Épopée: Chapitre XVIII

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XVIII: La quête du chevalier

Le Carrosse avait repris une allure raisonnable, cahotant sur les quelques bosses et rochers du désert de poussière grise. Pentapolis était maintenant visible au loin, libérée de son enchantement d'invisibilité. Dans le véhicule, toute l'attention était portée sur Elio. Le jeune homme peinait à détacher son regard des morceaux de pierre sculptée qu'Anton avait dans la main.

— Comment pourriez-vous avoir connaissance d'un tel artefact ? Sol haussa un sourcil, confus. Moi-même, après plusieurs année de missions pour ma guilde, je n'aurais jamais cru qu'un objet puisse être à ce point imprégné de magie noire !

— Maître... J'ai mal à la tête...

Les yeux d'Emilia étaient mi-clos, son visage aussi blanc qu'un linge propre. Sol sortit un sachet de tissu sombre aux reflets métalliques de sa besace.

— Mettez les morceaux là-dedans je vous prie.

Anton obéit et à peine les fragments eurent touché le fond du sachet que l'érudit le fermait déjà avec un cordon de cuir épais. Le nez et la bouche de Sol étaient retroussés comme s'il venait de manger quelque chose de dégoûtant. Elio secoua la tête et déglutit.

— Alors, tu vas nous expliquer ce que c'est maintenant ? demanda Orm en baillant.

Le chevalier se redressa sur son siège et attendit que Sol ait rangé l'objet dans son sac avant de parler.

— J'ai menti sur la véritable raison de ma présence si loin de Praegressia. Je n'ai pas quitté ma ville natale pour simplement me vider l'esprit et partir innocemment à l'aventure. De même qu'il n'est pas anodin que nous nous soyons croisé sur la route d'Among City, Jambar.

L'intéressé jeta un bref coup d’œil à l'arrière.

— Je me disais bien que croiser le garde du corps désœuvré du regretté roi Achab au détour d'un sentier était un drôle de hasard, remarqua Jambar dont le ton trahissait sa surprise.

Anton fronça les sourcils.

— Une minute... Tu savais d'avance pour la quête, d'accord... Mais comment ? Pourquoi ? interrogea le mercenaire.

— Être le confident du roi de l'Est possède ses avantages. Mais laissez moi tout vous raconter depuis le début.

Le véhicule ralentit encore. Elio avait l'attention pleine et entière de ses compagnons. Emilia, qui avait repris des couleurs, écoutait attentivement, fascinée par toutes ces intrigues.

Le chevalier débuta son histoire :

— Quand j'y réfléchis, cela va faire deux ans que je suis sur cette mission... Il y a deux ans donc, je suis parti pour les plateaux de l'Ethon. Le trésorier royal avait fait part à mon roi qu'une de nos province les plus éloignée n'avait pas donné signe de vie depuis plusieurs années, les redevances n'arrivant pas. J'ai donc été dépêché pour enquêter, à vrai dire personne d'autre n'aurait eut le cran d'y aller à cause du climat glacial des plateaux. Une fois arrivé, je trouve une ville perdue dans les montagnes et la neige, ma destination. J'y ai rencontré le maître des lieux, le Comte Arthure Donovan, l'héritier d'une très ancienne famille de l'Est en charge de la bourgade depuis la guerre contre le Seigneur Noir. Mon enquête commença à la seconde où j'entrais dans la demeure familiale où le Comte vivait avec sa femme, Artémis, et sa petite fille, Christiane.

Quand il prononça ce nom, une ombre passe sur le visage du jeune homme.

— Que s'est-il passé ensuite ? s'empressa de demander Emilia.

« — À cause du mauvais temps, j'étais obligé de rester quelques jours jusqu'à ce que la tempête se calme. J'ai donc été conduit à ma chambre où je fis une découverte des plus sordide.

Le chevalier sortit un vieux journal de cuir usé d'un des sac situé à ses pieds dans le véhicule.

— J'ai trouvé ceci. Le journal du quinquisaïeul du Comte. L’ancêtre d'Arthure Donovan y explique comment sa famille fut frapper d'une effroyable malédiction. »

À cette révélation, Emilia poussa un "Ooooh" d'intérêt, Jambar leva un sourcil intrigué, Sol eut une moue pensive, Anton se gratta le menton et Orm comptait sur ses doigts le nombre de génération que représentait un "quinquisaïeul". Elio rangea le carnet dans le sac et continua son récit, le Carrosse roulait toujours.

« — Il y est également fait mention d'un temple découvert lors de la construction de la demeure familiale. Ce temple, dont l'origine se perd dans les méandres des âges, abritait un artefact aux pouvoirs terrifiants. L'objet exigeait un sacrifice de sang à chaque nouvelle Lune sans quoi sa magie se déchaînerait. C'est là que Christiane fit irruption dans ma chambre, prétextant une partie de cache-cache, elle me guida à travers le manoir jusqu'à un sous-sol. Le temple se trouvait juste après. Une gigantesque caverne garnie de colonnes sculptée de motifs inconnus baignant dans une lumière rouge surnaturelle, comme lorsque nous avons emprunté le tunnel sous Nordgrad. J'accompagnais Christiane au fond de ce lieux hors du temps, nous sommes tombé sur cette chose.

Il pointa la sacoche de Sol du menton.

— Cette horreur avait convaincu le Comte d'abandonner son humanité. Ce masque maudit l'avait changé, lui et sa famille, en créatures sanguinaires dotées de capacités physiques surhumaines et d'un talent de guérison les rendant presque indestructibles sans équipement contre les créatures magiques, j'ai d'ailleurs failli succomber face au Comte et sa femme malgré mon épée en alliage... »

Orm l’interrompit.

— Attends ! Tu as dit que... ce truc-là, a convaincu le Comte ? Tu en parle comme si c'était quelqu'un.

— Plus que cela Orm. Je te parle d'un être dangereusement malin, capable de communiquer par la pensée et... c'était comme une main glacée enserrant ma tête. Le Comte s'est même retourné contre sa propre fille sous son ordre !

— Ce qui m'intéresse, c'est comment tu t'en est sorti, coupa Jambar.

Le chevalier se massa les côtes en grimaçant.

— Après un âpre combat contre le Comte qui me laissa aux portes de l'inconscience, ce fut Christiane qui porta le coup fatal. À l'aide de mon épée tombée au sol et des forces que lui conféraient ses capacités surnaturelles, elle brisa le masque. Et moi, je tombais dans les pommes, bredouilla le jeune homme, penaud.

— C'est tout ? fit remarquer Sol. Un artefact d'une telle puissance, anéanti par une petite fille ? Mais cela ne dit pas comment il a pu se retrouver à plusieurs centaine de kilomètres dans le... corps de ce géant.

— J'y viens justement, répliqua Elio. Avant de sombrer, j'ai entendu trois voix. Mais lointaines... comme si les différents interlocuteurs discutaient chacun depuis un endroit différent. La voix la plus audible a mentionné un plan et parla d'emporter les restes. C'est tout ce dont je me souvient, à mon réveille, les Donovan avaient disparu avec l'artefact et je ne l'ai jamais plus revu... jusqu'à maintenant. Je retournai donc à Praegressia et exposai la situation à mon roi. Jusqu'à sa mort, il était la seul personne à savoir ce qu'il s'était passé dans ces montagnes, à part moi. C'est là que mon enquête pour retrouver la trace du masque a commencé. Tout d'abord dans le bibliothèque royale où j'étudiais bon nombre d'ouvrages sur les objet enchantés et les civilisations disparues. Je n'ai trouvé que très peu de réponses.

— Même dans le "Traité des ruines" de Norbert Anquiro ? s'enquit Sol.

— J'ai même pu étudier l'original... c'est dingue le nombre de notes de bas de page qui peuvent sauter à la correction.

— Ah ! Vous trouvez aussi ! Scandaleux.

— Maître ! Vous nous éloignez du sujet, intervint Emilia.

— Oh... pardonnez-moi. Continuez votre récit chevalier.

— Oui donc ahem... reprit le jeune homme. Le... oui les livres ! J'ai juste appris l'existence d'un très ancien culte voué à la magie noire, d'une époque où le concept même de civilisation n'existait pas encore. Anquiro les nommes "proskunéens", les traces de leur passage sont extrêmement rares et éparses.

— Les premiers cas d'adoration de la magie sous sa forme corrompue, souligna l'érudit. Ce masque serait donc un artefact proskunéen ?

Orm regarda Anton en levant un sourcil, les yeux ronds. Le mercenaire lui adressa un haussement d'épaule en secouant la tête. Jambar restait silencieux.

— Pire, répondit le chevalier. Après être retourné dans le temple maudit et m'aidant de notes, j'en convins qu'étant donné son emplacement dans le temple et son... intelligence, le masque faisait l'objet d'un culte à part entière.

Jambar sortit de son mutisme.

— Et concernant les trois voix que tu as entendu dans le temple ? Tu sais de qui il s'agit ?

— Retrouver un morceau de cette abomination ici confirme mes craintes, le Seigneur des Ténèbres est mêlé à tout ça. Nous avions envisagé cette possibilité, mon seigneur et moi. Aussi lorsqu'il m'apprit que les rapports concernant les Terres Bannies s'affolaient, mon roi a tôt fait d'envoyer un pigeon afin de demander plus de précisions sur la situation à Trodrïn Perce-neige. C'est ainsi que nous fûmes mis au courant d'une "expédition de surveillance menée par un homme de confiance". Mais nous savions qu'il s'agissait de bien plus et je fit le voyage jusqu'au Royaume du Nord pour y rencontrer différents informateurs qui m'ont fait suivre la piste d'un homme encapuchonné, parcourant les routes à la recherche d'aventuriers. Vous connaissez la suite. En ce qui concerne ces voix, il est probable que des acolytes du Seigneur Noir aient profité de l'instant pour s'emparer des reste du masque.

Le silence se fut alors que tout le monde digérait les différentes informations. Puis Sol réfléchit à haute voix.

— C'est impossible. La Muraille et ses enchantements empêche n'importe quel être ou sortilège de passer...

— Je crois que nous n'obtiendrons les réponses à ces énigmes qu'une fois arrivé à destination, répondit Elio.

Orm passa les bras derrières sa tête.

— Et bien. Un artefact maudit, un culte maléfique oublié et le tout relié au Seigneur Noir en personne... Ce contrat est sans doute le meilleur de ma carrière ! il ricana.

— Je me dis plutôt qu'il faudra que je reparle de cette histoire à Trodrïn une fois rentré, maugréa Jambar.

— Si cela peut te rassurer, lui dit Elio sur un ton amical. Nos espions n'ont jamais eu autant de mal à retrouver quelqu'un et ils n'ont rien pu me dire à ton sujet.

— Tant mieux... Sinon ils devront prier pour que ce ne soit pas moi qui les... Merde ! ACCROCHEZ-VOUS !

Le Carrosse fit une embardée et un bruit strident de tôle froissée retentit à l'avant.

— Ça recommence ! gémit Sol en agrippant sa sacoche.

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