Chapitre 5

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A l’angle de la rue, mon père sortit quatre cordes au bout desquelles pendaient des colliers de son sac à dos et les loups grognèrent, l’air dépité.

- Je sais, je sais, mais nous devons être rapides.

Il se tourna vers moi et je reculai, le souvenir de plus tôt encore frais, mais il ne sembla pas le remarquer.

- On doit descendre vers Le Mans. Avant ça il faut sortir de la ville, j’ai laissé la voiture près du bois. Tu sais quel bus on peut prendre ?

J’opinai, on partit. Je dus tenir la laisse de Yaela et d'O. Un choix de mon père. Et comme ils semblaient être les moins enclins à me tuer, j'étais assez d'accord. Monter dans le bus ne fut pas chose facile, les loups furent obligés de porter des muselières qu’ils semblèrent accepter avec bien peu d’enthousiasme. A la décharge du conducteur, nos compagnons poilus n’avaient pas l’air commode.

Quelques minutes plus tard, nous descendîmes et mon père s’enfonça entre les troncs. Aussitôt que les loups furent libérés, ils coururent dans tous les sens, l’air joyeux. La queue battante, ils sautaient autour de nous, filaient à cent mètres avant de revenir en dérapages plus ou moins contrôlés. Mon père prenait part à leurs jeux tandis que je restais de côté avec Yaela qui soupirait (à la manière d'un animal) face aux gamineries des garçons. Nous arrivâmes devant une grosse voiture, le genre tout-terrain. Mon père ouvrit le coffre et … Charlie, je crois, aboya.

- Non, pas devant elle, répondit mon père. Elle n’est pas encore prête.

Mais oui, bien sûr, mon père parle aux loups, il les comprend, évidemment, évidemment, évidemment. Et puis, pas prête pour quoi ? Je décidai de ne pas relever. Pas envie de faire face aux crocs des bêtes. Je dus m’installer place du passager. Ô joie, quelques heures de route juste à côté de mon psychopathe de père.

Je finis par m’endormir. Je fus réveillée par un contact humide sur ma main. Ouvrant les yeux, je découvris le faciès dentu et lupin de Yaela. Ah oui c’est vrai. Le rêve étrange.

La voiture était arrêtée sur le parvis d’une petite école. Papa était absent. Yaela tira sur ma manche pour m’inciter à me lever. Je serrai les dents. Aïe, mon dos. Rêve douloureux en tout cas.

Je la suivis en clopinant jusqu’à un chemin bordé de fleurs. Joli. Mon père était au bout, adossé au mur, face à un portillon à la peinture écaillée. Il sourit en me voyant arriver et avança vers la barrière pour sonner. Puis il entra sans se gêner le moins du monde. Bon, bah si c’était bien là où vivent mes frères, ça paraît logique qu’il soit si peu dérangé. Surtout qu’il doit vivre ici tout le temps qu’il ne vit pas avec moi. C’est-à-dire… Trois cent soixante-quatre jours l’année ?

Celui qui ouvrit était aussi étrange que moi. Si j’étais noire, il était blanc. Albinos. Moins… les yeux rouges ? Il avait des cheveux un peu long, comme mon père, d’un blond si pâle et d’une finesse telle qu’ils étaient semblables aux filaments des méduses. Sa peau était d’une blancheur presque éblouissante et ses yeux d’un bleu glacier. Sinon il était joli garçon… mon frère ?

- Qu’est ce que tu fous là ?

- Je suis venu te voir, répondit simplement mon père en haussant des épaules.

- Oui, bien sûr. Juste comme ça ?

Il semblait légèrement énervé. Peut-être que mon… notre père et lui ne s’entendaient pas bien. Peut-être que notre père est juste pourri à l’être.

- Sérieusement, que fais-tu ici, papa ?

Comme simple réponse, il s’écarta pour me laisser passer.

- Adhara et moi devons te parler.

Ah bon ? J’avais quelque chose à lui dire moi ? Le regard fantôme du garçon passa sur moi, s’arrêta puis repartit, gêné. Il soupira.

- Je suppose que je n’ai pas le choix. Entrez.

Nous nous assîmes sur le canapé, lui en face de nous, installé sur un tabouret. Les coudes sur les genoux, penché en avant, il nous fixait d'un regard plein de questions.

- Bon, maintenant que vous êtes là, vous pouvez m'expliquer ce que vous faites ici.

Mon père esquissa un sourire.

- Hilasmus (Hein ? Hilasmus ? Comment a-t-il pu survivre avec un nom pareil ?), je te présente ta soeur. Adhara, ton frère.

Je pense qu’Hilasmus n’aurait pas pu faire plus théâtral comme réaction : il bascula en arrière si violemment qu’il en tomba de son tabouret.

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