Chapitre 01 : au coeur de l'Humanité

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Une silhouette marchait dans une rue sombre et étroite. Elle portait une longue cape qui ne laissait voir guère plus que le bas de son visage ainsi que de fines striures bleus azure scintillantes qui descendaient de ses yeux, comme des larmes. Quelques mèches de cheveux étaient visibles et elles étaient d’un bleu plus foncés. Des pointes ressortaient sous sa capuche sur sa tête. Ses pieds, à peine visibles à cause de l'obscurité, semblaient rouges et griffus. La silhouette était petite et avançait discrètement.

Elle tourna la tête, s’assurant de ne pas être suivit. Alors, elle bondit avec agilité le long d’une gouttière, tel un animal. Sa cape laissa alors échapper une longue queue orange munie d’un gouvernail bleuté en ailettes. Des sortes de plumes courraient le long de celle-ci. les mains de l'individu paraissaient être semblables à ses pieds. Elle arriva en haut du bâtiment et se mit à courir. Il faisait nuit et c'était la périphérie de la ville. Là-bas se dressaient d’immenses gratte-ciels brillants d’un bleu presque fantomatique, cachant ainsi les étoiles. Des appareils volant sillonnaient l’espace aérien. La silhouette sauta d’un immeuble à l’autre. Alors, la capuche partie en arrière.

L’être se réceptionna à quatre pattes et continua sa course ainsi. C’était à présent une sorte de petit dragon de métal au museau élargie s’affinant, mais court. Son épaisse chevelure formait une crinière et des cornes beiges ornaient sa tête, juste au-dessus de ses yeux bleus, lui donnant un air quelque peu sévère. La bête avait le corps parcouru de fines striures scintillantes, lui donnant un aspect futuriste, presque surréaliste. Quelques détails étaient eux-aussi scintillants. Des ailes bleutées ornaient ses membres avant, mais elle ne l’utilisait pas. Après quelques minutes de course, la bête s’arrêta sur le toit d’un immeuble où se tenait une petite cabane de fortune. Ce dragonnet regarda la ville au loin avant de se dresser sur ses membres arrières. Son museau s’aplati pour former un visage enfantin et sa queue se rétracta, ne laissant dépasser que le gouvernail qui cachait ainsi son fessier. En vérité, il s’agissait d’un être robotique. Mais il ne devait sa naissance aux hommes.

Junker retira sa cape et s’assit, observant l’horizon lumineux. C’était un enfant d’une douzaine d’année au visage souriant et plein d’espoir. Il ne savait pas d’où il venait, mais il s’en fichait bien. Après tout, que pouvait-il apprendre sur ses origines ? De part sa nature, il évitait le contact humain du mieux qu’il lui était possible. Bien qu'il soit difficile de résister à l’envie de se présenter à eux, il se doutait bien que cela ne causerait que peur et étonnement. Les quelques rares personnes à l’avoir vu l’avaient fuis par peur et d'autres l'avaient plus rarement agressés. Il préférait donc garder ses distances. Pourtant, sa curiosité le poussait à vouloir en apprendre toujours plus sur cette espèce. Bien que primitifs comparés à lui, leur sociologie et leurs mœurs l’étonnaient au plus haut point. Junker soupira d’aise. Demain, il devait se lever tôt. Il vint donc se rouler en boule tel un animal sous la toile qui lui servait de toit. Il avait réussi à récupérer des coussins ainsi qu’une couverture. Sa queue s’allongea et son visage se changea en museau. Son dos s’ornait de deux autres ailes surdimensionnées, comme celles de ses bras. Sur sa colonne vertébrale courrait ce plumage de métal bleu jusqu'au bout de sa queue. Junker lâcha une sorte de grondement et ferma les yeux, s’endormant paisiblement sous le ciel étoilé.

Junker bondit d’un immeuble à l’autre, déployant les ailes de ses bras pour se stabiliser. Il se réceptionna et reprit sa course. C’est alors qu’un écart plus important se présentait. L’enfant se trouvait face au vide et l’immeuble le plus proche était en contrebas. Il allait être en retard, et le temps de faire un détours lui manquait. Il fit donc demi-tour et se retourna, prêt à bondir. Il passa en position quadrupède. Sa tête se changea en museau et sa queue s’allongea. La transformation produisit toute une série de petits cliquetis. Alors, il déploya ses ailes dorsales. Tel un cheval, il arqua le cou et piaffa. Cette sensation lui était si agréable. Dans un petit rugissement, il se cabra et s’élança tel un félin. Ses griffes produisaient des étincelles sur le métal du toit. Soudain, il prit une impulsion et sauta, déployant ses quatre ailes. Il stabilisa son vol et commença à planer habilement. Il évita soigneusement les quelques véhicules volants. Principalement des navettes publiques. Quelle beauté que de voir le soleil levant se refléter sur les immenses immeubles. Junker plongea alors quelque peu afin de reprendre de la vitesse et un peu d’altitude. Il battit l’air de ses ailes mais impossible de s’élever davantage. Alors, il vint se poser sur un bâtiment plus petit que les autres. En bas se trouvait une petite école. De jeunes enfants y jouaient gaiment en riant et en courant. Junker se redressa et rajusta sa cape. Il aurait aimé aller à l’école, lui aussi, pour apprendre tout ce qu’il y avait à savoir sur les humains. Alors, un adulte vint les rassembler et ils entrèrent. Aussitôt, Junker bondit jusqu’au toit d’un établissement plus proche encore. Il avait avec lui une petite sacoche. Il s’installa confortablement et sorti quelques cahiers. Même s’il ne pouvait pas être en classe, il pouvait prendre des cours sans y être. Il s’était levé tôt pour cette raison. Apprendre. Ses capteurs auditifs avaient une portée telle qu’il était capable d’entendre le professeur. Et c’est ainsi que commencèrent les cours. Ils commençaient par étudier les mathématiques. Seulement, ce n’était pas le point fort du jeune être robotique. Il avait beau être fait de métal, il ne disposait d’aucun système particulier permettant le traitement automatique d’information. Il avait déduis que toute sa physiologie se rapprochait de celle de l’Homme. Son corps était parcouru de veines dans lesquelles circulaient un liquide bleu fluorescent. Il devait sûrement avoir des sortes d’organes, également.

-Bien, maintenant que nous avons fini les maths, nous allons passer aux sciences.

- Ouais ! s'exclama Junker.

Il remplaça son cahier de mathématiques par un autre. Et visiblement, aujourd’hui, il était question d’anatomie différenciée entre garçon et fille. Mais n’était-ce pas un peu tôt pour des humains aussi jeunes ? Cette fois-ici, il était question d’adolescence.

-Votre corps va changer, dans peu de temps. Votre voix va muer, vos muscles se développeront et des différences majeurs se verront.

- Comme dans le dictionnaire ?

Des rires fusèrent. Junker ne comprit pas. L’enseignant parut quelque peu dérouté mais affirma qu’effectivement, les filles verront leur poitrine se développer, des poiles pousseront sur la zone pubiennes et les garçons subiront eux aussi leurs propres changements.

-De plus, vers l’âge de douze ou treize ans, le visage est parfois recouvert de boutons. C’est ce qu’on appelle l’acné. C’est une surproduction de sébum de la part de la peau. C’est sans douleur et en général, ça part tout seul. Même si certains individus sont sujets à quelques complications.

Junker s’empressa de prendre note. Il se pensait âgé de douze ans, ayant compté les années et comparé son apparence physique à celle d’autres jeunes humains. Pourtant, il n’avait pas de boutons. Et d’ailleurs, il n’avait pas ce que les garçons ordinaires avaient entre les jambes. Il était donc probablement une fille, même si l’absence de poitrine et sa stature masculine indiquait le contraire.

-Mais alors… j’suis quoi, moi ? Un garçon ? Ou une fille ?

Il réfléchit tout en suivant le cours. D’après l'enseignant, ce qui différenciait avant tout les deux genres était l’appareil sexuel. Junker parvint à les dessiner d’après les descriptions données. Et la différence était flagrante, en effet. Tandis que les garçons avaient un pénis, les filles étaient dotés d’un vagin. Junker ne trouva ni l’un ni l’autre sur son entrejambe. Il n’était donc ni fille, ni garçon. De plus, il avait une chevelure plus semblable à une crinière de jeune lion, à savoir épaisse, plutôt qu’à celle d’un garçon ou d’une fille. Mais il se reprit. Après tout, ces questions étaient futiles pour son âge. D'autant plus qu'il n’était pas humain. Aucun d’eux n’avait ni cornes, ni ailes, ni queue ou griffes. Ils n’étaient pas faits de métal, par ailleurs. Il était donc normal qu’il soit différent. Cependant, son espèce avait sûrement un moyen de procréation.

Mais alors qu’il prenait note, un coup de feu retenti, ricochant sur son dos. Aussitôt, le garçon se redressa et fit volteface en se drapant dans sa cape. Un appareil de police l’avait en joug. Les deux pilotes le regardaient, sidérés.

-Eh, t’as vu ça ?

-On dirait un enfant, mais il correspond bien aux descriptions.

Junker ramassa ses affaires en vitesse et s’élança, sitôt suivit par le véhicule. Il bondit d’immeuble en immeuble avec agilité.

-C’est quoi ça ?

- J’en sais rien, un projet gouvernemental ?

- Aucun robot n’est aussi adroit. Non, c’est autre chose.

Junker bondit et se réceptionna à quatre pattes, produisant de grandes foulées à l’allure féline. Sa queue dépassa, de même que son museau.

-Ça alors ! Tu vois ce que je vois ?!

- C’est lui.

Le petit être orange encaissa une nouvelle balle. Voilà qui était nouveau. Il n’avait jamais remarqué que son corps résistait aux armes. Alors, il sauta et déploya ses quatre ailes, commençant à planer. Il tourna la tête. L’appareil le suivait toujours. Soudain, il heurta un hélicoptère. L’une de ses ailes de queue fut arrachée par les pâles et il chuta.

-Le suspect est en chute libre !

Junker tenta de redresser mais il était déséquilibré. Il s’écrasa au sol parmi les passants qui s’écartèrent en hurlant. L'humanoïde se redressa, sonné. Il regarda autour de lui. Peur, incompréhension, curiosité. Telles étaient les mots pour décrire ces regards. Il reprit sa course effréné, se drapant à nouveau dans sa cape. Il bifurqua et prit une ruelle étroite. Il souffla, exténué. Il l’avait échappé belle. Le garçon tourna la tête et avisa sa queue. Il était salement amoché, mais rien de bien grave. Un peu de liquide bleu sortait de la blessure.

-Ç'aurait pu être pire.

Il remarqua alors que ses affaires de classe avaient disparu. Il soupira, déçu. La vie n’était pas facile. Il regarda en haut et bondit sur les parois pour prendre de la hauteur jusqu’au toit. Il allait devoir être rapide. Aussitôt, il s’élança à quatre pattes, passant d’immeuble en immeuble. Mais ses sauts étaient bien mauvais. Il parvint finalement à quitter la ville.

Junker fut de retour à son abris de fortune. Quelle matinée. Et dire que ce n’était que le milieu de la journée. Il regarda l’horizon, puis le quartier qui s’étendait sous ses yeux. C’est alors que du bruit se fit dans son dos. Un homme et une femme se présentèrent.

-Eh bien, c’est mignon ici.

- Il faudra juste déloger l’habitant.

Junker n’osait pas les regarder de face. A leur allure vestimantaire, il s’agissait sans nul doute de sans-abris.

-Eh toi ! Dégages ! C’est chez nous, maintenant !

La femme lâcha un rire. Junker ferma un instant les yeux. Il se trouverait un autre foyer.

-Bah, dit-il. Profitez bien.

Il sauta du toit. Les deux individus se regardèrent et décidèrent donc de s’installer. C’était déjà plus confortable qu’assis dans la rue.

-Ça alors, t’as vu ? On a un lit.

Junker se réceptionna. Cela fait un moment qu’il habitait ici, mais il était temps de déménager. Il savait très bien qu’il aurait été capable de les repousser, voir de les tuer, mais cela n’en valait pas la peine. Il en aurait d'ailleurs été incapable. Et puis, ces gens avaient plus que lui besoin d’un abris. Il ne se sentait pas déçu, ni frustré de la perte de son chez-soi. Il s’en trouverait un autre. Il entama donc sa marche à travers ce quartier défavorisé à l'architecture datant probablement du vingt-et-unième siècle, soit du siècle précédent. Son corps scintillant faisait tâche dans cet environnement pâle et très peu coloré. Il observa les bâtiments de pierre qui s’effritaient et s’usaient. Certains dataient probablement même du vingtième siècle. Des carcasses de vieilles voitures dotées de roues et rongées par la rouilles ornaient les trottoirs et cette même rouille s’étendait sur toute structure métallique. La poudre recouvrait partiellement le sol, donnant un aspect cuivré à la ville.

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