Épopée: Chapitre XI

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XI. Les ombres :


La jeune magicienne se jeta à plat ventre juste à temps pour entendre Faucheuse vrombir au-dessus de sa tête. Après s'être douloureusement réceptionnée sur les coudes, elle se releva en proie à la panique. Devant elle, les ténèbres semblaient se rapprocher.

— Dos à dos petite, je compte sur toi pour couvrir mes arrières !

Emilia eut juste le temps de jeter un coup d'œil en direction d'Anton et d'entrevoir la menace. Sa peur décupla mais la présence du guerrier à ses côté suffit à lui redonner courage. Elle se tint prête.

Sous le rocher, la situation était plus tendue.

— N'approchez surtout pas, intervint Sol. J'ai du mal à identifier la nature de cette magie mais ces ténèbres seront notre linceul si nous nous y aventurons.

Orm et Elio se campèrent sur leur position, devant Jambar et le mage. Les raclements étaient de plus en plus forts. Comme si des griffes se traînaient dans la poussière.

— Je parie sur des liches, dit Orm en faisant passer sa hache d'une main à l'autre. Ce genre de mise en scène, c'est presque signé !

C'est alors qu'une multitude d'yeux apparurent dans l'obscurité. Bleus, incandescents.

— C'est ça, montrez-vous ! Elio tendit son épée vers la nuée bleutée en guise de provocation.

Des sifflements lui répondirent, accompagnés de cliquetis et de claquement. Les yeux s'agitèrent, leurs proies n'avaient pas peur et cela les agaçaient.

— Allez ! Vous attendez quoi ? Qu'on viennent vous chercher ? Tempêta Orm.

Le barbare entendait les deux autres se battre au-dessus et il espérait qu'ils arriveraient à tenir... Des voix rauques s'élevèrent de la masse grouillante devant eux. Cela ressemblait à des râles poussés par des gorges asséchées accompagnées des mêmes sifflements.

— Pas peur.

— Ils n'ont pas peur.

— Ils doivent périr.

— Chez nous !

— Chez nous !

— CHEZ NOUS !

— Ah bha quand même ! Vous avez mis le temps !

Orm se prépara à encaisser le choc alors qu'il voyait enfin ce qui fondait sur eux.

Des formes humaines mais... décharnées, tordues. Leurs membres noircis fouettaient l'air comme mû par une volonté propre. Ces choses étaient entourées d'une étrange fumée noir et exhalaient une odeur immonde de chair en putréfaction.

Encore quelques mètres...

Les abominations poussèrent des cris de haine.

Toujours plus près...

Jambar dégaina calmement deux couteaux et se posta aux côtés d'Orm et d'Elio.

Les créatures bondirent... et se brisèrent sur de longs pics de pierre qui surgirent du sol. Le géomancien avait eu tout le temps de préparer son sortilège.

— À l'assaut compagnon ! cria Elio. Renvoyons les d'où ils viennent !

— Vous vous êtes frottés aux mauvais aventuriers macchabées à la noix !

Le barbare fonça sur l'ennemi le plus proche et lui abattit sa hache sur le crâne. Une série de craquements retentirent alors que la chose se disloquait sous la puissance du coup. Dégageant le fer, Orm fit tournoyer son arme devant lui et deux autres monstres s'effondrèrent dans un concert de cliquetis d'os. Jambar bondit en lançant le couteau dans sa main droite. La lame effilée se ficha dans une orbite brûlante de rage. L'homme à l'écharpe se réceptionna juste devant la créature et récupéra le couteau d'un coup sec. Il profita de son ambidextrie pour abattre deux autres ombres qui passaient à sa portée.

Elio se sentit quelque peu floué d'être obligé de rester pour protéger le magicien pendant que ses alliés combattaient la horde furieuse. Il put admirer un magnifique geyser de roche, lancé par Sol, qui fit décoller plusieurs cadavres ambulants. Ils se contorsionnèrent quelques instant à dix mètres du sol avant de retomber dans un fracas digne d'un concert de xylophone. Mais le jeune chevalier dû vite déplacer son intérêt. Une poignée de morts-vivants avaient franchi les pics. Tant mieux, il avait besoin d'action.

Empoignant fermement son épée, il décrivit une série de spirales avant de décapiter net son premier adversaire. Plutôt fier de cette entrée en matière, il constata cependant qu'il était entouré de plusieurs créatures. Elles semblaient avoir compris qu'il vaudrait mieux mener l'affrontement d'un bloc. Elles se jetèrent donc sur le chevalier. Il y en avait cinq en tout.

« Ça risque d'être chaud, mais ça va passer. » Pensa Elio.

Il envoya valdinguer le monstre en face de lui d'un grand coup de pommeau, puis il exécuta un coup de taille en diagonale sur sa droite tout en envoyant un violent coup de talon dans les chevilles de l'abomination à sa gauche. Cela faisait trois monstres au sol dont un hors d'état de nuire. Il se retourna vivement pour embrocher celui qui se tenait dans son dos en esquivant de justesse un coup à la tête. Il réussit sa manœuvre. Plus qu'un encore debout, sans oublier les deux autres toujours en état de se battre. Malheureusement, il n'eut pas le temps de voir la dernière créature lui sauter dessus.

Elle s'agrippa violemment sur son dos, il regretta d'avoir enlevé le haut de son armure. Il sentit des griffes pénétrer profondément dans sa chair et un liquide chaud lui couler dans le dos. Le jeune homme poussa un cri de douleur. Il fut malgré tout assez rapide pour ramener son épée avant de subir d'autres blessures et il transperça de part en part le crane de la créature. Une fois l'immonde pantin tombé inerte sur le sol gris, Elio para le coup de la première Ombre qui venait de se relever. Il grogna, ses épaules le faisaient souffrir. Il fallait qu'ils en finissent rapidement. Après une estoc en plein thorax, il ne lui resta plus qu'à se débarrasser du dernier monstre rampant sur le sol. Le chevalier posa le pied sur la tête décomposé de la créature. Avant qu'il ne lui broie le crâne, les yeux brûlants de la chose se posèrent sur lui. Dans un dernier borborygme elle dit:

— Chez nous...rentrer...chez nous.

Il y eut un craquement sec. Le chevalier regarda autour de lui. L'assaut des ombres avait été repoussé ici mais il entendait toujours ferrailler au-dessus. Il emboîta vivement le pas à Orm.

Anton et Emilia luttèrent pendant de longues minutes. La magicienne repoussait les ombres grâce à ses pouvoirs et le mercenaire bataillait au milieu de la multitude, son énorme épée écrasant tout se qui se trouvait à sa portée dans un tonnerre d'acier fracassant les os. Mais la jeune femme avait du mal à garder ce rythme effréné, elle faiblissait et Anton sentit qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps avant que la magicienne ne s'effondre, ou pire...

— On arriiiiiiiiiiiiiiiiive !

— Moins vite Orm ! Aïe !

Le barbare percuta le flot de morts-vivants, Elio sur ses talons.

— Emilia, suivez-moi ! Cria le chevalier à la jeune femme. Et ne vous en faites pas pour eux, ils s'en sortiront très bien.

Elle agrippa la main que lui tendait Elio. Ce dernier les sortit de la mêlée mais Emilia remarqua les blessures béantes dans son dos. Elle ne fit cependant aucun commentaire et ils rejoignirent Sol et Jambar à la base du rocher.

Une fois le combat terminé et les spectres noirs éradiqués, tous s'assirent pour souffler. On était probablement aux premières heures du jour. Les ténèbres épaisses qui entouraient le campement s'effilochèrent pour disparaître comme elles étaient venues.

Orm soupira:

— Et bien... ça fait plaisir de s'y remettre.

— Hum, approuva Anton avec un sourire.

— Vous l'avez dit ! Ouille ! Gémit Elio.

Après quelques secondes de battement, Emilia pensa tout haut:

— Alors c'est ça la vie d'aventurier ?

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