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HELLO !! Je vais en vacances à la playa *^* donc je ne sais pas si j'aurai beaucoup le temps de poster ou même de lire ici, ne soyez pas étonné-e-s si vous ne me voyez pas trop dans la semaine qui vient xD

Cornélia s’accroupit, mais avant qu’elle n’ait pu obéir, la coulobre baissa tout doucement la tête. Elle posa son gros museau rond sur la couverture, renifla l’odeur du volatile et tira délicatement sur le tissu qui l’emmaillotait. Retenant son souffle, la jeune femme en écarta les pans et déposa le basilic par terre. Il ne chercha pas à s’enfuir. Il resta là, sur le lino, et leva sa tête déplumée vers le monstre qui les surplombait, comme s’il le distinguait à travers ses orbites aveugles. Cornélia ne l’avait jamais vu si calme. Si apaisé.

– Laissons-les, lui glissa Aegeus d’une voix bourrue. Elle va faire son job et s’occuper de lui. On les appelle les doudous, ou les mamans.

Cornélia chercha quoi dire.

– Aaron avait dit que tu ne voudrais pas d’un basilic aussi jeune.

– Je ne l’adopte pas, rétorqua son hôte. Je m’enlève une épine du pied. J’en ai marre de vous entendre pousser des cris d’orfraie chaque fois que vous devez lui faire avaler une putain de souris morte.

Il se détourna et traversa le couloir sans un mot de plus, comme si le sujet était clos. Cornélia resta plantée dans l’entrée, désarçonnée. Devait-elle le suivre ? Rentrer chez elle ? Elle hésita un instant, mais la curiosité fut la plus forte. Quelles créatures avait-il bien pu ramener ici ? Presque toutes celles qu’elle connaissait se trouvaient déjà à leur appartement. Elle lui emboîta le pas, l’air de rien.

– T’es encore là, toi ? commenta-t-il quand elle déboucha dans la cuisine à son tour. Je t’ai pas invitée à entrer, que je sache.

– Je m’invite toute seule, répliqua-t-elle. Ce n’est même pas chez toi. Je suis sûre que le fantôme de notre regretté voisin n’est pas contre ma présence, lui.

Un grognement de rire échappa à Aegeus, amusé par son culot. Le regard de Cornélia erra sur le salon de son ex-voisin, encombré de baskets, de jeans à l’abandon, de paquets de cigarette et de créatures diverses. Et d’énormes morceaux de viande séchée. Elle se pinça le nez en détaillant les pièces de boucher qui pendaient des tringles à rideau. Clope au bec, Aegeus s’empara d’un couteau et se mit à charcuter méthodiquement un cuissot de… quelque chose. À côté de lui, une grosse tête cornue se penchait goulûment vers la table, totalement décalée au milieu des chaises et du mobilier Ikea. Cornélia recula quand le dragon lui jeta un œil.

Aussi massif qu’un taureau, il avait les pattes courtaudes et le corps d’un gigantesque lézard, couvert de larges écailles d’un brun vert poussiéreux. Pleines d’angles et d’arêtes, elles avaient l’air aussi rugueuses qu’une écorce d’arbre. Au milieu de sa tête triangulaire, son regard jaune soufre luisait de malice.

Un zonure. C’est un zonure. Comme dans les livres de l’auberge.

Elle fit un pas en arrière quand l’animal écarquilla les narines dans sa direction, paniquée à l’idée du crachat phototoxique q’il pouvait cracher à tout instant. Si la substance touchait sa peau, le moindre rai de lumière provoquerait des cloques, avant de la brûler vive.

– T’inquiète, il est muselé.

C’est à ces mots qu’elle remarqua la mince bande de plastique noir qui lui enserrait la gueule.

– Tu… Tu… Mais pourquoi…

– Simple précaution. Je l’ai depuis sa naissance, mais il est susceptible. Pas envie qu’il me crame par inadvertance. (La voix de l’homme se durcit.) Il a juste le droit de cramer des gens sur mon ordre.

Il posa le large couteau et balança la viande par-dessus son épaule ; le dragon muselé la regarda passer d’un air furieux, martelant le sol de sa queue hérissée de plaques, et poussa un grondement sourd quand une autre créature referma ses mâchoires dessus.

Une créature dont seule la tête massive dépassait d’une chambre, et que Cornélia n’avait pas vue jusqu’à présent.

Elle écarquilla les yeux devant cette gueule énorme, renflée comme celle d’un hippopotame, percée de plusieurs défenses d’ivoire qui saillaient de son menton et de ses joues comme autant de lames meurtrières. La bête la fixa de ses petits yeux porcins. Elle finit de broyer son repas en un claquement de molaires, puis souffla bruyamment dans sa direction. Une pelisse de poils noirs et rudes, comme ceux d’un sanglier, recouvrait sa peau épaisse. Cornélia ne voyait d’elle que cette tête redoutable et un poitrail gigantesque, aussi large qu’une voiture, qui avait défoncé le chambranle de la porte. La jeune femme culminait à un mètre quatre-vingts et pourtant, cette bête-là pouvait la toiser sans risque. L’animal devait baisser la nuque pour ne pas se cogner au plafond ; les deux grosses cornes qu’il portait sur le front, en forme de croissants de lunes, le raclaient sans vergogne.

– Mes aïeux ! s’exclama Cornélia. Mais comment tu as fait rentrer un monstre pareil dans cette boîte de conserve ?

C’était impossible. La porte d’entrée, bien qu’elle ne fût pas particulièrement reluisante, était encore debout et n’aurait jamais laissé passer une telle masse hippopotamesque.

– Et puis, le voisin du dessus ? ajouta-t-elle sans lui laisser le temps de répondre. Tu ne vas pas me faire croire qu’il dort bien la nuit avec ce genre de bruits sous ses pieds ?

Aegeus se contenta de sourire. Entre le grand couteau qu’il tenait à la main, la viande découpée en lanières et son sourire de requin, il n’y avait pas à dire, ça faisait son effet. La jeune femme lui fit les gros yeux, refusant de se laisser impressionner, et il finit par dire d’un air sardonique :

– Le voisin du dessus ? Quel voisin du dessus ?

Cornélia hésita un instant, avant de décider qu’il sous-entendait bien ce qu’elle imaginait.

– Tu as… Tu as vraiment remis ça ? Tu es sérieux ?

Son sourire s’élargit.

– Je ne me serais jamais installé sous un appartement habité, Corny. Je prends mes précautions.

Glauque. De plus en plus glauque. Cornélia eut du mal à déterminer si elle avait peur ou si elle était juste furieuse. Aegeus était comme un énorme coucou : il s’installait à son aise dans son nouveau nid en éjectant tous ses occupants légitimes. Derrière lui, la monstrueuse bête secoua la tête en soufflant de plus belle. Cornélia entendit une chaîne teinter derrière elle au rythme de son piétinement.

– Calme-toi, vieux, lui lança Aegeus avant d’ajouter : Il n’aime pas les inconnus. C’est un éale. Ne t’approche pas de lui, rentre chez toi, maintenant. Tu le perturbes, ça va se répercuter sur les autres.

– Les autres ? se récria-t-elle. Tu as amené combien de… de dragons et de… créatures comme ça dans l’immeuble ?

Elle fronça les sourcils en remarquant le large collier de plastique qui enserrait le cou de l’éale, et n’écouta même pas la réponse d’Aegeus. Une diode rouge y clignotait toutes les secondes.

– C’est quoi ce truc ?

– Un collier électrique.

Quoi ?

Cornélia lui lança un regard choqué.

La chaîne et la muselière, passe encore. Elle ne s’attendait pas à mieux de la part de quelqu’un qui avait gardé un lièvre enfermé dans une cage pendant des jours. Mais un collier électrique !

– Un problème ? releva Aegeus. Ce truc l’empêche de dépasser les bornes. Je t’ai dit de partir.

L’énorme bête poussa un grondement si bas et si sourd qu’il résonna jusque dans le sol et remonta dans les os de Cornélia. Elle fit tinter sa chaîne d’un geste brusque, souffla de plus belle comme un taureau près à charger ; sa paire de cornes monumentales bascula soudain vers l’avant, étirant la peau de ses tempes, poussant les os de son front, réorganisant tout son faciès d’hippopotame dans un frisson surnaturel. Puis un petit son strident, suraigu, se mit à pulser. Il provenait de son collier et suivait le rythme de la diode, dans une cadence lente et chargée de menace.

– Aegeus ! gronda Cornélia en reculant de deux pas, à la fois apeurée par le monstre et rendue furieuse – tout comme lui – par le bruit insupportable. Je ne comprends pas pourquoi tu leur mets des trucs pareils ! Tu peux communiquer avec eux ! Ils sont comme toi, tu me l’as dit toi-même l’autre jour !

Il leva les yeux au ciel pour toute réponse et lui fit signe de déguerpir. Elle se boucha les oreilles, puis recula à contrecœur lorsque le bruit perçant du collier gagna en intensité. Le monstre secoua violemment la tête pour échapper à l’horrible son – l’équipement ne frémit pas d’un poil, parfaitement ajusté à son cou – et une lueur destructrice passa dans ses yeux. Vaincu, il souffla avec rage avant de réorienter ses cornes vers l’arrière. Tous ses os jouèrent à nouveau sous sa peau. Lorsque sa grosse tête reprit ses courbes douces, l’insupportable tonalité cessa immédiatement.

– Je t’ai dit de dégager, gamine, maugréa Aegeus en fusillant des yeux la jeune femme. Tu me l’as foutu en rogne ! Voilà à quoi sert ce putain de collier. Sans dressage, il t’aurait réduite en bouillie. Et ces bêtes n’ont rien à voir avec moi, ce sont des esclaves de combat, des animaux stupides. Laisse-le basilic ici jusqu’à nouvel ordre et rentre chez toi ! Tout ça ne te concerne pas.

Elle soutint son regard quelques secondes avant de tourner les talons, bouillante de colère.

-- Deux dessins vous attendent ci-dessous :D

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