentrer chez elle. L’annonce lui avait fait un choc mais désormais il était trop tard pour faire marche arrière. Il faudra qu’elle se fasse à sa nouvelle vie de fugitive.

Marie, elle, ne se faisait pas d’illusion, quelle image enverrait l’armée si les habitants du royaume apprenaient que trois sélectionnées avait déserté dès le premier jour. A partir d’aujourd’hui elles seraient toutes les trois des fugitives. Le meilleur moyen de s’en sortir était probablement de quitter le royaume d’Abésia pour un autre. Pourquoi pas celui d’Allad au sud. On racontait que les étrangers y étaient bien accueillis. Quoi qu’il en soit, avant de prendre une décision il fallait se reposer. Marie alla donc s’assoir contre un arbre et commença son tour de garde.


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