Chapitre 3

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DeuxLunes était irrité. Il suivait son cours de d’histoire et géographie Terrestre mais il n'arrivait pas à se concentrer redoutant quelque chose sans savoir quoi. Il se regarda dans le miroir de la salle de cours. Il avait maintenant 15 ans, son corps se développait bien, magnifique, comme ceux de tous les autres habitants du village. Tous les corps étaient modelés par les artistes dont c'était la spécialité. La laideur ou la disgrâce physique n'existait plus sur ce monde, car grâce au Pouvoir, les artisans du corps pouvait, au fur et à mesure de la croissance, corriger toutes les imperfections. Leur art pouvait modifier la génétique, les cellules, en passant par une matrice énergétique qui commandait tout.

DeuxLunes était mince mais fort pour son âge, bien entraîné, costaud. Son visage avait toujours l'air farouche, ses yeux noirs brillaient d'intensité comme si une lumière se cachait au centre de ses yeux. Ses cheveux étaient maintenant noirs avec des mèches rouges rubis sombres et d’autres argentées qui se mélangeaient; c’était la tendance du moment lui avait dit Alina, son artisane du corps. Lui-même n’était pas encore certain d’aimer cela. Il avait percé une de ses oreille et enfilé un petit anneau de protection, cadeau de son père. Cet anneau pouvait instantanément enclencher une orbe de protection autour de lui dès qu’il ressentait une très grande peur.

DeuxLunes se leva pour aller aux toilettes, ignoré des autres qui écoutaient avec passion la maîtresse raconter comment les Terriens avaient colonisé l’espace.

Quand soudain le sol explosa sous leurs pieds!

DeuxLunes fut projeté en l'air, son bouclier s'activant immédiatement, comme ceux de ses amis. Une vague de chaleur insupportable fit grésiller l'air. Le feu, entra comme une comète dans les champs de protection faisant monter la température des corps à une vitesse vertigineuse. DeuxLunes puisa dans la Terre et l'excès de chaleur se trouva redirigé hors de lui. Trop tard pour ses amis malheureusement, qui furent à la fois rôtis et étuvés. Tous les corps retombaient maintenant, dans un silence curieux, presque vulgaire après un tel déchaînement d'hostilité. Personne ne cria dans le village. Mais après une seconde, un déferlement de voix explosa dans sa tête: son père, sa mère, sa soeur et son frère, ses amis. Leurs esprits, dirigé vers le sien, s'inquiétant de son sort, réclamant sa présence.

DeuxLunes fit alors quelque chose de nouveau, il disparut et réapparut là où il se souhaitait être, dans sa maison, près de sa mère et de son père. Il n’eurent pas le temps de s’étonner. Une immense murène jaillit soudain du sol, à une dizaine de mètres de leur arbre, pulvérisant les protections magiques de son immense gueule ouverte, pleine de terre et de gravas. Elle se referma ensuite sur deux arbres voisins et leurs maisons. L'ensemble des sorts et protections magiques furent vaporisés. Seul subsistait, apparement, un sort de lévitation de Marika qui empêchait tous les survivants de tomber. La murène déglutit et se tourna vers Marika qui n’était pas loin, concentrée, dégoulinante de sueur. L'ensemble des habitants encore conscients enfoncèrent alors leur intention magique dans le réseau énergétique de la murène, déchiquetant les réseaux, anéantissant la cohésion de cette chose ignoble. DeuxLunes fit de même, se joignant aux autres et la Murène explosa de l'intérieur, projetant tous ses tissus dans tous les sens, éclaboussant toutes et tous de son sang noir.

Des oiseaux géants se mirent alors à les attaquer en très grand nombre. DeuxLunes aurait voulu sauver quelqu'un mais tout arrivait trop vite, il dut d'abord attaquer son oiseau et se défendre contre ses griffes acérées, ses coups d'ailes et ses attaques mentales qui torturaient son cerveau. Heureusement il avait toujours été bien protégé au niveau mental et son bouclier instinctif le protégea facilement. D'autres n'eurent pas cette chance, il entendit sa soeur hurler de terreur quand les images atroces du volatile entrèrent dans sa conscience, anéantissant tous ses espoirs. Instinctivement, il fit un geste vers elle pour l'attirer vers lui, mais c'est un corps déjà mort qu’il attrapa. Les pensées de son père, de sa mère, de son frère, les émotions de tous ceux qui, comme eux, perdaient maintenant leurs amis et leurs proches déferlèrent dans son esprit, le laissant tout hébété. A demi-conscient, il parvint à détruire le coeur de son volatile qui se mit à tomber. Hagard, il cherchait à sortir de l'immense désespoir qui le dévorait. Les habitants étaient en train de s'auto-détruire émotionnellement. Le Pouvoir, comme ils appelaient la magie, amplifié de leurs émotions, saturait les cerveaux, annihilant leur intelligence, leur prudence et leur sens tactique. Rami, désespéré par la mort de ses enfants et de sa femme, envoya une déflagration tellement puissante qu'elle tua tous les oiseaux mais aussi certains villageois, sonnant les autres qui seraient sûrement mort sans leurs boucliers individuels.

Le désastre n'aurait pas pu être plus total. DeuxLunes, quand à lui, sombrait dans la démence. Tous les plus jeunes étaient ainsi affectés, leur cerveau n'était pas encore suffisamment mûr pour résister à un tel partage émotionnel. Tous leurs sens étaient saturés et ils ne pensaient plus qu'à pleurer, à mourir. André secoua son fils et Talit s'occupa de Thor, envoyant en eux des mots d'amour apaisants, libérant leur esprit du choc émotionnel de groupe. Les autres parents, les plus forts et les plus conscients firent de même. Mais l'attaque n'était pas finie.

Des lianes coupantes et acérées jaillirent des arbres environnants pour saisir Marika et la découper. Son bouclier explosa, on ne sait comment, et son corps fut déchiré en d'innombrables morceaux. Tous tombèrent alors vers le sol bouleversés et ravagés par leurs émotions. La panique enfla de nouveau mais Lana, la rêveuse fit quelque chose qu'elle n'avait encore jamais dû faire, elle coupa tous les habitants de leurs émotions. C’était un exploit. Ils tombèrent donc en silence, soudain concentrés et prêts à agir. Tout devenait clair pour eux, mais pas pour DeuxLunes qui était immunisé au pouvoir de Lana. Lui seul ressentait encore le désespoir, la terreur et la souffrance. Son père le soutint dans sa chute, l'empêchant de se faire mal pendant que les attaques de lianes se faisaient systématiques. Rami se battait bien maintenant, libéré du poids de ses émotions. Il coupa la majorité des lianes avant d'être soudain absorbé par un curieux liquide gluant et noir qui sortit du sol comme un geyser, arrosant de nombreux survivants. Puis le geyser prit feu, décimant les trois quarts des habitants restants. André et Talith, occupés à protéger leurs enfants s'épuisaient à former une orbe protectrice. André utilisait l'air pour ce faire et Talith la Terre et le bois environnant. Le tout devint une sorte de boule d'argile chauffée à blanc mais l'idée fut bonne et d'autres survivants les imitèrent.

Enfermés dans leur boule, les survivants étaient aveugles. DeuxLunes, aidé par sa mère, commençait à sortir de sa prostration, mais à ce moment là, quelque chose de très lourd se mit à peser sur leur boule d'argile, puis vinrent des coups répétés, comme d'un géant enfonçant un clou. Soudain, des fissures se firent partout autour d'eux et ce fut la fin. André, Deux Lunes, Talith et Thor furent écrasés par le pied gigantesque d'un golem de Terre.

Le silence revint, pour de bon cette fois. Les golems se figèrent dans leur position, puis devinrent dur comme de la pierre. Dans la clairière se trouvaient maintenant sept statues figées dans leur mouvement d'écrasement. Tout autour d'elles gisaient les corps de ceux qui n'avaient pas été déchiquetés, brûlés ou enterrés vivants.

Le village était mort, anéanti.

Une volonté pesante fut satisfaite. Un être encapuchonné observa un moment la scène, cherchant son opposant; mais il ne perçut plus rien. Il avait gagné, son adversaire n'était plus. Son esprit quitta les lieux, délaissant cape et capuche qui tombèrent sur le sol et disparurent. Et le soleil perça les nuages, éclairant l'apocalypse.

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