Chapitre 8

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Adrien était resté un instant figé par l'indignation, quand cette ingrate lui avait tourné le dos, sans même le remercier. Bien sûr que l'immondice qu'il avait trouvée lui appartenait ; le garçon s’en était douté dès lors qu’il l’avait aperçue sur le sol de l'auditorium. Et c’était elle qui avait osé lui parler de bonnes manières, pendant le discours de bienvenue de son père. Avec une telle hypocrisie, il n’y avait aucun doute sur le genre de famille dont elle devait venir. Le vrai cliché de la gosse de riche gâtée et mal élevée.

Dire que le lycéen avait surpris le moment où elle s’était permise de l’insulter, lui, Adrien Silberdorn, devant ses amies. Cette gamine sans éducation avait osé dire du mal de lui tout en encensant Franz Silberdorn, ce vieux croûton, ce père indigne qui n’avait jamais eu aucun intérêt pour les tourments de son cœur. Et pour couronner le tout, ce dernier avait semblé tellement ravi de lui présenter cette odieuse pimbêche après son discours, avant qu’il n’ait eu le temps de fuir l’auditorium.

Quant à Marc, ce mauvais ami qui l’avait cruellement pointé du doigt pour l’intégrer à leur conversation, il lui ferait subir son courroux immédiatement ! Aussitôt que cette effrayante fille aux cheveux roses eût lâché son ami, Adrien se tourna vers lui, l’air furieux :

« A quoi tu pensais, tout à l’heure, après le discours ? Je peux savoir pourquoi tu m’as forcé à parler à mon père ? »

Edouard ne laissa pas le temps au concerné de répondre et prit la parole en riant :

« Alors Adri, t’as peur de ton papa maintenant ? »

Adrien lui lança un regard mauvais, vexé.

« Pas du tout. Seulement, sachant que vous m’avez tous les deux vu entrer en retard dans l’auditorium…

- Ah ça, c’est sûr ! Comme l’ensemble des gens présents pour le discours d’ailleurs ! Bravo pour ta discrétion.

- Oui, bon, ça va. Toujours est-il que vous auriez pu éviter de me confronter à lui aussi peu de temps après cet incident. »

Marc leva les mains au ciel dans un geste théâtral.

« Mais il faudrait savoir ce que tu veux Adri-chou ! Je pensais que ce serait l’occasion pour toi de rencontrer de nouvelles personnes… »

Regard malicieux de la part d’Edouard.

« Cette Charlotte a l’air tout à fait sous ton charme, pourquoi ne pas en profiter ? T’as toujours refusé de voir quelqu’un d’autre, depuis qu’Eva…

- C’est bon, j’ai compris. Mais non, certainement pas cette énergumène aux cheveux couleur barbapapa et à la libido en feu. Elle me terrifie. »

Ses amis s’esclaffèrent en lui assénant de grandes claques dans le dos.

« En tout cas, le prévint Marc, Pas touche à Emilie. Cette fille est beaucoup trop mignonne. Une vraie perle. Et tellement naturelle… »

Edouard lui jeta un regard amusé. Se pourrait-il que… Marc et Emilie ?

« Pas de risque ! s’empressa de répondre Adrien, Même sous la torture, ce serait absolument hors de question. Garde-la pour toi ! »

Edouard se frotta les mains. Il avait hâte de pouvoir jouer les entremetteurs.

****

Quelques temps plus tard dans la journée, Emi était chez elle avec ses amies.

« Ça suffit, espèce de coureuse de rempart ! Je ne laisserai jamais mon merveilleux et si précieux corps à Marc. Je suis une femme libre et indépendante ! Et en plus, même s’il est absolument charmant, ce n’est absolument pas mon type, déclara Emi devant l’insistance de Charlotte.

- Ouh, mais tu as un type ? D’après ce que j’ai compris quand tu dévorais Silberdorn-père des yeux, tu sembles plutôt attirée par les vieux... certes, mais lesquels ? Vas-y, balance, je veux tout savoir ! »

La mère d’Emilie entra soudainement dans la chambre.

« Qu’entends-je ? Ma fille avec un vieillard chauve, sénile et bedonnant ? Hors de question ! Je te protégerai de cette engeance du diable avec mon fouet de cuisine s’il le faut, mais ils ne s’approcheront pas du précieux fruit de mes entrailles. J’ai souffert, ma fille, pour te mettre au monde, et je refuse de gâcher tout ce travail en te laissant rejoindre les forces du mal ! »

Charlotte, en voyant cette femme si élégante parler avec emphase, comprit d’où venait le côté grandiloquent de son amie. Les beaux yeux bleus de la mère d’Emi se posèrent sur elle.

« Fille, toi que je ne connais pas, comment oses-tu essayer de pervertir l’âme pure et innocente de mon enfant si précieux ? »

Lorsqu’il s’agissait de sa fille, se dit Charlotte, cette femme n’avait que le mot « précieux » à la bouche.

« Maman, ça suffit ! J’expliquais juste à Charlotte que j’admire Monsieur Silberdorn, en tant que danseur. Je ne sors avec personne et je ne veux être avec personne. Je n’ai rien contre les personnes âgées, mais je me respecte tout de même !

- Je vois… Donc tu envisages tout de même d’avoir des enfants, n’est-ce pas ? Je veux absolument être grand-mère un jour ! »

M-A, en constatant que la belle Evangéline Bertello avait les larmes aux yeux, s’empressa de la réconforter. En tant qu’invitée régulière de la famille d’Emilie, la jeune gothique savait à quel point la danseuse étoile était une bombe émotionnelle.

« Ne vous en faites pas, il y a plein de jeunes et beaux danseurs à l’école. Enfin, selon Charlotte, fit-elle avec un ton qui se voulait rassurant. »

Elle vit dans le regard de la mère de son amie une grande reconnaissance, puis le visage de cette dernière s’éclaira :

« Mais attendez, mesdemoiselles… Il me semble que Franz Silberdorn a un fils, non ? Je crois même qu’il est dans votre école ! On dit de lui qu’il danse merveilleusement bien. Oh, ma chère fille, je crois que j’ai trouvé l’homme qu’il te faut !

- De quoi parlez-vous ? demanda une voix de stentor derrière la femme, qui se tourna vers le nouveau venu.

- De Franz.

- Ah, s’exclama l’homme qui venait d’arriver. Quel Apollon que ce Silberdorn ! Un peu coincé, mais très agréable. Il t’intéresse, ma fille ? Je crains qu’il ne soit malheureusement marié. D’ailleurs, à propos de mariage, qui me prend mes rasoirs ? J’ai des repousses sur les jambes et ça commence à être désagréable. Ne pourriez-vous pas vous acheter votre propre matériel ? Mais dans quel monde vit-on…

« Papa, s’exclama Emilie en se couvrant le visage de honte. Ne dis pas des choses pareilles devant mes amies ! Un peu de retenue, voyons. Vous me faites honte tous les deux, sortez ! Et maman, arrête d’écouter aux portes ! On pourrait pas avoir un peu d’intimité dans cette maison ? »

Les deux parents sortirent de la pièce en grommelant. Après avoir vérifié que le couloir était bien vide, les filles reprirent leur conversation.

« Donc Emi ? Revenons-en à nos moutons, ronronna Charlotte. C’est quoi au juste, ton type ? »

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