Chapitre 1

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— MARIE ! MARIE !

En entendant la voix de sa cousine, Marie soupira. Elle aurait bien aimé profiter plus longtemps de cette belle journée allongée au milieu de la prairie. Après un petit moment et surtout lassée d’entendre sa cousine scander son nom, elle se releva et la rejoignis. Cette dernière l’attendait à l’ombre d’un pommier.

— Qu'y a-t-il Alizée ? lui demanda-t-elle un peu excédée.

— La sélection va bientôt commencer, nous sommes obligées d’y aller !

— Je sais…

Alizée partit aussitôt en direction du village. Marie regarda sa cousine s’éloigner mais ne la suivit pas. Elle n’avait aucune envie d’assister à cette sélection. Chaque année, des soldats passaient dans tous les villages du royaume et choisissaient un ou deux jeunes âgés de 10 à 15 ans, pour grossir les rangs de l’armée royale. Tous les habitants étaient obligés d’être présents. Des gardes postés dans chaque village étaient d’ailleurs chargés de vérifier qu’il ne manquait personne. Chaque fois, Marie redoutait d’être choisie. L’idée même de faire partie de l’armée lui donnait envie de vomir. Cette armée n’avait pas pour but de protéger le royaume, non ! Les soldats étaient envoyés traquer toute personne ayant des cheveux roux. Pourquoi ? Nul ne le savait vraiment. On racontait que c’était des êtres issus du démon et qu’il fallait à tout prix les éliminer. Marie ne voulait pas y croire, pour elle, tout le monde était pareil quel que soit sa couleur de cheveux.

Voyant que sa cousine ne la suivait pas, Alizée se retourna et dit :

— Dépêche-toi, Maman t’attend !

— J’arrive, j’arrive.

Marie cueillit une pomme avant d’emboiter le pas à sa cousine, tout en mangeant le fruit. Les deux jeunes filles traversèrent le village. Les villageois commençaient déjà à se rassembler sur la place. En passant devant un enclos avec des chèvres, Marie s’arrêta, sous le regard agacé d’Alizée, pour leurs donner son trognon.

En voyant que sa cousine commençait à s’énerver, elle se remit en route. Elles se dépêchèrent ensuite de rejoindre leur maison, Marie toujours à la traine. Elle n’avait jamais connu sa mère. Sa tante lui avait expliqué qu’elle était morte en la mettant au monde. Elle vivait donc depuis toujours avec sa tante et sa cousine. La maison était petite avec des murs en bois et un toit en chaume, un toit en tuile étant au-dessus de leur moyen. Sur le pas de la porte, une femme semblait les attendre.

— Ce n’est pas trop tôt, dépêchez-vous de vous préparer, on va être en retard !

— Oui maman ! répondit Alizée.

— Cela vaut surtout pour toi Marie, tu as des brindilles plein les cheveux.

— Oui tante Agatha, répondit Marie non sans une certaine lassitude.

Les filles entrèrent dans la maison, suivies d’Agatha. L’intérieur faisait écho à l’extérieur avec juste une table, trois chaises et une armoire pour ranger la vaisselle. Une échelle menait à une mezzanine contenant trois lits. Alizée saisit une brosse et commença à démêler sa chevelure. Ses cheveux blonds étant lisses et assez raides, elle eut vite fini. Pour Marie, la tâche ne fut pas aussi aisée. Elle avait de long cheveux bruns bouclés qui descendaient en cascade jusqu’à sa taille. Quand elle eut retiré toutes les brindilles dans ses cheveux ainsi que la plupart des nœuds, elle estima :

— C’est bon je suis prête

— Moi aussi, renchérit Alizée.

— Parfais, dépêchons-nous de rejoindre les autres sur la place.

Une fois sur la place du village, Agatha, Marie et Alizée allèrent se mettre dans la file pour signer le registre. Une fois que se serait fait, elles ne pourraient plus quitter la place avant la fin de la sélection. De cette manière, les autorités pouvaient vérifier que tous les villageois étaient bien présents. Si quelqu’un ne se présentait pas, il était directement identifié et puni. La punition encourue était une mise au pilori sur la place publique accompagnée de cinq coups de fouet.

Quelques années plus tôt, Marie avait échappé à la surveillance de sa tante et ne s’était pas présentée. Bien évidemment, elle s’était fait prendre. N’étant encore qu’une enfant, ce n’est pas elle qui fut punie mais Agatha. Voir sa tante punie à sa place avait été insupportable et d’une cruelle injustice. Depuis, elle n’avait plus profonde rancœur. Désormais, elle attendait avec impatience d’être considérée comme une adulte avant de retenter l’expérience.

Une fois le registre signé, Agatha alla se mettre avec les adultes tandis que Marie et Alizée allèrent rejoindre les autres prétendants à la sélection. A peine furent elles installées sur l’estrade que des cors sonnèrent l’arrivée de l’armée royale menée par Lord Phorus. Il avait fière allure dans son armure en or étincelant de mille feux. La cape rouge, qui descendait jusque sur la croupe du grand cheval noir qu’il chevauchait, rajoutait à sa prestance. Tout comme son maitre, le cheval avait un air fier qui se ressentait jusque dans son pas majestueux. Derrière lui, les simples soldats, obligé de se déplacer à pied, semblaient bien misérable. Arrivé devant l’estrade, il s’arrêta, descendit de cheval et tendit les rênes au soldat le plus poche. Il se tourna ensuite vers les prétendants et commença son traditionnel discours :

— mes très chers enfants, vous voir tous réunis en ce si beau jour me remplit de bonheur ? Ayant encore d’autres villages à visiter, je vais être bref et passer directement à la sélection. Pour les nouveaux, voici comment je vais procéder, c’est très simple, vous allez voir. Je vais passer devant chacun d’entre vous. Si je ne m’arrête pas devant vous, c’est que j’estime que vous n’êtes pas prêts à faire partie de l’armée. Si en revanche je m’arrête, c’est que vous en êtes digne. Vous avez tous bien compris ?

Tous acquiescèrent d’une seule voix, sauf Marie, qui préféra garder le silence. Elle ne voulait pas montrer in intérêt quelconque à cette mascarade ridicule.

— Bien, je vais commencer alors.

Lord Phorus se déplaça alors devant chaque enfant. Il ne fit que passer devant Marie. Elle en fut soulagée, ayant eu 15 ans cette année, elle était désormais assurée de ne plus faire partie de l’armée. Lord Phorus continuait de circuler sur l’estrade quand soudain il s’arrêta. Marie tourna la tête pour voir qui était le ou la malchanceuse qui venait d’être choisi. Il s’agissait de sa cousine. Elle avait la tête basse et des larmes coulaient sur ses joues. Elle n’avait visiblement pas plus envie que Marie de rejoindre les rangs de l’armée royale.

Lord Phorus n’y prêta pas attention et recommença à se déplacer d’un prétendant à l’autre. Il s’arrêta une dernière fois devant un garçon d’environ 12 ans, Damian s'appelait-il, qui se redressa fièrement, ravi d’avoir été choisi. Il se replaça ensuite devant les prétendants et reprit son discours :

— La sélection est désormais terminée. Sachez que faire partie de l’armée royale est un immense honneur, vous pouvez être fiers d’avoir été choisis. Pour ceux qui n’ont pas été sélectionnés, ne soyez pas tristes, c’est soit que vous n’êtes pas prêts, soit que vous n’êtes pas faits pour ça. Dans tous les cas vous trouverez la place qui vous convient au moment venu, soyez-en assurés !

Lord Phorus fit signe à un soldat de venir. Quand celui-ci les eut rejoints sur l’estrade il lui demanda d’emmener les deux enfants rejoindre les rangs des prétendants sélectionnés dans les autres villages. Le soldat obéit sans broncher. Il prit gentiment le bras d’Alizée, sanglotant encore, demanda à Damian de les suivre et les fit descendre de l’estrade.

Voir sa cousine continuer les larmes aux yeux fit bouillir le sang de Marie. Elle ne s’entendait pas spécialement bien avec Alizée mais la regarder pleurer sans rien dire était au-dessus de ses forces. Elle s'écria alors :

— Arrêtez ! Vous voyez bien qu’elle n’a pas envie de rejoindre votre armée.

— Je vais encore le répéter… commença lord Phorus.

— Mais on s’en fout ! l’interrompit-elle. Sous prétexte que c’est un honneur vous allez obliger des gens qui n’en ont pas envie à vous rejoindre ?

— Jeune fille je n’ai pas à me justifier devant toi !

Sans réfléchir, Marie descendit de l’estrade et attrapa sa cousine par le bras et l’entraîna le plus loin possible du soldat.

— Marie lâche-moi, tu vas t’attirer des problèmes.

— Je m’en fiche ! Je n’ai pas envie de te voir intégrer cette armée.

— Qui te dit que je n’en ai pas envie ? demanda Alizée en forçant sa cousine à s’arrêter.

— Ne te fous pas de moi ! Je t’ai vu pleurer.

Des soldats les entouraient désormais

— Ne bougez plus ! dit l’un d’eux avec autorité.

Alizée regarda Marie avec sévérité et lui dit :

— Tu vois l’armée d’un si mauvais œil que tu refuses que quiconque puisse en faire partie surtout un membre de ta famille. Je suis heureuse d’avoir été sélectionnée. Si je pleurais c’est uniquement parce que j’étais triste de laisser maman et de devoir quitter le village. En aucun cas c’était parce que je ne voulais pas y aller. Maintenant lâche-moi !

Marie n’en croyait pas un mot mais lâcha quand même le bras de sa cousine de mauvaise grâce. Trois soldats se rapprochèrent alors des deux jeunes filles. L’un d’eux saisi Marie par le bras et l’éloigna avec force de sa cousine tandis qu’un autre accompagnait Alizée jusque dans les rangs des sélectionnés. Marie se débattit aussi violemment qu’elle pouvait. Le troisième soldat, resté en retrait, dût venir en aide à son collègue.

— Lâchez-moi ! hurlait-elle

Lord Phorus s’avança alors et se posta devant Marie. Elle lui cracha au visage pour lui montrer son mépris. En réponse elle reçut une gifle monumentale qui l’envoya au sol. Elle se releva, une main sur sa joue douloureuse et le regarda droit dans les yeux avec défi. Elle y non seulement de la colère mais aussi une pointe d’interrogation. Sans s’avoir pourquoi, elle avait l’impression qu’il la dévisageait. C’était comme s’il la connaissait ou du moins, comme si elle lui rappelait quelqu’un. Marie n’y comprenait rien.

— Jeune fille, il va falloir que tu apprennes le respect dit-il enfin en mettant fin à leur duel de regard. Je pense qu’une éducation plus stricte te fera le plus grand bien. Tu vas toi aussi rejoindre les rangs de notre belle armée.

— Non, il en est hors de question ! Je refuse !

— oh, mais tu n’as pas le choix, jeune fille. Soldats, emmenez-la avec les autres et surveillez-la bien.

Les deux soldats obéirent immédiatement et obligèrent Marie, se débattant toujours, à rejoindre les rangs des sélectionnés. Du coin de l’œil, elle vit sa tante, debout avec les autres adultes, les regarder elle et Alizée partir avec les soldats. Elle lut dans son regard une profonde tristesse. Elle eut également l’impression d’y desceller un brin d’inquiétude.

Une fois qu’elle fut dans les rangs avec les autres sélectionnés, entourée de plusieurs soldats, l’armée se remit en route en direction du village voisin. Marie se promit alors de tout faire pour fuir dès que l’occasion se présenterait.

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