4 - Les vapeurs du marché

2 minutes de lecture

 Ce fut donc la tête encore embrouillée de mots secrets et de cris mécaniques que je m'orientais dans le décor artificiel des rues de la ville. Battant le pavé urbain de mes semelles de cuir usé, je relevai la tête pour contempler les environs sans me presser. Après tout, les horaires de Flavis, mon informateur, étaient toujours les mêmes - les mardi et samedi de huit à onze heures du matin, heure de la fermeture matinale du marché.

Une véritable horloge bien huilée, ce troufion-là. C'est sans doute pour ces raisons que je ne le porte pas dans mon cœur.

Il me remémore trop un passé... peu recommandable.

Ma montre à gousset m'informa qu'il n'était qu'à peine sept heures quarante, et déjà l'air frais de la nuit cédait la place aux brumes charbonneuses des usines environnantes... Plus insupportable que la sonnerie stridente d'un réveil ou que les hurlements de douleur de Clodobert, la cacophonie du sifflement de vapeur d'un tramway m'écarta en sursaut du chemin que je croyais désert.

Peu importe : le Marché aux pièces se dressait déjà à quelques pas de moi, glorieux dans son délabrement, où s'entremêlaient stands de bois peint, fumées urbaines et morcellements de vieilles machines.

Tandis que je traversais le trottoir au rythme de quelques martèlements de canne ferrée, je me remémorais ses origines et comment, avec la popularisation des prothèses de métal trois décennies auparavant, il s'était installé illégalement au beau milieu d'un quartier de la populace ouvrière pour être démantelé par les autorités le matin-même. Sur les bâtiments désarticulés, nous avions pu alors lire ces mots :

«Installation illicite pour cause de manque de permis.»

Le lendemain, il refaisait son apparition. Un mirage ? Un miracle ? En tout cas, un pied-de nez admirable à la Garde impériale.

Trente-deux ans plus tard, le Marché aux pièces restait fidèle au poste, et sa réputation clamait fièrement qu'on pouvait y trouver de tout. Y compris des cinglés de pacifistes aux tendances anarchistes... tels que Flavis.

Lequel tenait un stand de réveils. (Comme je vous l'ai dit, un vrai détraqué.)

— Clovis, vieux brigand ! Que fabriques-tu ici ? me salua une voix nasillarde, bien trop connue à mon goût.

Je dus retenir un soupir et arborai à la place un sourire amical, tirant mon chapeau plumé en guise de salutation.

— Bon matin à toi aussi, cher Flavis ! Comme tu peux le remarquer, je suis venu me fournir en matériel auprès de toi.

J'attrapai machinalement un modèle en cuivre pour le manipuler de mes paumes gantées, tout en peinant à me retenir de broyer ses engrenages.

Flavis haussa un sourcil et lissa sa moustache blonde d'un geste savant, le regard amusé.

— Parlerais-tu seulement de matériel terrestre... ou de matériel perdu ?

— Les deux, mon ami.

J'hésitai le temps de quelques tic-tacs, puis :

— Vois-tu, il me faut retrouver... un humain.

— Un humain ?

— Quelqu'un jouant un rôle important au sein de l'armée.

Son sourire énigmatique se creusa, et ce fut avec une once de jubilation qu'il me répondit enfin :

— Je suis prêt à t'aider pour cette affaire, Clovis, mais je dois t'avertir que mon prix n'en sera que plus grand.

Auteur : Agapé

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire PatchWork ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0