Chapitre 4 - Les Révélations

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Chloé et Madame TINMART restaient stupéfaites. Alors ça y est, il avait déjà tout deviné ? Elles, elles n'y croyaient pas. Ou plutôt Chloé n'y croyait pas, car la dirigeante semblait ravie.

— Quoi ? Comment ça ? balbutia la rouquine.

— C'est merveilleux ! Vous allez donc pouvoir agir dès demain ? Demanda la vieille femme, impatiente.

— Dès ce soir plutôt, corrigea Sylas. Vous pouvez reprendre votre carnet.

— Dès ce...

Chloé se coupa elle-même dans sa répétition. Elle le dévisagea d'un œil sceptique, la bouche entrouverte.

Alors que la dame reprenait son ouvrage, sans demander un quelconque avis, elle l'intercepta et y ouvrit les dernières pages. Avec empressement elle survola les noms et dates, sans comprendre. Relevant la tête vers le Purificateur, elle fronça les sourcils. Sa fierté en avait pris un sacré coup. Comment pouvait-il connaitre l'identité du loup-garou alors qu'il n'y avait aucune mystérieuse entrée qui aurait pu correspondre au début des meurtres ?

— Qui ? interrogea-t-elle.

— Ça, je ne saurais te répondre. Il y a eu plusieurs entrées qui aurait pu correspondre à ce que l'on recherchait à la base, commença-t-il.

— Comment ça ce que l'on recherchait à la base ? On ne recherchait pas un loup-garou ? Tu aurais mal lu l'annonce ? questionna-t-elle davantage tout en le prenant légèrement de haut.

Sylas croisa les bras sur sa poitrine sous les yeux de la bonne femme et de Chloé ne comprenant toujours pas la situation et encore moins les propos de l'homme.

— Non Chloé, j'ai très bien lu l'annonce. J'ai même tellement bien fait mon boulot que j'ai découvert que notre Loup-Garou est en faite une Harpie, conclut-il. Je ne suis peut-être pas doué pour comprendre les gens, mais pour reconnaitre un spécimen : oui, piqua-t-il sans sourire. Voilà à quoi servait toute cette recherche ; à nous préparer au monstre. Car sans ça, nous nous serions attendus à un Loup-Garou et nous serions morts tous les deux pris au dépourvu.

Chloé en resta bouche bée. Elle ne débita aucun mot, ne rétorqua aucun pic et ne fit aucun acte déplacé. Ses yeux étaient aussi grands ouverts que ses oreilles. Madame TINMART n'en menait pas large non plus et, d'ailleurs, elle chuchota un juron de surprise.

— On peut devenir un loup-garou suite à une malédiction ou l'être de naissance pour les pures races, comme vous le savez surement.

— Haha, oui ! Des pures races ! Je l'savais, je l'savais ! Fort heureusement que je le sais ! s'exclama Chloé en cachant sa confusion.

— Il aurait donc été impossible de reconnaitre la bête ou le maudit dans ces conditions. Il aurait pu être le plus ancien des employés, ou même Madame TINMART elle-même qu'on n'aurait rien remarqué.

Chloé dévisagea la dame avec un sourire crispé. Est-ce qu'il allait annoncer dans un rebondissement de situation qu'elle était la Harpie en question ? Elle s'y attendait fortement. Sylas la regarda, mais ne corrigea ni ne releva ces yeux accusateurs.

— De plus, la bête ne finit pas ses repas. Or, un loup oui. Souvent friand de moelle, même le plus fin gourmet garde les restes. Surtout quand il s'agit de viandes aussi fraîches et assez en chair pour ne pas dégouter des os. Mais celui-ci a préféré manger les abats les plus succulents du plateau repas.

— Oh Sylas, s'il te plait... implora Chloé, d'une mine écœurée.

— Les globes ont été arrachés, pas grignotés par les insectes, les rats ou de simples oiseaux. Et ce n'est pas typique des loups. Ce qui est irréfutables surtout, ce sont les plumes laissées par le spécimen que les enfants ramassent comme des trésors. Des plumes bleues, ça ne court pas les rues.

— Et comment expliquez-vous les griffures semblable aux loups ?

— Des griffes de rapace ! Répondit soudainement Chloé avec fierté.

— Des serres, corrigea Sylas. Comme l'a dit Chloé, c'est une caractéristique des volatiles.

Chloé se sentit à nouveau pousser des ailes. Hors de question qu'elle reste à l'écart, elle aussi elle voulait y mettre du sien et montrer qu'elle pouvait être utile malgré son manque de discernement et d'expérience dans le milieu.

— Le plan va être très simple à établir. Au mieux nous passerons une nuit courte, au pire ce sera trois nuits blanches.

— Quoi ? s'exclama Chloé en désaccord totale avec cette idée.

— Mais, insista-t-il fortement. Étant donné que la Harpie s'affame pour ne pas épuiser trop vite son meilleur bétail, et que trois nuits se sont déjà écoulées, il y a fort à parier qu'elle viendra ce soir. Car elle est enceinte. Elle semble jeune, ses plumes sont flamboyantes, annonça-t-il avec une sorte de douce admiration dans sa voix. Elle sera donc moins futée, plus naïve, et elle ne doit absolument pas se douter de ce qui va lui arriver, avait-il continué en raffermissant le ton.

— Nous allons vaincre ce monstre madame ! S'exclama Chloé, essayant tant bien que mal de récolter plus de mérite.

— Oh oui très bien, mais une question me gêne. Comment n'avons-nous pas entendu cette bête gambader dans nos couloirs avec mes enfants qui maintenant ont rejoint le ciel ?

— Les vraies Harpies sont métamorphes. C'est simple, un enfant se lève avec une envie pressante et se rends jusqu'aux cabanons, dehors, derrière le bâtiment. La Harpie n'a qu'à le suivre en silence en prétextant la même envie et à le cueillir une fois sorti. Il fait nuit, l'enfant ne voit rien ou alors se laisse attendrir par sa forme humaine avant de se faire surprendre, tuer, puis dévorer.

— Alors comment expliquez-vous Ragon et toutes les plaies qu'il a sur le corps ? s'inquiéta la bonne femme.

— Avec toutes ces histoires, l'enfant devait être plus méfiant ou même simplement perspicace. Il s'est débattu alors que la créature essayait de lui trancher la gorge pour une mort rapide ce qui explique que l'herbe soit retournée. Elle l'a sans doute empoigné par les épaules, emmené dans les airs pour l'assommer dans le but de le finir et de le faire taire. Puis, elle est passée à table.

— Oh... Il s'est donc défendu en héros... conclut la gérante.

— Non, il est simplement mort en essayant de sauver sa vie, corrigea le purificateur.

— Sylas... quand je te disais que tu avais besoin de lire ce livre, relança-t-elle en levant les yeux au ciel. Comme quoi, recevoir un coup sur la tête suffit pas du tout ! Mais alors pas du tout !

— Quoi qu'il en soit, ignora-t-il, peu importe l'identité maintenant que nous connaissons le lieu exact. Il ne reste plus qu'à tendre un piège.

Comme pour les enfants, les yeux de l'adolescente brillaient de mille feux. L'action lui plaisait bien plus que les mots. Elle rêvait déjà de ce moment qu'elle attendait depuis qu'elle avait lu l'affiche avant même qu'il n'est énoncé le plan d'action.

Sylas demanda alors à se concerter en seul à seul avec la petite curieuse. Madame TINMART partit dans de petits pas joyeux et pressés dus à l'excitation amenée par la concrétisation d'un plan qui achèvera ses dramatiques soucis. La porte se referma, et la séance commença.

*

La nuit était tombée depuis déjà plusieurs heures sur le piètre monde. Les Kolirs étaient de sortie, sans compter les réels Loup-Garou pour le coup et les Ranialyss. Sylas et Chloé s'étaient cachés derrière le cabanon en question. L'un était accroupi, prêt à bondir tandis que l'autre s'était découragée d'impatience, adossée au bois assemblé. L'impertinente soupira et chuchota un peu fort :

— Bon, quand est-ce qu'elle a faim, là, la Harpie ? Je crèverais déjà la dalle à sa place, gémit-elle.

— Quand elle aura un gosse à suivre jusqu'aux chiottes derrière lesquelles nous somme cachés, répondit-il lascif.

— Bah qu'ils se dépêchent ! On aurait dû soumettre l'idée de leur faire boire du thé ou de la bière... soupira-t-elle.

— Il fallait soumettre l'idée bien plus tôt, répondit l'adulte.

Chloé se sentit approuvée par cette réponse. Il ne disait pas qu'elle était idiote, il disait simplement qu'il était trop tard pour utiliser cette parfaite technique venue de son performant cerveau.

L'odeur de la campagne imprégnait l'air et non plus celle de la pourriture. Les légistes avaient débarrassé le corps en journée ce qui permit à la nature de reprendre ses droits ; même en odeur. L'humidité se ressentait jusqu'au bout des ongles et recouvrait le visage des deux compères.

Alors que Chloé tournait le dos à la scène, perdant totalement foi quant à la venue du rapace, elle observa l'homme dans la pénombre. Sylas était si négligé que s'en était exaspérant. Ses cheveux étaient asymétriques de partout avec des mèches plus longues que d'autre qui commençait à faire une grosse queue de rat suivie de pleins de mèches qui devaient partiellement lui gêner la vue. Ses yeux perçant fixait un point fixe dans l'ombre. Ils bougeaient et brillaient anormalement, comme des yeux de félins, de rongeurs ou de simples animaux nocturnes. S'en était aussi hypnotisant qu'effrayant. Ses traits s'étirèrent, Sylas souriait.

Alors Chloé sourit aussi et s'empressa de découvrir la raison de ceci ; ce qu'elle avait tant attendu.

La jeune fille s'était totalement tue. Plus aucun chuchotement, ni même soupire ou plainte sonore. Elle souriait avec les yeux et se concentra elle aussi. Elle avait rarement été excitée de la sorte. Ce moment était aussi magique qu'angoissant.

Éclairé par une lune nuageuse, un petit garçon haut comme trois pommes marchait en leur direction ; ou plutôt en direction des toilettes. Il avait mal refermé la porte et c'est cette fameuse entrouverture que la rouquine scrutait tant. Il marchait, marchait, et non loin derrière lui la porte s'ouvrit plus grand encore. L'excitation tout comme l'attente était à son comble et lorsqu'elle aperçut la silhouette suivante, Chloé se raidit. Toute envie avait quitté ses yeux pour laisser place à la peur et à l'effroi.

Sylas était seul à sourire désormais. Et le moment était venu.

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