Amour tranchant

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Elle est une enfant de la balle. Née au cirque, de parents trapézistes, elle a délaissé les voltiges aériennes pour leur préférer le fil de fer. C’est donc très tôt qu’elle a enfilé de petits chaussons fins, et qu’elle s’est élancée pour virevolter sur le filin métallique avec grâce et légèreté.

Comme tous les enfants du cirque, elle a suivi les cours du CNED par correspondance, ne fréquentant que les autres enfants des forains. L’amitié enfantine s’est transformée en flirt adolescent qui à son tour a abouti à un amour profond.

Il faut dire que le fils du dresseur de chevaux était à se damner. Grand brun au regard noir, musclé juste ce qu’il faut, avec un humour ravageur, il faisait tourner la tête de toutes les jeunes filles du cirque. Mais lui n’avait d’yeux que pour elle.

Sa petite poupée de porcelaine, comme il l’appelait. Le teint pâle, les cheveux blonds, de grands iris bleus, elle était l’incarnation de la fragilité, que tout homme aurait aimé serrer contre lui pour la protéger de la rudesse du monde extérieur.

Le soir où elle avait fêté ses 18 ans, il l’avait entraînée discrètement dans les écuries. Un matelas les attendait dans un box vide, avec une couverture. Elle était très excitée. C’était la première fois qu’elle allait faire l’amour et elle en avait rêvé des nuits et des nuits de ce moment.

Posant ses lèvres sur les siennes, il l’avait embrassé longuement, faisant courir ses mains sur son corps. Adroitement, il ôtait boutons, lacets, qui retenaient ses vêtements, pour l’effeuiller lentement, baisant chaque morceau de peau qu’il découvrait.

Quand elle avait été entièrement nue devant lui, il s’était arrêté un instant pour se déshabiller rapidement. Elle l’avait dévoré des yeux. Puis, prenant courage, elle avait posé les mains sur son torse imberbe, dessinant les muscles du bout des doigts.

Intimidée, elle n’avait pas osé descendre jusqu’au sexe qui palpitait, tendu de désir. Doucement, il l’avait allongé sur la couverture, et sa bouche avait repris ses baisers sur sa peau, sa langue laissant de fins sillons humides qui la faisaient frissonner dans la fraîcheur de la nuit.

D’elle-même, elle avait écarté les cuisses, lui offrant son intimité, son sexe dégoulinant de plaisir. Il y avait plongé une langue gourmande, qui l’électrisait, la faisait gémir au moindre contact. Il était doux, prenait son temps, voulant qu’elle garde un bon souvenir de sa première fois.

Les sens enivrés, le ventre en feu, elle l’avait appelé, l’invitant à la prendre, à mettre fin au délicieux supplice qu’il lui faisait endurer. Délicatement, il s’était allongé sur elle, se maintenant en appui d’une main, l’autre guidant son membre entre ses petites lèvres ruisselantes.

Il s’était enfoncé lentement, s’arrêtant quand il avait senti l’hymen, l’interrogeant du regard. Elle avait murmuré un Oui avant de plaquer sa bouche contre la sienne, étouffant son petit cri de douleur quand il avait déchiré la fine membrane.

Planté en elle, il n’avait pas bougé, attendant que la gêne reflue. C’est quand elle avait ondulé du bassin qu’il avait entamé ses va-et-vient, ressortant complètement, pour mieux revenir loin en elle. Le feu dans son ventre s’était transformé en brasier.

Des ondes de chaleur se diffusaient dans tout son corps. Ses jambes s’étaient enroulées autour des hanches pour le serrer contre elle, les talons appuyant sur les fesses pour qu’il aille encore plus profondément. Elle avait joui en silence, le corps arqué, tandis qu’il se répandait en elle.

Amoureux, ils se retrouvaient dès qu’ils avaient un moment de libre pour s’aimer. Leur passion avait duré trois ans. Trois ans de plaisir sans cesse renouvelé, sans que leur désir ne s’essouffle. Mais un jour, il lui avait annoncé qu’il voulait quitter le cirque, découvrir le monde autrement.

Malgré ses suppliques, il n’avait pas voulu rester. Malgré son amour pour lui, elle n’avait pas eu le courage de le suivre. Le cœur en miette, elle l’avait vu partir, son baluchon sous le bras. Jamais, elle n’oubliera le dernier regard qu’il lui avait lancé, comme un reproche de ne pas oser tenter l’aventure avec lui.

Effondrée par son départ, elle vivait comme une automate, accomplissant mécaniquement les gestes du quotidien. Son spectacle s’en ressentait, ayant perdu la grâce et la légèreté qu’elle y mettait avant. Elle était maigre et pâle à faire peur.

Quand le nouveau lanceur de couteaux lui avait fait la cour, elle n’avait pas repoussé ses avances, espérant trouver l’oubli dans les bras d’un autre. Avec patience, et douceur, il l’avait apprivoisée, lui redonnant le sourire et l’envie de vivre une nouvelle histoire d’amour.

Elle l’aimait bien, mais cela n’avait rien à voir avec la passion qu’elle avait éprouvée auparavant. Aussi, quand il l’avait demandé en mariage, elle avait dit Oui, se rangeant dans une petite vie tranquille, sans excès, ni surprise… Sans ardeur non plus.

Et il y a quelques semaines, il était revenu pour prendre soin de son père et sa relève dans le spectacle. Son cœur s’était remis à battre la chamade, le brasier avait repris possession de son ventre, la rendant dégoulinante de désir, ses jambes étaient devenues flageolantes.

C’était avec émotion qu’elle l’avait revu. Il n’avait pas changé : toujours aussi beau que dans ses souvenirs. Avec un sourire charmeur, il lui avait ouvert les bras, s’attendant à ce qu’elle vienne s’y blottir comme avant. Mais il avait aperçu son alliance, et la déception s’était lue sur son visage.

Après son numéro, elle l’avait rejoint dans les box, et, faisant fi de son mariage, elle avait pris possession de sa bouche, se collant à lui, telle une chatte en chaleur. Fébrilement, elle lui avait ouvert la chemise, posant ses lèvres sur son torse, mordillant ses tétons.

Impatiente, elle avait glissé ses mains dans le pantalon, pour se saisir de la queue déjà raide. Il l’avait plaqué contre un poteau. Et, soulevant sa petite jupe, il avait guidé son membre de l’autre, la prenant sauvagement, bestialement.

C’était avec bonheur qu’elle avait senti les spasmes annonciateurs de l’orgasme la secouer. Depuis trop longtemps, elle avait attendu cette sensation si délicieuse, et elle lui revenait avec son amour de toujours. Des larmes roulaient sur joues tellement elle était heureuse.

Depuis, ils se retrouvaient en cachette. Ils cherchaient un moyen de pouvoir vivre leur amour au grand jour. Le divorce avait été évoqué, mais dans le monde du cirque, c’était mal vu. Il leur faudrait partir et aucun des deux ne le pouvait : lui devait s’occuper de son père, elle ne connaissait rien d’autre.

Devant son mari, elle faisait bonne figure, tentant de masquer son émoi, et le fait qu’elle le cocufiait. Par miracle, il n’y avait pas encore de rumeur sur sa liaison, mais il leur fallait redoubler de prudence, cela allait tellement vite, et elle ne souhaitait pas qu’il l’apprenne… surtout pas de cette façon.

Ce soir, alors qu’elle se préparait à s’éclipser discrètement, il était venu la trouver, pour lui demander de faire son assistante pour son numéro, la sienne s’étant fait porter pale. Un peu contrariée de ne pouvoir retrouver son amant, elle avait accepté, ne voyant pas quelle excuse plausible elle aurait pu lui donner.

Lentement, il l’avait attaché à la planche de bois, agrafant des ballons autour d’elle, lui murmurant tendrement à l’oreille qu’elle n’avait pas à s’inquiéter, qu’il n’avait jamais tué personne avec ce numéro. Alors, pourquoi cela devrait-il arriver ce soir avec elle ?

Quand il part prendre ses couteaux, un mouvement dans la foule lui attire l’œil. Stupéfaite, elle reconnaît l’assistante de son mari, qui normalement est malade. Elle tourne les yeux vers lui, et le doute s’installe en elle, distillant la peur. Et si en fait, il savait…

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