Chapitre 26

6 minutes de lecture

Pendant près de deux heures, j’écrivis encore et encore, jusqu’à avoir les meilleures formulations possibles. De nombreuses boules de papier jonchaient le sol.


« À Sa Majesté, le Roi Eliard de Thérénia.

Votre Majesté, pendant près de trente ans, mon Empire était sous l’emprise de l’Impératrice Julie, celle que vous devez connaître comme la Dictatrice. Cette femme, qui est ma mère, est partie il a quelques mois, me permettant enfin de monter sur le trône à mon tour.

Si je vous contacte aujourd’hui, c’est pour vous faire part d’une proposition qui pourrait vous intéresser. Depuis mon accession du trône d’Eryenne, je me consacre, nuit et jour à rebâtir l’Empire et faire le contraire de ce que ma mère a fait. C’est pour cela que je souhaiterais la réouverture des frontières de mon Empire.

Mais avant cela, j’aimerais savoir si vous accepteriez l’ouverture de nos frontières respectives. Cela permettrait à mon peuple de se sentir plus libre et nous pourrions aussi avoir des accords commerciaux, culturels.

Tout ce que je souhaite c’est que nous ne soyons des alliés, que je puisse vous demander conseil en cas de besoin. J’ai très peu d’expérience dans le domaine Impérial et à cause de ma mère, ma culture générale est très limitée.

En espérant avoir de vos nouvelles rapidement,

Elena De Stinley, Impératrice de l’Empire d’Eryenne. »


Je fis approximativement la même lettre pour le Roi et la Reine d’Eldusia. Pour celle de la Reine de Carandis, j’en fis une tout à fait différente.


« Pour Sa Majesté, la Reine Stephania de Carandis.

J’ai appris que votre Reinaume et mon Empire n’avaient que très peu entretenu de relation cordiale et j’aimerais que cela change. Depuis mon accession au trône, je ne souhaite qu’une chose, réparez les torts de ma mère. C’est une lutte incessante.

Comme vous régnez seule, comme moi, et que nous avons presque le même âge, je me suis dit que serait l’occasion idéale d’entretenir enfin des relations commerciales ou amicales entre nos deux territoires. Veuillez me pardonner si ma demande est trop abrupte ou pas assez formelle mais je suis encore en plein découverte de mon rôle d’Impératrice. J’apprends tous les jours.

À vrai dire, j’espère sincèrement que nous pourrions nous entendre afin que je puisse vous demander conseil en cas de besoin. J’ai certes deux amies incroyables sur qui compter, mais aucune d’elle n’est Reine ou Impératrice. Aucune d’elles ne sait toutes les responsabilités qui nous incombent et que nous sommes seules à devoir toute supporter.

Je dois vous avouez que depuis que je suis au pouvoir, c’est compliqué. Je n’ai pas choisi de porter la couronne. Je ne la voulais même pas au début. J’espère pouvoir voir en vous une femme qui pourrait me soutenir là où mes amies ne le pourrait pas.

Avec tout le respect que je vous dois, en attente de votre réponse,

Elena De Stinley, Impératrice d’Eryenne. »


Deux jours après avoir échangé avec le Dr Langstone, lui et son assistant arrivèrent au château en début de soirée. N’ayant pas pu lui passer le dossier médical par mail, je le fis dès son arrivée et des domestiques les installèrent dans deux des chambres du château. Ils nous rejoignirent pour dîner dans la Grande Salle, avec Emma et Juliette.


— Ça faisait longtemps que je n’étais pas venue ici. Ça fait plaisir de rentrer chez soi, commença le Dr Langstone.

— Depuis combien de temps n’étiez pas venu ?

— Peu de temps après votre naissance, Majesté.

— Vous avez dû fuir à cause de ma mère, je suppose.

— Malheureusement, oui.

— Ravie que vous soyez de retour dans ce cas.

— Avez-vous d’autres familles ? Me questionna-t-il quand même.

— Aujourd’hui, ma seule famille ne se résume qu’à quelques amis comme Emma, Juliette et…

— Y aurait-il quelqu’un d’autre ?

— Ne soyez pas indiscret enfin ! m’exclamais-je en rougissant.

— Excusez-moi, Votre Majesté.

— Ce n’est rien.


On continua de discuter pendant tout le repas. Ça faisait du bien de parler à quelqu’un d’autre et surtout à une personne qui avait vécu dans un autre Royaume mais qui avait aussi vécu ici avant la Dictature de ma mère. À la fin du repas, je sortis me promener quelque instant dans les jardins avec le Dr Langstone.


— J’ai étudié le dossier de votre amie avant le repas, je ne comprends pas pourquoi cette opération n’a pas été envisagée plus tôt.

— Sa famille n’avait pas assez d’argent Docteur. Et il n’y a aucun médecin capable de pratiquer cette opération. Personne hormis vous.

— C’est bien malheureux tout ça. Avec mon assistant, nous pourrons pratiquer l’opération la semaine prochaine au minimum. Pas avant, pour des questions pratiques. Où se trouve l’hôpital le plus proche ?

— Malheureusement, les conditions sanitaires de nos hôpitaux sont catastrophiques et les équipements en mauvais états. Certaines ailes de nos hôpitaux sont abandonnées. Je pense qu’il vaudrait mieux que vous pratiquiez l’opération au sein de château dans une pièce que vous aménagerez vous-même.

— Dans ce cas, c’est ce que je ferais. Est-ce que cela vous dérange si je fais parvenir du matériel médical depuis Thérénia ?

— Pas du tout, au contraire.

— Merci bien. Maintenant, j’aimerais parler de vous.

— De moi ? Comment ça ?

— Comme je l’ai dit pendant le repas, j’étais là à votre naissance et même à celle de votre père.

— Vraiment ? Je ne vous pensais pas si… âgée.

— Cela se comprend tout à fait, Votre Majesté. Et puis je travaille avec un brillant jeune chirurgien.

— Parlez-moi de mon père, s’il vous plaît. Je ne sais pas grand-chose sur lui.


J’avais enfin la possibilité d’en apprendre plus sur l’Empire d’avant ma mère, sur mon père. C’était l’occasion et je ne comptais pas la perdre. Tout ce que j’allais pouvoir apprendre auprès de ce médecin, ce n’étais que des informations que je n’avais jusque-là, pas réussi à avoir d’une quelconque autre manière.


— Votre père était d’une extrême gentillesse, toujours prête à aider son prochain, mais aussi très ouvert d’esprit. Y a-t-il un trait de votre caractère qu’on vous reproche souvent ?

— On me dit souvent que je suis têtue.

— Votre grand-mère aussi était têtue. Quand elle voulait quelque chose pour l’Empire, elle pouvait passer deux semaines à tenter de convaincre votre grand-père. Vous vous seriez probablement bien entendues toutes les deux.

— J’en conclus que vous les avez bien connus ?

— Exacts, vos grands-parents, comme votre père.

— Dans ce cas, peut-être savez-vous ce qu’il lui est arrivé ?

— Malheureusement, non, Votre Majesté. Même à Thérénia, nous ne savons pas ce qu’il s’est réellement passé. À vrai dire, depuis que votre mère a fermé les frontières de l’Empire, nous n’avions plus aucun contact avec Eryenne. Le roi lui-même a essayé d’y faire entrer des espions, en vain.

— Vous m’en voyez navrée.

— Il se fait tard et la nuit tombe vite, Votre Majesté. Vous devriez rentrer.

— Vous avez raison. J’ai été ravie de discuter avec vous, docteur.

— Moi de même.


Il me fit une révérence et s’éloigna. Je fis de même pour retourner dans ma chambre. Je pris une rapide douche et me coiffai les cheveux avant d’enfiler une chemise de nuit. Je m’installais ensuite dans mon lit et mis de la musique dans mes écouteurs avec mon téléphone. Je remarquais alors les nombreux messages d’Océane, juste pour savoir comment j’allais. Le genre de message qui faisait chaud au cœur et que j’aimais particulièrement recevoir, surtout venant d’elle. Comme il n’était que vingt-deux heures, je coupais la musique, enlevais les écouteurs et téléphonais à Océane.


— Ah Elena, tu as enfin eu mes messages ?

— Oui, excuse-moi pour le retard. J’ai été particulièrement occupée ce soir.

— Intéressant. Qu’est-ce que tu faisais ?

— Je discutais avec le médecin dont je t’ai parlé et j’ai envoyé des lettres aux les gouverneurs des Royaumes voisins.

— Vraiment ? Mais c’est génial ! Tu as déjà eu des réponses ?

— Houla non, je n’ai envoyé les lettres qu’il y a deux jours.

— Ça devrait arriver bientôt alors. Est-ce qu’il y a une réponse en particulière que tu attends ?

— Celle de la Reine Stephania de Carandis, oui. Elle a vingt ans et règne seule, elle aussi.

— Tu ne comptes pas me remplacer quand même ?

— Évidement que non, mais ça compte beaucoup pour moi d’avoir quelqu’un à qui demander conseil ou pour me confier.

— Mais tu peux te confier avec moi.

— Bien sûr, Océane, mais tu n’es ni reine ni Impératrice. Non pas que ça me dérange, mais il y a plein de sujets dont je ne peux parler avec toi. Et puis, elle peut me guider.

— Je comprends, tu veux pouvoir parler avec quelqu’un qui sait ce que tu vis.

— Merci Océ.


Comme il se faisait tard, on continua de parler pendant encore quelques minutes avant de raccrocher. J’éteignis alors la lumière et me couchai, contente d’avoir pu discuter un peu avec celle qui faisait battre mon cœur.

Annotations

Vous aimez lire Le studio d'Anaïs ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0