chapitre 31

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Fin d’après-midi, siège du CAS. Thompson est assis devant son ordinateur et lutte pour ne pas s’endormir, tellement il n’est pas passionné par son travail actuel. A la demande de Peterson, il doit réaliser un compte rendu, que son responsable doit ensuite présenter à des personnes clef de l’agence. L’informaticien a du mal à se concentrer sur des taches si rébarbatives, si administratives alors qu’il vaut tellement mieux que ça. Réaliser des documents Powerpoint avec des graphiques l’ennuie au plus haut point. Il s’exécute pourtant, sans y mettre beaucoup de cœur, tout en jouant avec un stylo, qu’il s’amuse à faire glisser entre ses doigts.

Il se demande parfois comment il a pu se retrouver à travailler pour le gouvernement. Il a toujours été si doué en informatique, depuis sa plus tendre enfance. Thompson a réussi des exploits dans sa jeunesse. On lui prédisait un avenir très florissant. Il aurait pu réaliser tellement de choses, mais la vie en a décidé autrement.

A cause d’une erreur de jeunesse suite au piratage d’un site gouvernemental, il a été arrêté et aujourd’hui il en paye encore le prix. Il ne deviendra jamais l’hackeur de génie dont il a toujours rêvé. Tout ça à cause d’une faute de parcours. Il s’en veut énormément, mais quoi qu’il puisse dire, il lui ait impossible de modifier le passé. Il doit vivre avec cette erreur jusqu’à la fin de sa vie. Adieu la belle vie, les mannequins et les villas au bord de la plage.

Le jeune homme donnerait tout pour disparaître et vivre de son talent dans un autre pays. Mais Cross lui fait trop peur. Il sait que s’il le désire, le directeur le retrouvera où qu’il se cache et qu’il lui ferait regretter sa décision de fuir.

Mais il s’est juré de ne pas finir sa vie dans cette agence. Il a des projets et compte bien les réaliser un jour. Pour le moment tout ce qu’il peut faire, c’est prendre son mal en patience et attendre que la roue tourne en sa faveur.

Il est tellement perdu dans ses pensées, qu’il ne remarque pas Constantine entrer dans son bureau et se diriger vers lui.

- Tu as ce que je t’ai demandé ? demande Constantine dans son dos.

En entendant la voix de l’agent, Thompson sursaute sous le coup de la surprise, en poussant un cri de surprise et faillit renverser sa boisson sur le clavier. Il se tourne vers le détective et secoue la tête en lui jetant un regard noir.

- Est-ce que vous pourriez arrêter de faire ça, s’il vous plait !

- J’avoue que c’est assez marrant, ça fonctionne à tous les coups ! Mais promis c’était la dernière fois. Les meilleures plaisanteries ont une fin dit Constantine, avec un large sourire moqueur sur les lèvres.

Thompson pousse un long soupir pour calmer les palpitations de son cœur.

- Tu as ce que je t’ai demandé ? répète le détective, une nouvelle fois à son interlocuteur.

L’informaticien oublie le fait qu’il soit contrarié et affiche un large sourire sur son visage. Il acquiesce lentement de la tête, semblant très fier de lui. Il se tourne vers son bureau et sort du premier tiroir, une carte magnétique avec le logo de l’université dessus. Il la remet au détective, qui passe un moment à la regarder sous toutes les coutures, cherchant la moindre erreur. Il finit par relever la tête et hoche la tête, satisfait du résultat.

- Beau travail, je vois qu’on a eu raison de te recommander.

- Ce n’est pas pour rien que je suis un as ! s’exclame Thompson en lui faisant un clin d’œil complice.

- Si tu le dis ! Bon je t’écoute, quelle est ma couverture ?

- Vous remplacez un surveillant qui a dû prendre des vacances anticipées. On vous donnera un badge et un trousseau de clef. Avec ce dernier, vous aurez accès à toutes les salles. Vous pourrez vous baladez où vous le souhaitez sans qu’on vous pose la moindre question. Elle n’est pas belle la vie !

- Magnifique dit Constantine, en souriant, avant de ranger la carte dans la poche intérieure de sa veste.

- Ça a été un sacret boulot, mais je dois dire que je suis assez content du résultat. Tenez, ça c’est un bonus dit Thompson, en lui donnant un petit paquet.

L’objet en question, n’est pas plus grand qu’un paquet de cigarettes et Constantine se demande d’un air étonné, ce qui peut tenir dans un si petit paquet. Il voit un objet qui ressemble à s’y méprendre à un zippo de couleur argentée. Il le soupèse dans sa main, le briquet est très léger.

- C’est quoi cet objet et comment cela fonctionne ?

- Je l’ai appelé le repéreur. Vous le rangez dans votre poche et si vous rencontrerez l’un d’eux, l’appareil vibrera comme un téléphone portable.

- Comment l’appareil arrive à faire la différence entre une personne lambda et l’un d’eux ?

- Les jeunes que l’on recherche dégagent une signature thermique particulière. On n’a jamais pu comprendre exactement de quoi cela retournait. Mais c’est un peu comme s’il était entouré d’un halo, invisible à l’œil nu. Mais qui dégage une certaine radiation, non nocive mais qui est repérable si on crée un tel appareil. Ingénieux non !

Constantine acquiesce de la tête, en faisant une moue sous le coup de la surprise. Il doit avouer que l’informaticien l’impressionne. Il est vraiment doué, un vrai génie. Mais il ne lui dira jamais, comme lui a fait remarquer Peterson, Thompson a déjà un assez gros ego. Il n’est pas nécessaire qu’il reçoive des félicitations, il va finir par prendre la grosse tête, si ce n’est pas déjà le cas. Le détective range l’objet en question dans sa veste et le tapote doucement, afin d’être sûr que si l’objet vibre, il le sentira.

- Je crois que même James bond n’avait pas d’aussi bons gadgets, vous pourriez remplacer Q sans problème.

- C’est gentil, mais je ne crois pas qu’on me laissera partir. On va dire que j’ai un contrat longue durée ici.

- Je vois le genre dit Constantine, comprenant où veut en venir le jeune homme.

- Je me demande pourquoi on n’a pas essayé cette méthode plus tôt. Ce serait marrant que vous réussissiez en deux jours, ce qu’on n’a pas réussi en plusieurs mois. Y’en a qui se sentiraient cons dit Thompson, avant d’éclater de rire.

L’informaticien s’esclaffe devant son pc, il entend une voix dans son dos dire sur un ton sévère :

- Certaines personnes ne sont pas comme vous. Tout le monde ne cherche pas à être un héros.

Thompson grimace avant de se tourner lentement vers Peterson qui est devant la porte d’entrée.

- Désolé, je sais que des fois je devrais apprendre à la fermer dit Thompson, d’une petite voix, tout penaud.

- Oui, vous devriez ! s’exclame Peterson, en le fusillant du regard.

Le bras droit se tourne ensuite vers Constantine, qui s’apprête à quitter la place, aucunement intéressé par la dispute entre les deux hommes.

- Je dois vous rappeler qu’une fois sur place, vous serez totalement seul. Sans aucune porte de sortie. On ne pourra vous apporter aucun ….

- Economisez votre salive, je connais le refrain. Vous n’aurez pas de soucis avec moi, je connais la politique de la maison.

- Je sais, mais je devais tout de même vous le rappeler. Quand est ce que vous allez vous rendre sur place ?

- Dès demain. Je veux en finir rapidement. Cette ville me donne la migraine.

- Alors ce soir, je vous conseille d’étudier la carte du campus. Vous pourrez ainsi imaginer vos portes de sortie.

Peterson sort de son sac, une carte pliée en quatre et la remet à Constantine. Ce dernier sourit avant de secouer la tête.

- J’ai déjà tout ce qu’il me faut.

- J’aurai dû m’en douter. En tout cas bonne chance dit Peterson, en lui tendant la main.

- Je n’en ai jamais eu besoin jusqu’à présent, mais merci quand même.

Constantine le remercie d’un signe de la tête, avant de lui serrer la main. Peterson est pourtant l’actuel bras droit du directeur de l’agence, mais il se sent tout petit face au détective charismatique. Pour lui, Constantine est un modèle à suivre, un vrai mentor. Il s’est toujours promis de le surpasser et d’être le meilleur. Mais en étant face de cet homme, il se rend compte du long chemin qui l’attend. Il est très loin de l’égaler.

Au même moment, près des résidences huppées, se trouve la maison où habite Hayden et ses parents. Le jeune homme est tranquillement assis dans sa chambre, en train de finir de préparer son sac à dos. Ce soir, après la réunion avec ses partenaires, il va passer la soirée chez Max. Histoire de refaire le monde en buvant des bières et en regardant des dvd. Le programme lui convient tout à fait.

Si en plus, il avait une copine, alors là ce serait le paradis sur terre. Mais bon, il ne laisse personne s’approcher trop prés. Il est obligé de garder cette distance, car une fille lirait trop facilement en lui et cela pourrait devenir dangereux. Et surtout s’il venait à disparaître, il ne veut pas rendre une fille malheureuse, ni qu’elle le pleure. Il s’est promis que si à la fin de cette histoire, il s’en sort. Il essaiera de se trouver une fille bien, avec qui il pourra se sentir heureux. Il ne demande pas plus.

Il range dans son sac, un livre qu’il compte offrir à Shawn. Il est sûr que cela lui sera très utile et qu’il pourra en tirer des leçons. Le jeune blond est pressé d’être à ce soir. C’est la première fois depuis longtemps qu’ils vont se retrouver tous les trois. Il est excité comme une puce, heureux à l’idée de retrouver ses demi-frères. Ils les considèrent d’ailleurs comme de véritables frères. Il ne fait aucune différence. Le même sang coule dans leurs veines.

Hayden entend la porte de sa chambre s’ouvrir. Il se retourne et voit sa mère faire irruption. Le jeune plisse les sourcils, choqué par le teint pâle de sa mère. Elle a les yeux rouges, comme si elle venait de pleurer. Il ne l’a pas vu dans cet état depuis l’anniversaire de ses dix-huit ans lorsqu’elle n’arrêtait pas de dire qu’il était maintenant un adulte et que sa vie allait être différente. En y repensant, sa mère avait vu juste sur toute la ligne. Sa vie est loin d’être normale, elle ignore juste jusqu’à quel point.

- Tout va bien maman ? demande Hayden, inquiet.

- Oui, pourquoi, tu me demande ça ?

- Euh non ! Comme ça, pour rien balbutie Hayden, ne sachant pas quoi dire.

Sans rien ajouter, sa mère traverse l’écart qui les sépare et le prend dans ses bras. Comme s’il était un tout petit enfant, qui a besoin de sentir l’amour maternel. Hayden est le premier étonné, mais il ne la repousse pas. Il se contente de répondre à cette étreinte et de la serrer également dans ses bras.

- Bon ok, tout va bien alors dit Hayden, n’y croyant pas une seconde.

Sa mère relâche son étreinte et sourit, tout en essuyant les larmes qui coulent de ses joues.

- Je suis vraiment trop émotive. Suis-moi, ton père et moi, nous avons une surprise pour toi.

- Une surprise ? demande Hayden, étonné.

Pourtant son anniversaire est passé depuis plusieurs mois. Voyant que sa mère ne va rien lui reveler de plus, il la suit, désireux de savoir ce que ses parents lui ont concocté. Hayden se retrouve à l’extérieur de la maison et écarquille les yeux lorsqu’il passe devant le garage. Il déglutit avec peine, la bouche et les yeux grands ouverts avant de se tourner vers sa mère. Il n’arrive pas à y croire et regarde sa mère pour qu’elle lui confirme qu’il n’est pas en train de rêver.

Hayden avance de quelques pas pour mieux admirer ce qu’il a devant ses yeux. Il s’agit d’une moto flambante neuve. Une Suzuki de couleur bleu ciel, de la marque Suzuki, une 125cm3. Le jeune fait lentement le tour, pour la regarder sous toutes ses coutures. Il n’en revient toujours pas, c’est un rêve qui devient réalité. Il a toujours rêvé d’avoir un tel engin, de pouvoir prendre la route, le vent dans ses cheveux.

Sur une moto, il a l’impression d’être libre, que rien ne peut l’atteindre. Il en avait déjà parlé à sa mère, mais il ne pensait pas que ces parents lui en achèteraient une. Il pensait même à demander à Max s’il pouvait travailler avec lui pour se faire un peu d’argent de poche et s’en acheter une d’occasion. Mais cette magnifique monture dépasse toutes ses attentes.

- Maman, je ne sais pas quoi dire, il ne fallait vraiment pas !

- Cela nous fait plaisir. Tu es notre fils unique, on a bien le droit de te gâter de temps en temps. Tu ne demandes jamais rien et tu ne nous causes aucun souci. Alors, on voulait t’offrir ce cadeau, pour te montrer à quel point, nous sommes fiers de toi.

Hayden allait dire quelque chose, il ouvre la bouche mais aucun son n’en sort, l’émotion est trop forte. Il se tourne vers sa mère avec les yeux embués.

- Maintenant, c’est moi qui vais pleurer !

- Allez, ne perds pas de temps, va frimer avec ! Tu en meurs d’envie. Elle est toute à toi.

Hayden prend les clefs que sa mère lui tend avant de la serrer fortement contre lui. Voulant lui transmettre tout l’amour et le bonheur qu’il ressent au fond de lui. Le jeune homme s’empresse d’enfourcher sa moto, il prend une inspiration avant de faire tourner la clef. Le moteur se met tout de suite à vombrir, dans un petit ronronnement qui sonne comme une mélodie aux oreilles. Hayden sent la moto vibrer sous lui, c’est une sensation qu’il a très envie de prolonger.

Sa mère se dirige vers lui et lui donne un casque, qu’elle avait caché dans un coin du garage et aide son fils à l’enfiler. Le casque est exactement à la bonne taille. Ce dernier échange un sourire complice avec sa mère.

- Tu as pensé à tout à ce que je vois ! Tout est parfait.

- Je ne suis pas ta mère pour rien. Tu n’oublieras pas de remercier ton père quand tu le verras.

- Je n’y manquerai pas dit Hayden avant de donner un coup sur l’accélérateur.

Le moteur vrombit de plus belle, avant que la moto accélère et le jeune homme se sent tout de suite dans son élément. Il fait un signe de la main à sa mère avant de disparaître, en tournant à gauche au premier pâté de maison. Il sent toute la puissance de l’engin mais n’ose pas trop pousser le moteur. Il sait que la moto est encore en rodage et qu’il ne peut pas accélérer à fond, même si l’envie est grande. Il a toujours été une personne raisonnable, respectant les règles, afin de pouvoir se fondre dans la masse et ainsi cacher ses pouvoirs et passer inaperçu.

Mais pourtant quand il est au contrôle d’un deux roues, il est comme libéré de toutes ses entraves, ne pensant plus à rien. C’est sa manière de décompresser et d’ailleurs, tout en roulant, il se dit qu’il va falloir lui trouver un nom. Certaines personnes pourraient trouver cela ridicule, mais Hayden n’en a cure. Il lui en trouve un rapidement, c’est une évidence, son bolide portera le doux nom de « liberty ». Sa moto le porte bien, puisque c’est grâce à elle, qu’il se sent en vie, libre de tous engagements. Comme quoi, la vie réserve toujours de bonnes surprises. Il y’a à peine dix minutes, il n’aurait jamais pu imaginer une telle chose.

Hayden sent le vent sur lui et il se dit qu’il a raison de croire qu’il faut garder espoir en toute circonstance. Même si certaines personnes pensent que le destin décide de leurs vies, on a parfois de sacrées surprises. C’est ce qui rend la vie si magique. Il faut juste y croire, ne pas se résigner, ni broyer du noir. Même s’il le reconnait, c’est plus facile à dire qu’à faire.

La mère d’Hayden, reste quelques instants à l’extérieur, le regard tourné vers la rue que son fils vient de prendre. Elle ne saurait expliquer pourquoi, mais depuis plusieurs nuits, elle dort mal, se réveillant avec des sueurs froides et tremblant de tout son corps. Elle fait d’horribles cauchemars. Son fils souffre, le visage en sang et l’appelle à l’aide mais elle n’arrive jamais à l’atteindre à temps. Elle craint qu’il lui arrive malheur. Mais elle ne peut en parler à personne sous peine de passer pour une folle. Elle garde donc toutes ses pensées pour elle. Elle aimerait tant partager ses peurs avec Nathalie et la défunte Janice.

Ayant côtoyé Shawn et Max, elle compte sur eux pour prendre soin de son fils, comme leurs mères ont pris soin d’elle durant leur emprisonnement. Elle espère de tout son être que son cauchemar ne devienne jamais réalité et qu’ils ne seront pas obligés de réaliser cette stupide prophétie. Elle ne veut pas que son fils se livre à de tels actes de violence, au péril de sa vie. Elle a essayé de l’élever de la meilleure manière possible. De lui inculquer de véritables valeurs et de lui prodiguer de l’amour, mais elle sait qu’elle ne pourra pas toujours le protéger. C’est un adulte maintenant, qui agit et réfléchit par lui-même, sans avoir de compte à rendre à ses parents.

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