Chapitre 2

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Assis dans un fauteuil de sa chambre, Laurent relisait pour la centième fois le document qu’il venait de trouver dans un coin de la bibliothèque du Palais. Il y faisait mention d’un royaume dont il n’avait jamais entendu parler. Selon ce document, ce pays, du nom d’Erabitsa, entretenait des rapports commerciaux avec son propre royaume il y a plusieurs années. Pourquoi ses précepteurs ne lui en avaient jamais rien dit ? Il faudra qu’il pense à leurs poser la question.

Laurent était toujours plongé dans ses réflexions quand on toqua à la porte.

— Entrez ! dit-il.

La porte s’ouvrit mais Laurent ne quitta pas son document des yeux pour autant.

— Laurent tu n’aurais pas vu ta sœur ?

En entendant la voix de sa mère, Laurent se décida enfin à lever les yeux.

— Non. Tu as regardé dans le jardin ? Je sais qu’elle aime s’y promener surtout quand il fait beau comme aujourd’hui.

— Oui mais elle ne s’y trouve pas. J’ai demandé aux domestiques mais personne ne l’a vue de tout l’après-midi.

Sa voix tremblait, trahissant son inquiétude. Ce n’était pourtant pas la première fois qu’Iris disparaissait ainsi. A chaque fois, c’était la même histoire, dés qu’elle était introuvable, sa mère rameutait tout le château pour la retrouver. Il la regarda un moment, puis, devant son air implorant, lui dit :

— Ne t’inquiète pas, Je vais t’aider à la chercher.

— Merci tu es un ange !

Sa mère allait quitter la pièce quand il l’arrêta :

— Maman tu as déjà entendu parler du royaume d’Erabitsa ?

Ce n’était pas vraiment le moment pour lui poser la question mais sa curiosité était trop forte. Il ressentait le besoin d’en savoir plus. Un peu surprise, elle lui répondit :

— Où as-tu entendu ce nom ?

— Je ne sais plus

C’était un mensonge certes, mais à cet instant Laurent sentit qu’il était préférable de mentir. Et puis comment allait-il expliquer qu’il avait fouillé dans la zone de la bibliothèque réservé aux ouvrages interdits. Il s’était d’ailleurs toujours demandé pourquoi certains livres et documents ne pouvaient pas être consultés.

Après un temps de réflexion, sa mère prit une grande inspiration avant d’expliquer :

— Erabitsa est le royaume qui se situait au nord du nôtre.

— Mais au nord il n’y a que les Terres Désolées.

En disant cela, Laurent avait machinalement tourné la tête vers la carte accrochée au-dessus de son lit.

— Oui, c’est tout ce qu’il reste depuis la grande tragédie.

— La grande tragédie ?

Laurent s’était levé, de plus en plus intéressé par ce que lui racontait sa mère.

— Elle a eu lieu peu de temps avant ta naissance, tout le royaume a explosé. Il ne restait plus rien, ni construction, ni habitant.

— Il n’y a pas eu de survivant ?

— Aucun, nos soldats sont allés sur place mais ils n’ont pas trouvé âme qui vive.

— Mais comment est-ce possible ? un royaume n’explose pas comme ça.

— Nul ne le sait.

Laurent était effaré. Comment une telle catastrophe, pourtant assez récente, lui était restée inconnue ?

— Pourquoi mes précepteurs ne m’en ont jamais parlé ?

— Parce que la tragédie d’Erabitsa a été déclarée taboue

— Pour quelle raison ?

La mère de Laurent se tut un instant. Elle semblait réfléchir à ce qu’elle allait dire ensuite. Elle reprit finalement en disant :

— Décision de Lord Phorus ! Maintenant ça suffit, arrête de poser des questions Je t’en ai déjà trop dit. Aide-moi plutôt à retrouver ta sœur. Et surtout plus un mot de cette histoire compris ?

— Oui maman, répondit-il.

Pourtant Laurent n’en avait pas fini. Il avait bien l’intention de continuer à creuser jusqu’à avoir le fin mot de cette histoire. Un royaume ne pouvait pas exploser sans raison, il devait y avoir une explication c’était certain. Et puis, pourquoi Lord Phorus a-t-il interdit qu’on parle de cette tragédie ? Et surtout pourquoi sa mère l’avait laissé faire ? Après tout c’était elle la reine, c’était donc à elle de prendre des décisions et non pas à Lord Phorus. Tant de questions qui allaient devoir rester sans réponse pour le moment. Dans l’immédiat, la priorité était de retrouvé Iris avant que sa mère ne mette le château sans dessus-dessous.

Laurent rangea son document dans un tiroir de son bureau. Il préférait ne pas le laisser en évidence. Si jamais on découvrait qu’il l’avait en sa possession, il risquait d’avoir des ennuis. Si s’était possible, il préférait les éviter. Il sortit ensuite de sa chambre et rejoignit sa mère qui l’attendait déjà dans le couloir.

— Je vais chercher dans l’aile est du palais. Tu veux bien faire le tour de l’aile ouest ?

— D’accord !

Ils partirent aussitôt chacun dans une direction opposée. Cependant, Laurent ne se dirigea pas vers l’ailes ouest. Il attendit que sa mère se soit suffisamment éloignée pour faire demi-tour et se diriger vers l’entrée des souterrains. Quand Iris disparaissait, c’était souvent pour aller les explorer. De temps à autre, il lui arrivait de l’aider à cartographier les lieux. Ces explorations clandestines l’amusaient. Surtout que, lorsqu’il se trouvait dans les tunnels sous le château, personne ne pouvait venir l’importuner, ce qui lui permettait d’échapper quelques temps à ses obligations. Et puis, connaitre le plan des souterrains pourrait s’avérer utile un jour.

La seule entrée qu’il connaissait, se trouvait dans les cuisines, situées au début de l’aile est. En passant, il vit Mathilde préparer le repas du soir. Elle était seule, les autres cuisiniers n’étaient pas encore à leur poste. C’était une bonne chose, il n’était pas évident d’être discret quand les lieux étaient noirs de monde.

— Mathilde, auriez-vous vu passer ma sœur par hasard ?

— Oui il me semble l’avoir aperçu il n’y a pas longtemps elle allait dans cette direction.

Elle pointa du doit l’entrée secrète cachée par une armoire. Laurent et Iris avaient dû la mettre dans la confidence car elle les avait surpris en train d’entrer en douce dans la cuisine. Les deux enfants durent alors lui expliquer ce qu’ils faisaient dans les souterrains. Ils lui demandèrent également de ne rien dire, surtout pas à leur mère. « Ce que vous faites à l’air très amusant. Ne vous en faites pas je ne dirai rien à personne, ça restera entre nous » leur avait-elle répondu. Depuis lors elle les aidait même à entrer et sortir sans être vu en faisant diversion quand c’était nécessaire.

Laurent la remercia et entra dans le passage secret. Il faisait très sombre dans les souterrains. Heureusement, avec sa sœur, ils avaient pensé à mettre deux torches à l’entrée. Il remarqua qu’il en manquait une, ce qui lui confirma qu’Iris était bien passée par là. La deuxième était déjà allumée. Il sourit devant la prévenance de sa sœur. Il saisit la torche et commença à avancer.

Après un petit moment, et après être passé dans différents tunnels qu’il connaissait bien, il arriva dans une partie du souterrain dans laquelle aucun d’eux n’avait encore mit les pieds. La connaissant, il se dit qu’elle devait avoir eu envie d’’en explorer une nouvelle partie. Il arriva à un embranchement. Sur sa droite, il aperçut une lueur. Comme il devait s’agir de la lumière émise par la torche d’Iris, il décida de prendre ce chemin. Au bout de quelques minutes, il la rejoignit enfin. Elle était accroupie devant ce qui devait être une nouvelle entrée.

— Iris ! dit-il en arrivant à sa hauteur. Maman te cherche, elle commence à s’inquiéter.

— Chut ! Viens voir, chuchota-t-elle.

Elle se décala pour laisser son frère approcher. Laurent s’accroupit également et regarda à travers un petit trou dans le mur. De l’autre côté, se trouvait la salle de crise dans laquelle Lord Phorus tenait ses réunions militaires. Cette pièce était interdite d’accès en son absence. Le chef de l’armée étant en mission de recrutement, il aurait dû y avoir personne. Or, deux soldats se tenait là, debout au centre. Le jeune prince trouvait cela très étrange et au vu de l’air grave de sa sœur, il n’était pas le seul. Il tendit l’oreille pour mieux entendre ce que ces deux hommes se racontaient.

— Tout est prêt ? demanda l’un des deux soldats

— Pas encore, il reste encore un détail ou deux à régler, lui répondit son compagnon.

— Dépêche-toi, il faut que tout soit prêt pour le retour du Lord Phorus

— Ne t’inquiète pas dès qu’il sera rentré de la sélection avec les nouveaux candidats, tout sera terminé.

Une troisième personne entra dans la salle de réunion à ce moment-là. C’était Mathilde qui leur apportait du vin.

— Les enfants sont dans les souterrains, dit-elle en posant le plateau sur une petite table dans un coin de la pièce.

Laurent écarquilla les yeux. Pourquoi Mathilde avait-elle signalé leur position aux deux soldats ? Elle avait pourtant promis de garder pour elle leurs escapades.

— Je me suis permis d’envoyer des hommes les chercher, reprit-elle en se dirigeant vers la porte

— Une très bonne initiative Mathilde, la remercia un des deux soldats.

Mathilde sortit de la pièce et referma la porte derrière elle. À ce moment-là Laurent se releva, se retourna et prit sa sœur par la main.

— Viens, lui dit-il, Il ne faut pas qu’on nous trouve ici

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas, j’ai un mauvais pressentiment

Son instinct lui disait de fuir. Il commença à marcher plus vite entrainant sa sœur avec lui. Quand il arriva à l’embranchement, par lequel il était passé tout à l’heure, le jeune prince hésita. Tourner à gauche et revenir sur ses pas ne lui semblait pas être une bonne idée. Il risquait de tomber sur les hommes que Mathilde avait envoyés pour les quérir. Tout droit, il vit une lumière vaciller, quelqu’un arrivait. Il décida finalement de tourner à droite et se mit à courir suivit d’Iris.

Ils continuaient tout deux de courir quand, devant eux, des voix se firent entendre. Laurent s’arrêta et prit un instant pour réfléchir. Faire demi-tour était impossible, une lumière les suivait depuis déjà un moment. Il regarda autour de lui et aperçut un tunnel un peu plus étroit sur sa gauche. Il y poussa sa sœur et s’y glissa derrière elle.

Ils couraient toujours sans s’arrêter, évitant les voix, les bruits de pas et les lumières qui semblaient s’approcher d’eux, quand soudain Iris s’arrêta, essoufflée :

— Stop ! je n’en peux plus.

— Courage ! dit Laurent en forçant sa sœur à se remettre en route

— Je sais que tu as compris aussi, ils nous traquent. On se dirige droit dans un piège.

Iris avait raison. Laurent s’en était rendu compte il y avait un moment déjà, mais il n’avait rien dit pour ne pas l’inquiété inutilement. Il aurait dû se douter qu’elle le devinerait. Après tout, elle aussi avait suivi les cours de tactiques militaires. Enfin, suivre était un bien grand mot. Le plus souvent, elle se faufilait, avec la complicité de son frère, dans la salle de classe pour assister au cours en douce. Quand elle se faisait prendre, chose rare car elle savait se faire discrète, c’était lui qui lui donnait cours.

— Tu as raison, pourtant nous ne pouvons pas rester ici. Il faut continuer à avancer.

Ils se remirent donc en route mais à un rythme moins effréné. Après plusieurs longues minutes, ils débouchèrent sur une grille. Laurent l’ouvrit et sortit du tunnel, Iris derrière lui. Ils se trouvaient désormais à l’arrière du palais. L’endroit était parfait pour tendre une embuscade. Personne ne venait jamais par ici et les arbres denses bouchaient la vue à quiconque regardait par une des fenêtres du château.

Deux hommes, l’air mauvais, les attendaient appuyés contre une calèche bâchée. En apercevant les enfants, ils avancèrent dans leur direction. Laurent voulut faire demi-tour mais un troisième homme, qui venait lui aussi du tunnel, lui barra le passage.

— Allez les enfants, soyez sage et tout se passera bien, dit-il

Les deux autres continuèrent à avancer et l’un d’eux saisit Iris par le bras.

— Non ! Lâchez-moi ! hurla-t-elle.

— Ne lui faites pas de mal, ordonna Laurent avec colère.

— Si vous ne résistez pas, il ne vous arrivera rien, dit une voix de femme.

C’était Mathilde qui venait de les rejoindre. A sa vue, Laurent sentit son sang bouillir dans ses veines. Il voulut se jeter sur elle mais l’homme qui tenait sa sœur posa la lame de son poignard contre sa gorge. Ce geste le dissuada de tenter quoi que ce soit. Il leva les mains en signe de rédition.

—Bien ! Sage décision, dit-elle. Ligotez-les et mettez-les dans la calèche, ajouta-t-elle à l’intention des trois hommes en tendant une bourse à l’un des trois hommes.

Des mercenaires, voilà qui étaient ces trois hommes qui osaient s’en prendre à la famille royale.

— Pourquoi faites-vous ça ? Demanda Laurent, je vous faisais confiance.

Mais il n’obtient pas de réponses, à la place, Mathilde lui assena un violent coup de poing dans le ventre. Il tomba à genoux, le souffle coupé. On lui attacha alors les mains dans le dos puis on le releva et on le força à monter dans le chariot. Iris était déjà à l’intérieur, elle tremblait et l’inquiétude se lisait sur son visage.

— Ne t’inquiète pas, on va s’en sortir, la rassura-t-il

Deux des trois mercenaires vinrent se placer de part et d’autre des deux enfants.

— Ah oui, bâillonnez-les aussi.

Les deux hommes obéir immédiatement. Et Laurent et Iris se retrouvèrent avec un bâillon dans la bouche.

— Faites bon voyage mes petits chéris, leurs lança-t-elle avec un sourire un brin sadique.

Laurent la fusilla du regard mais elle ne sembla pas s’y formaliser. Elle ferma la bâche et la calèche démarra aussitôt. Plusieurs questions affluaient dans l’esprit du jeune prince : pourquoi les avait-on kidnappés, où les emmenait-on et comment allaient-ils pouvoir s’échapper ? Le plus important a ses yeux pour l’instant était de faire en sorte qu’il n’arrive rien à Iris. S’il devait lui arriver malheur il ne se le pardonnerait jamais.

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