Chapitre 7

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Emi était sortie en trombe de la salle, mortifiée d’avoir insulté le fils, non seulement du directeur, mais aussi d’un des chorégraphes les plus célèbres au monde. Un danseur de génie, un homme à la personnalité incroyable ! Le garçon allait la dénoncer, elle en était sûre, il avait bien l’air d’être un collabo et de systématiquement rejeter la faute sur les autres. Grossier personnage. Ses amies la rejoignirent quelques mètres plus loin, ne comprenant pas l’air outré de la jeune fille.

« Emilie-jolie, que se passe-t-il ? Tu as l’air de vouloir assassiner, à peu de choses près, l’intégralité de l’école ! Je ne comprends pas, tu adores ce chorégraphe, tu en parles tout le temps, et là tu as enfin pu le rencontrer, et lui parler. Ou alors c’est à cause du canon sur patte ? Le mec ultra bien roulé là, avec le petit fessier si bien sculpté ? Celui que j’ai dragué ? Tu as pourtant les nerfs solides en temps normal. Je veux dire, tu supportes ta mère depuis seize ans, quand même ! Et niveau boulet, on ne fait pas pire. »

M-A, elle, se contenta de lever les yeux au ciel d’un air mi-blasé mi-dramatique. Elle claqua sa langue et lança à Charlotte :

« Pas faux.

- Merci pour cette intervention très utile, M-A chérie, s’esclaffa cette dernière tendrement. Maintenant, revenons-en à toi, ma petite Emilie. Dis-nous tout… »

La petite blonde se dandina, gênée par l'air conspirateur de son amie.

« Mais vous ne comprenez pas. Ce garçon, justement… C’est le fils du directeur ! »

Ses amies la fixèrent sans un mot.

« Et alors ? demanda placidement M-A. »

Emilie plongea son regard dans le sien.

« M-A, je l’ai insulté ! »

Charlotte explosa de rire.

« Mais qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! Arrête de raconter n’importe quoi. Ceci dit, peut-être qu’il aime ça… »

Elle leur lança un regard… très, voir même trop, équivoque.

« Bon, on sait de quoi tu vas rêver cette nuit, Charlotte, mais franchement, c’est quoi le problème, Emi ?

-Mais vous ne comprenez donc pas ? C’est mon premier jour dans l’école de mes rêves, dirigé par mon idole, par l’homme le plus incroyable que j’ai jamais vu ! Je travaille pour atteindre ce niveau depuis tellement longtemps. Et maintenant, ce rêve, enfin devenu réalité, est compromis par l’arrivée d’une espèce de singe sous évolué qui n’a visiblement jamais appris à vivre en société ! Mais le pire, mesdames, c’est que cette créature préhistorique est le fils de ce dieu vivant. Comment une telle aberration a-t-elle pu se produire ? Un homme si délicieux… »

Le visage d’Emi affichait une grimace torturée.

« Et moi, qui suis destinée à une carrière hors du commun, moi qui suis née pour porter le tutu sur les planches des grandes scènes du monde entier, je vois donc mon avenir remis en cause par un garçon sans distinction ni classe ! Je suis finie, l’avenir s’obscurcit devant moi, ma carrière est comme la flammèche que l’on essaie d’allumer sous la pluie, l’oiseau à l’aile cassée qui tente de prendre son envol, la fleur sauvage à la beauté incomprise, assassinée par la stupidité des hommes ! »

Un ange passa. Les deux amies de la jeune fille l’observait d’un air contrit.

« Euh… T’en fais pas un peu trop là ? s’enquit M-A.

- Oh chérie… Je ne savais pas que tu aimais les hommes plus âgés, comme Monsieur Silberdorn. Je pensais que tu étais comme ta mère, murmura Charlotte, en profonde réflexion sur les possibilités de couple que cela impliquait pour son amie. »

Un raclement de gorge interrompit soudain leur conversation tumultueuse. Charlotte fut la première à se retourner avec un sourire charmeur.

« Tiens, tiens, qui voilà ? minauda-t-elle avec un regard de prédatrice. »

Adrien eut un mouvement de recul et tira maladroitement un petit objet de sa poche. Le tendant vers le groupe de filles avec un sourire gêné, il leur demanda :

« Est-ce que cette… vieille chose poilue appartient à l’une d’entre vous ? »

Il lança un regard appuyé à Emi, dont les joues avaient pris une teinte écarlate. Elle ne lui répondit pas et se contenta de lui arracher son porte-bonheur des mains, avant de faire volte-face dans un mouvement gracieux et dédaigneux. Alors que les deux amies de la jeune fille s’apprêtaient à lui emboîter le pas, Charlotte marqua un temps d’arrêt. Adrien retint son souffle. Heureusement, elle ne s’adressa pas à lui, mais approcha sa bouche effroyablement pulpeuse de l’oreille de Marc.

« Dis-moi, mon poussin, quel âge as-tu ? »

Marc lui répondit avec un naturel déconcertant, ne semblant pas craindre l’appétit vorace de cette croqueuse d’hommes :

« Je viens de fêter mes dix-sept ans, c’était une fête somptueuse. J’ai redoublé ma grande section, ce qui explique que je sois dans votre promotion. »

Charlotte lui adressa un sourire reconnaissant et s’élança vers Emi dans un rire machiavélique.

« C’est bon, Emilie-jolie ! Je t’ai trouvé un amant ! »

Emi s’éloigna en se bouchant les oreilles et en chantant, afin de ne plus entendre les divagations de son amie. A son sac pendait à nouveau son cher porte-clé en forme de pingouin. Elle y tenait tellement ! Mais hors de question qu’elle remercie le malotru qui avait osé traiter Picou de « vieille chose poilue et puante ». Certes, il n’avait pas dit puante. Mais il avait dû le penser très fort, et elle lui en voudrait. Pour toujours.

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