Chapitre 25

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Adrien retint un soupir de désespoir. Son intuition ne l’avait pas trompé. Et bien tant pis, le garçon ne laisserait pas cet être abject lui gâcher sa soirée. Dire qu’il avait tenté de lui montrer les vraies couleurs de Mlle Morvan. La gamine ne l’avait même pas remercié. Pourquoi le danseur était-il allé la défendre à nouveau ? Il n’en avait gagné que deux heures de colle et une raison supplémentaire pour son père de le haïr.

Le jeune homme leva les yeux. Deux jambes menues dans un joli jean noir ajusté autour d’une taille fine, un ventre plat dévoilé par un petit crop top de couleur violette, tendu sur une charmante petite poitrine, et un cou gracile surplombé d’un visage qu’il ne connaissait que trop bien. Emilie. Avec du rouge à lèvres sur sa petite bouche entrouverte. Ses yeux, eux, ne le quittaient pas, brillant d’une lueur stupéfaite.

« Marc, retentit soudain la voix grave de M. A. Qu’est ce qu’il fait ici ? »

Adrien vit la main fine de la jeune fille qui venait de s’exprimer, aux longs doigts décorés de vernis noir et de multiples bagues aux motifs mortifères, se diriger dans un geste accusateur vers son visage. Il loucha un peu devant l’incongruité de cette vision.

« M. A. ! la reprit Emi, C’était ma question, ça ! Tu sais bien ce que dit mon Papa, pour une question volée, une question offerte ! »

La jeune danseuse se tourna vers Charlotte et mima l’action de téléphoner.

« Appel à un ami, Chacha ! »

Adrien jeta un regard inquisiteur à Edouard, qui haussa les épaules et lâcha d’une voix amusée :

« Bon, elle ne tient vraiment pas l’alcool. Je corrige ce que j’ai dit, Emi n’est pas pompette, elle est complètement bourrée. »

Et il s’esclaffa, invitant la jeune fille à s’asseoir sur ses genoux, à l’image de Charlotte, confortablement vautrée sur Marc. Adrien en ressentit un petit pincement au cœur. Cette garce lui volait ses amis. Marc parut s’apercevoir d’une légère tension et, repoussant avec délicatesse Charlotte sur le canapé, se leva avec la grâce d’un grand maître de maison.

« Les amis ! annonça-t-il en tapotant une cuillère contre son verre pour attirer l’attention de toutes les personnes présentes. J’ai une idée ! Et si on faisait un petit jeu d’alcool ? »

Il lança un regard protecteur à Emi.

« Sans alcool pour les faibles. »

La jolie blonde tenta de lui lancer un regard offensé, contredit par son sourire niais. Adrien se leva à son tour. Pour les jeux de ce genre, il était le seul meneur qualifié.

« Pas de jeu sans musique appropriée ! Je sais pas qui a mis cette playlist, mais elle est vraiment nulle. »

Des regards gênés se tournèrent vers Emi, qui ne répondit pas. Adrien n’était pas surpris. Bien sûr que cette sainte-nitouche n’écoutait que ce genre de musiques déprimantes d’ennui.

« D’accord, tant pis pour vous, je vais écouter ma musique toute seule. »

Emilie tenta de se lever, n’en trouva pas la force, et prit soudain la personne qui se trouvait le plus proche d’elle, Adrien, par le bras. Elle fit fi du mouvement de recul de son cavalier et tira de toutes ses forces dessus. Malheureusement, tout ne se passa pas comme prévu, parce qu’il s’écroula sur elle.

« Mais non, s’exclama-t-elle en le tapant, tu devais rester debout ! Comment je me lève, moi, maintenant ! Patate, soupira-t-elle. »

Edouard avait du mal à respirer, écrasé sous les poids d’Emilie et d’Adrien. Il n’esquissa néanmoins aucun geste pour se débarrasser de ces deux fardeaux, qu’il se réjouissait de voir si proches - du moins, physiquement. Mais, comme l’expérience le lui avait souvent montré, le physique peut être un très bon moyen de faire plus ample connaissance avec quelqu’un.

M.A., devant l’absence de réactivité de ses amis, décida de prendre les choses en main. Dans un mouvement exceptionnellement expressif, la jeune gothique poussa Adrien, prévoyant de l’envoyer rouler sur le tapis, entre le canapé et la table basse, afin de permettre à Emi de respirer.

« Aaaaïeu ! s’exclama Edouard.

  • Aaaaïeu ? s’offusqua Adrien d’une voix étouffée, Mais tu te fiches de moi ? »

Le sol de l’appartement était dur et froid, et le tapis était bien trop fin pour en protéger le dos délicat du danseur. Adrien se trouvait dans l’incapacité de se relever, coincé entre deux meubles, et écrasé par une forme trouble. Un voile poilu lui barrait le regard.

« Oh, je vais rester là, je crois. Tu es très confortable, toi. »

Adrien souffla fort pour chasser les cheveux d’Emi de son visage. Il n’avait jamais puisé autant d’air dans ses poumons, même pour souffler ses bougies d’anniversaire. Le garçon avait toujours été très doué pour éteindre toutes les flammes de ses gâteaux en une fois.

Emi, bien que planant dans une ivresse euphorique, eut une grimace de dégoût en sentant l’haleine chaude du jeune homme sur son beau visage. Elle dégagea elle-même sa crinière et le fixa méchamment.

« Continue comme ça et je te renvoie, vilain coussin pas gentil. »

Adrien remarqua pour la première fois un petit grain de beauté sur la pommette droite de la jeune fille. C’est fou ce que les détails de la peau ressortaient, à cette distance-là. Il avait toujours bien aimé les grains de beauté.

Emi sentit soudain quelque chose lui tirer sur le pied.

« Charlotte, Edouard, Marc, aidez-moi au lieu de rester là à rien faire ! commanda M.A. avec une facondité hors du commun. »

Les garçons tentèrent quelques mouvements en leur direction, histoire de montrer qu’ils étaient pleins de bonne volonté, mais ne sachant malheureusement pas quoi faire pour sortir leurs amis de cette situation gênante, décidèrent de se rassoir pour profiter du spectacle. Charlotte, elle, obtempéra, et agrippa l’autre pied, si bien qu’Emilie fut propulsée violemment en arrière et retomba comme une crêpe, écrasant son nez contre le torse en béton armé du jeune danseur.

Adrien sentit son T-Shirt s’humidifier. Le liquide était chaud. Il releva la tête en même temps qu’Emi. Leurs regards se croisèrent.

« C’est mouillé. Et c’est tout rouge. »

Elle pointa le vêtement souillé du garçon du doigt, les yeux remplis d’innocence.

« Alerte, saignement de nez ! s’exclama Edouard.

  • Mouchoir, mouchoir ! renchérit Marc en se précipitant vers la salle de bain, se sentant enfin un peu utile. »

Malheureusement, il renversa un verre au passage. Un verre qui n’était pas vide. L’alcool se déversa à son tour sur le T-Shirt d’Adrien, qui commençait déjà à grelotter. Charlotte et M.A. parvinrent enfin à trouver une méthode efficace pour relever Emi, dont le nez saignait toujours à gros bouillons, tandis que Marc revenait en brandissant la boîte de mouchoirs avec une expression de conquérant.

Alors que tout le monde était aux petits soins avec la jeune fille, Adrien dut se débrouiller pour se relever tout seul, prenant appui sur la table rigide et le canapé trop moelleux, et se bouchant le nez pour tenter d’ignorer la puanteur de son haut. Une fois debout, le jeune homme arracha son T-Shirt de son corps musclé et l’envoya valser dans le couloir. Marc ne lui avait jamais indiqué où se trouvait le lave-linge, tant pis pour lui.

« Wahou ! se pâma Emi. »

En le voyant frissonner, Charlotte se jeta sur lui pour l’enlacer.

« Viens là que je te réchauffe ! s’exclama-t-elle avec un regard séducteur. »

« Mais… protesta Emilie. C’est mon coussin, sale voleuse ! »

Adrien décida qu’il préférait les soirées d’Edouard à celles de Marc. Plus de gens. Moins de problèmes.

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