chapitre 36

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En passant dans l’allée qui mène à la cantine, Jamie croise une personne, qui n’est autre que Constantine. Ce dernier marche depuis plus d’une heure à travers la faculté, à la recherche de ses proies. L’appareil remis par Thompson se trouve dans sa poche et est opérationnel.

Mais l’objet n’a pas vibré une seule fois. Le détective n’est pas du genre à se laisser abattre et à abandonner rapidement. Mais il a rencontré un nombre incalculable de personne sans avoir obtenu le moindre résultat. Il finit par se demander si l’appareil fonctionne vraiment ou si les fils de Satan suivent effectivement des cours dans cette université. Il existe de nombreux établissement dans la ville. Cela va lui demander des mois pour tous les analyser.

Il sait que Thompson est une personne compétente, très consciencieuse. Mais en même temps, ce dernier n’a jamais pu tester son appareil sur une des cibles, alors comment être sûr que cela fonctionne. Constantine a l’impression de servir de cobaye, qu’on aurait envoyé pour tester l’objet. Il doit avouer qu’il n’apprécie pas cette idée.

Le campus n’est pas si grand. En l’espace de deux heures, il a pu analyser les lieux et trouver plusieurs sorties, en cas de besoin. Mais il doit reconnaître qu’il ne pouvait pas rêver mieux comme couverture. Etre surveillant lui donne accès à toutes les salles et il peut se promener où bon lui semble, sans éveiller des soupçons.

Soudain, il sent une vibration dans ses poches. Le détective retient sa respiration, ses sens en alerte et fait un tour d’horizon. Se demandant qui peut bien être la personne détectée. A coté de lui se trouve deux étudiants qui discutent de leur week-end. Il se demande si une des ces deux personnes ne serait pas le fils de Satan. Il commence à les suivre discrètement jusqu’au moment où il se rend compte que ce n’est pas l’appareil qui vibrait… mais son téléphone portable. Il le sort de sa poche et pousse un soupir, en secouant la tête, se rendant compte de sa bêtise. Il s’agit de Thompson.

- Quand on parle du loup ! J’écoute dit Constantine, après avoir décroché.

- Alors, ça donne quoi ? demande Thompson.

Constantine grimace car il entend un bruit qui lui déchire l’oreille.

- Tu ne serais pas en train de manger des chips par hasard ?

Après un silence à l’autre bout du fil, Thompson répond.

- Euh oui ! Désolé. J’ai reposé le paquet.

Constantine secoue la tête en souriant, continuellement amusé par l’attitude spéciale du jeune informaticien. Thompson est tellement diffèrent des autres personnes qu’il a fréquentée dans l’agence. C’est un peu le vilain petit canard dans ce monde de rapace. Le détective espère que le jeune homme restera toujours ainsi, que Cross n’arrivera pas à le changer en un être froid et sans scrupule. Constantine a eu besoin de beaucoup de temps pour retrouver son humanité perdue.

- Pour le moment, l’appareil n’a pas vibré une seule fois. Mais bon je continue mes recherches, je n’ai pas grand-chose d’autres à faire, de toute façon.

- Et sinon, les étudiantes sont comment ? Chaudes ?

- Pourquoi ne viendrais-tu pas voir par toi-même ?

- Je suis un peu coincé de mon coté. Je ne suis pas vraiment libre de mes mouvements soupire Thompson.

- On a tous notre croix à porter. Tu as pu faire une triangulation par rapport aux agressions de ces dernières semaines ?

- C’est en cours. J’en saurai plus demain. Mais en tout cas, c’est un sacré boulot. C’est sans fin. On aurait peut être dû faire appel à un profiler.

- Arrêtes de regarder la télé, mon ami. Cela ne fonctionne pas de la même façon dans la vie réelle dit Constantine.

- Au fait, j’ai un message de Peterson, il vous rejoint devant la fac à 19h, il doit vous parler de quelque chose. Je n’en sais pas plus.

- Ok, pour moi.

- Juste une chose. Grâce à votre travail, vous arrivez tout de suite à repérer le caractère et la vraie nature des gens ?

- Souvent oui dit Constantine, se demandant où le hacker veut en venir.

- Vous ne pourriez pas prendre un ou deux numéros de filles coquines pour moi. Je suis un peu en manque en ce moment.

- Je ne travaille pas pour une agence de rencontre dit le détective, amusé avant de raccrocher.

Il range son téléphone dans une poche de son pantalon, après avoir enlevé l’option vibreur. N’ayant aucune envie de reproduire la même erreur. Le détective se demande ce qui pousse le bras droit du directeur du CAS à lui rendre visite. S’il se déplace, c’est qu’il s’agit d’un sujet important, qui ne peut pas être discuté par téléphone. Il se dirige vers la sortie du campus, voulant aller chercher un sandwich dans un drugstore du coin. Il aurait pu aller à la cantine, se mélanger aux étudiants, mais il préfère continuer à adopter un profil bas. Moins on fait attention à lui, mieux il se porte. Il sait être patient et comme dit l’adage, tout vient à point à qui sait attendre !

Au nord de la ville, à vingt minutes en métro du Loop, se trouve le quartier de Loyola. Il s’agit d’un coin très agréable avec une très belle vue sur la rivière Michigan. C’est dans ce quartier que se trouve l’université où Hayden suit ses cours. Ce dernier sort de l’enceinte de l’établissement, accompagné par un groupe d’amis. Quel n’est pas sa surprise, lorsqu’il découvre Shawn assis sur sa moto, l’attendant patiemment. Hayden s’excuse auprès de ses camarades, ne pouvant pas les rejoindre au café du coin et s’empresse de rejoindre son demi-frère, en souriant.

Une fois à sa hauteur, ils s’échangent une poignée de main fraternelle. Shawn sourit aussi, la bonne humeur de son demi-frère est contagieuse. Shawn a toujours beaucoup apprécié Hayden. Il n’a jamais eu de problème avec lui, pas comme avec Max. Il se demande d’ailleurs comment les deux frères font pour s’entendre aussi bien, avec des caractères si opposés. Il aimerait bien savoir comment ils se sont rencontrés et ce qu’ils ont vécu ensemble pour être si soudés. Il les envie parfois, lui qui est si indépendant, si solitaire.

Un poids énorme à quitter ses épaules le jour où il a découvert qu’il n’était pas le seul à avoir de tels pouvoirs. Mais pourtant il se sent comme le maillon faible et n’arrive pas à créer une véritable cohésion avec eux. Shawn se dit que c’est peut être dû à son caractère. Il a encore des progrès à faire. Il agit trop comme un loup solitaire. Ne se mélangeant pas facilement aux autres. Mais depuis son arrivé à Chicago, il a fait beaucoup d’effort.

- Que me vaut cette bonne surprise ?

- Je voulais m’excuser pour hier. J’ai vraiment agi comme un crétin et pas du tout comme j’aurai dû. Je sais que je suis censé montrer l’exemple.

- Ne te prends pas la tête pour ça. J’aurai sans doute agi de la même manière. Et tu sais, Rome ne c’est pas fait en un jour !

- Merci d’être si compréhensif. Parfois je me demande si je suis vraiment fait pour être un leader. Je n’en ai pas la carrure. Max a peut être raison.

- Arrêtes de t’auto flageller et un conseil, ne prends pas pour argent comptant tout ce que dis Max, il dit aussi beaucoup de conneries.

- Oui, peut être ! s’exclame Shawn avec un sourire triste, n’étant pas convaincu.

- Cela tombe bien que tu sois là, j’ai un truc pour toi, j’avais oublié de te le donner la dernière fois dit Hayden, en ouvrant son sac à dos.

Le jeune étudiant sort le livre qu’il voulait lui offrir la veille, mais il n’en pas eu l’occasion, en raison des évènements qui se sont précipités. Ne s’attendant pas à un tel cadeau, Shawn lit le titre à haute voix.

- Le bien et le mal. Choix intéressant !

- Je l’ai trouvé dans une librairie .Après l’avoir feuilleté, j’ai tout de suite compris qu’il fallait que tu le lises. Je pense que ce livre t’aidera dans ta recherche de toi-même.

- Vraiment ?

- Tu n’arrêtes pas de te poser des questions sur les décisions que tu prends. Est ce qu’elles sont bonnes ou mauvaises ? C’est vrai que nous avons hérité d’un pouvoir démoniaque, mais rien ne nous oblige à faire le mal autour de nous. Nous avons notre libre arbitre. Ce livre te fera comprendre qu’il n’existe pas d’actions mauvaises ou bonnes. Il n’y a que des choix que l’on décide de faire ou pas. Une fois que tu l’auras compris, je pense que tu verras la vie sous un nouveau regard et que tu auras un poids en moins sur les épaules.

- Tu le penses vraiment ?

- Oui, sinon j’aurai dépensé dix dollars pour rien dit Hayden, avant de se mettre à rire.

Shawn doit avouer qu’Hayden ne cessera jamais de le surprendre. Lui qui pensait être si discret avec ses émotions et pourtant son demi-frère arrive à lire en lui comme dans un livre. C’est une sensation nouvelle pour lui, mais pas désagréable en soi. Enfin quelqu’un connaît tout de lui, il n’a pas besoin de jouer un rôle ou de cacher une partie de sa vie, comme il le fait quotidiennement. Hayden est comme lui et il doit avouer que c’est une véritable bénédiction de pouvoir être soi même. Aussi incroyable que sont ses pouvoirs, il n’est pas obligé de cacher sa peur car Hayden et Max le comprennent.

- Je te promets de le lire avec attention.

- Je n’en attendais pas moins de toi.

- On se voit ce soir ? Mais cette fois pour vraiment s’entrainer, même si je ne sais pas où ?

- Max m’a dit qu’il cherche un endroit. Je le préviens et on se retrouve chez Cheyenne ce soir.

- Ça me va.

- Je te dépose dit Hayden, en désignant sa moto.

- Tu as un deuxième casque ?

- Non, mais bon parfois il faut savoir vivre dangereusement, tu ne crois pas dit Hayden, avec un sourire empli de défi sur le visage.

Shawn acquiesce de la tête, monte derrière son demi-frère et au moment où ce dernier va mettre son casque, il lui dit :

- Merci en tout cas.

- Pour quoi ?

- Pour tout !

Hayden se contente d’acquiescer la tête, comprenant le message, avant d’enfiler son casque et de tourner la clef de contact de son engin, prêt à faire rugir le moteur.

Centre de Chicago, bar le students Friends. Sarah vient de prendre son poste. Pour le moment, l’établissement est pratiquement vide, à peine deux ou trois habitués. Sarah met un cd dans la chaine stéréo et chantonne le refrain d’une musique rock qu’elle apprécie du groupe « Artic Monkeys ». Shawn l’avait rejoint à l’heure du déjeuner pour lui dire qu’il la rejoindra chez elle ce soir. Sarah lui a promis qu’elle s’occuperait très bien de lui. Elle sourit, en imaginant déjà la scène. Sarah n’a pas toujours été si coquine mais Shawn agit comme une drogue sur elle. Pourtant, ils ne sont pas ensemble depuis très longtemps mais elle l’a dans la peau. Pour être tout à fait honnête avec elle, Sarah doit avouer qu’elle ressentait déjà ces sentiments, avant même de sortir avec lui. C’est comme un rêve ou un fantasme qui devient réalité. Il n’existe rien de plus jouissif, dans tous les sens du terme.

Elle remarque une personne devant la porte du bar qui hésite à entrer. Finalement la personne franchit le pas de la porte et la barmaid reconnaît la voisine de son petit ami. Scarlett se dirige vers le comptoir et lui fait un petit signe de la tête, avant de s’asseoir sur un tabouret.

- C’est rare de te voir ici, Shawn me fait de la pub ou quoi ?

- On peut dire ça.

- Je te sers quelque chose ?

- Je prendrai bien un cocktail.

- Quel est ton poison ?

- Je te fais confiance dit Scarlett, avec un petit sourire sur les lèvres.

- Attention. Il ne faut pas me dire ça, sinon tu vas rentrer à quatre pattes à la fac.

- Je suis résistante.

- Je reviens tout de suite alors.

La serveuse prend un verre vide et tout en se déhanchant sous la musique, utilise différentes bouteilles d’alcool. Elle ajoute des glaçons, passe-le tout dans un shaker avant de revenir vers Scarlett avec un verre remplit d’une couleur verdâtre transparente.

- C’est offert par la maison ! Enfin seulement si tu arrives à le finir.

- Y’a quoi dedans ? demande Scarlett, méfiante, devant la couleur du liquide.

- A toi de deviner dit Sarah, avec un sourire espiègle sur les lèvres.

Scarlett n’est pas du genre à se débiner, elle prend son courage à deux mains, avant de lever le verre. Elle fait un signe de la tête à Sarah pour la remercier, avant d’avaler une grande gorgée du liquide. Elle repose le verre et savoure le mélange qui descend dans sa gorge. La gothique doit avouer qu’elle s’attendait à avoir la gorge en feu, vu toutes les bouteilles que Sarah a utilisé. Mais pourtant, elle a l’impression de boire un jus de fruit, un peu corsé.

- Alors ?

- Je dirai qu’il y’a du jus de fraise, de la tequila, du rhum et peut être de la vodka, mais je n’en suis pas très sure.

- Pas mal du tout dit Sarah, impressionnée. Y’a aussi du sirop de citron, de la liqueur de banane et je ne sais plus quoi d’autres.

- Tu es douée, ça passe tout seul, comme du petit lait. Je pourrai en boire des litres sans me rendre compte que je suis bourrée.

- Eh oui ! Je ne suis pas barmaid pour rien dit Sarah, en riant.

La jeune serveuse sent que sa cliente souhaite lui dire quelque chose, mais qu’elle a du mal à en parler. Elle ne connaît pas vraiment Scarlett, mais elle se doute qu’elle cache une grande timidité et une fragilité derrière sa carapace de grunge asociale.

- Tu es venu pour une raison particulière ? demande Sarah, sur un ton innocent.

- Oui dit Scarlett, en reposant le verre après une deuxième gorgée

La gothique reste sur ses réserves, mais cela se lit dans ses yeux, qu’elle est déterminée à parler.

- En fait, j’ai monté un groupe de rock avec des amis du lycée. On est tous ensemble à la fac et je cherche un endroit où on pourrait jouer et se faire un peu connaître du public. C’est important pour savoir si ensuite, on pourrait signer un jour un contrat avec un distributeur.

- Comme Universal ou Sony ? demande Sarah, trouvant l’idée géniale.

En voyant le visage de Scarlett se transformer en un rictus sévère, Sarah regrette ces derniers mots.

- Non, jamais à ses vendus ! On recherche un label indépendant. Ça nous correspond plus.

- Et en quoi puis-je t’aider ?

- Ben en fait, je me demandais si ton responsable accepterai qu’on fasse un concert dans ce bar dit Scarlett.

Cela se voit tout de suite que cela en coûte à la jeune gothique de demander de l’aide à quelqu’un. C’est une personne fière qui veut toujours se débrouiller par elle-même.

- Cela peut se faire. On n’en fait presque jamais, mais si je lui demande, je suis sûr qu’il acceptera. C’est Shawn qui t’a dit de venir me voir ?

- Non en fait, je suis tombé sur Jamie et il m’a dit de t’en parler.

- Il a eu raison. Ce n’est jamais facile de démarcher les bars. Je lui en parle et te donne sa réponse demain matin.

- Merci en tout cas dit Scarlett.

- Je suis sûr que vous allez faire un malheur.

- Tu ne nous as jamais entendus !

- Shawn m’en a dit beaucoup de bien et j’ai confiance en ces goûts dit Sarah, sur un ton catégorique.

La gothique ne répond rien, se contente de hocher la tête, en souriant par politesse, avant de boire à nouveau une gorgée du cocktail. Elle comprend ce qui attire tant Shawn chez Sarah. Cette fille est un vrai soleil, toujours positive, toujours le sourire et prête à aider les autres. Une personne rare dans cette société, de plus en plus tourné vers l’individualisme. Cela fait plaisir à voir !

Sarah et elle ne sont pas amies mais pourtant cette dernière l’aide avec grand plaisir. Une personne vraiment rare et elle espère que Shawn sait la chance qu’il a de l’avoir dans sa vie. On ne rencontre pas deux fois une fille comme elle.

Scarlett décide de rester un peu plus longtemps en compagnie de Sarah et les deux filles discutent de tout et de rien. Sarah est douée pour écouter les autres et a de nombreuses anecdotes à raconter, une vraie mine d’or. Scarlett espère un jour rencontrer la copie de la serveuse en homme. Mais elle ne se fait pas d’illusion, la jeune femme a depuis longtemps perdu espoir en l’homme, mais une partie d’elle veut encore y croire. Ce qui l’étonne. Finalement Scarlett n’est pas si fermée, ni si désabusée que cela. Comme quoi, on en apprend tous les jours sur soi.

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