Chapitre 3

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L'enfant s'effondra contre le mur, le visage blême et la mâchoire crispée. Les insultes de ses camarades se répétaient en échos incessants dans son crâne : « tapette », « fillette », « gamine »... Des torrents de larmes se mirent à couler le long de ses joues et son corps frêle fut parcouru de légères secousses.

Tout d'un coup, une voix douce et chaleureuse le tira de ses lamentations.

« Adrien, murmura la nouvelle venue. »

Le garçon sentit un bras s'enrouler autour de ses épaules et un parfum sucré emplit ses narines.

Il essuya ses yeux voilés de larmes chaudes du revers de sa main et renifla, en tournant la tête vers son amie. Il tenta d'esquisser un sourire – et échoua piteusement- avant de sangloter :

« Eva, j'en peux plus... »

La fillette l'étreignit fraternellement et lui chuchota :

« Ne les écoute pas, ce sont des méchants. Je sais, moi, que t'es un excellent danseur. »

Les pleurs du garçon reprirent de plus belle, inondant le T-Shirt d’Eva. La petite fille ne sembla pas s’en inquiéter, et resserra son étreinte réconfortante autour du corps tremblotant de son ami.

Adrien avait peur qu’elle le prenne pour une mauviette. Il paraît que les garçons n’ont pas le droit de pleurer. Quelle injustice. Jamais une petite fille ne voudrait d’un ami comme lui. Eva finirait par se lasser, par s’en aller. Effectivement, la voilà qui se mettait debout, visiblement prête à le laisser là, seul.

Mais, au lieu de partir, son amie lui prit la main, le releva à son tour et posa le bout de ses lèvres sur la joue baignée de larmes du garçon. Puis, elle déclara :

« Je crois que les autres sont des idiots s'ils ne se rendent pas compte que tu es le garçon le plus sympa et le plus cool de la classe, Adri. On va leur montrer que t’as pas peur d’eux ! Qu'est-ce que t'en dis ? »

Adrien, rapidement remis de ses émotions – comme on l'est souvent à cet âge, et le bisou de la petite fille n'y étant pas pour rien – lança un sourire éblouissant à la fillette.

« Je t'adore, ma meilleure amie ! s'exclama-t-il en l'enlaçant. »

Eva plongea ses grands yeux dans ceux de son ami et annonça solennellement :

« Moi aussi, Adri. »

Soudain, un groupe d'élèves surgit devant eux.

« Oh, les amoureux ! Oh, les amoureux ! clamèrent-ils. »

Eva jeta un regard inquiet à Adrien qui, les surprenant tous, se dressa fièrement devant ses camarades, les toisa et, après leur avoir tiré la langue, se dirigea vers la cour en entraînant son amie, hilare, derrière lui.

****

« Adrien ? Allo, la Terre ? »

Le jeune homme sursauta, brutalement tiré de ses pensées, et se tourna vers son ami.

« Salut Edouard ! lui lança-t-il en tapant sa paume contre la sienne – et en ignorant le regard narquois avec lequel son camarade le fixait.

- T'avais l'air tellement blasé, c'est incroyable ! ricana son interlocuteur. C'est pas comme ça que tu vas briser des cœurs, Adri. »

L'autre adolescent lui jeta un regard noir et ouvrit la bouche pour riposter...

Mais il fut coupé dans son élan, quand le métro freina brusquement et une masse atterrit sur ses genoux.

« Mais c'est quoi ce bordel ?! Oups... pardon Madame... Mais, puis-je savoir ce que vous faites sur mes genoux ? demanda-t-il, légèrement – non en fait, totalement – ahuri. »

La vieille femme aux grands yeux globuleux qui était avachie sur lui leva un regard effarouché vers le danseur et, se relevant promptement, s'excusa en époussetant sa jupe :

« Je vous prie de m'excuser, jeune homme ! C'est que, le train s'est arrêté si brusquement qu'il aurait été impossible de...

- N'en parlons plus, madame ! Cela pourrait arriver à tout le monde. Mon ami ne vous en tiendra pas rigueur, promit promptement Edouard – répondant à la place d'Adrien, qui restait figé, encore sonné par le choc qu'il avait reçu. »

Puis, se tournant vers ce dernier avec un air taquin qui ne présageait rien de bon pour Adrien :

« Oublie ce que j'ai dit toute à l'heure, tu as trouvé la technique de drague ultime pour attirer toutes les meufs sexy de Paris !

- Oh toi, tu peux parler, espèce de Roi Soleil ! répliqua Adrien, retenant avec peine son rire.

- Euh, pardon ? Mais qu'est-ce que c'est que cette insulte pourrie ? Elle t'a frappé la tête avec son parapluie, la mamie ?

- Du tout, du tout. C'est juste que tu avais une manière de t'exprimer assez princière, mon cher Edouââârd...

- Mais de quoi tu parles ? s'indigna son interlocuteur.

- Mon ami ne vous en tiendra pas rigueur, Madâââme ; n'ayez crainte, nous n'exécuterons point de vengeance... Vous n'aviez point mérité que notre colère fût exacerbée !

- Mais je n'ai jamais dit tout ça !

- On n'en était pas loin ! »

Et les deux amis sortirent sous les regards amusés des autres passagers. Ils continuèrent à se chamailler affectueusement, jusqu'à une imposante grille en fer forgée, devant laquelle un troisième garçon les attendait, un immense sourire aux lèvres.

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