Chapitre 32 : Territoires edorians, de nos jours (2/3)

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Gonrak poussa un cri d’avertissement. Les assaillants tentèrent de ménager un passage pour permettre aux fuyards de passer. Ils n’étaient malheureusement pas assez nombreux pour y arriver. Là encore, l’arme de Deirane fit la différence. Face aux ravages qu’elle produisait, les défenseurs du château se réfugièrent dans les couloirs proches. Les trois femmes traversèrent une salle presque vide.

— C’est bon, cria Öta en les voyant arriver, les femmes sont extraites.

— On dégage, ordonna Levander, repliez-vous.

Aussitôt, les Helariaseny commencèrent à reculer, se dirigeant vers la porte de sortie. Quelques stersihons furent nécessaires pour se rassembler en bon ordre dans la cour. La situation était désormais inversée, les défenseurs du château qui tentaient de sortir se retrouvaient face au commando tout entier. Un soldat lança un récipient en terre devant la porte. En éclatant, il éclaboussa tout l’encadrement d’un liquide gras.

— À vous de jouer, dit Levander à Deirane.

Elle tira un coup de son laser et l’huile s’enflamma. Des flammes vives s’élevèrent, bloquant les soldats d’Aldower. À leur vue, elle ressentit une joie intense, presque orgasmique. Les Helariaseny s’enfuirent, emportant les blessés avec eux. Avant de sortir, la porte de la muraille fut bloquée de la même façon que celle du donjon pour empêcher le drow de se barricader après leur départ et pour rendre difficile toute poursuite.

Les soldats helarieal et les bawcks se rassemblèrent en bon ordre devant la forteresse.

— Le feu ne les retardera guère plus de deux calsihons, déclara Öta. Nous avons douze longes à parcourir dans la jungle avant d’être en sécurité. Dépêchons-nous.

Douze longes. L’énormité de la distance coupa le souffle à Deirane. C’est ce qu’un piéton parcourrait dans la journée. Et ils allaient devoir le faire en courant ? Elle n’y arriverait jamais.

— En file, ordonna Levander, les civils au centre. Au pas de course. Les autres, vous suivez le plan établit ce matin.

La troupe se disposa en file indienne pour s’enfoncer dans la forêt. Les Helariaseny étaient en tête, suivis par les bawcks. Les archers edorians qui avaient été postés sur les murailles suivaient la colonne, activant les pièges préparés à l’aller en prévision de la retraite. Dès que la lisière des arbres fut passée, Levander donna quelques ordres brefs. Les soldats se dispersèrent sur les côtés afin d’assurer la sécurité du petit groupe de fuyards. Une manœuvre parfaitement huilée, maintes fois répétée à l’entraînement.

La marche était aisée dans la végétation clairsemée. Si la conformation du terrain permettait à l’Yrian et l’Helaria d’être relativement protégés des ravages de la guerre feytha, ce n’était pas le cas partout. La forêt, autrefois impénétrable, avait souffert d’un demi-siècle de pluie empoisonnées. Beaucoup d’arbres étaient morts. Il ne restait que les troncs, fûts noirs et torturés, à moitié pourrissants. Les survivants, uniquement de jeunes arbres, grandissaient mal au milieu de cette terre contaminée. Ils étaient petits et malingres. Et le sous-bois quasiment inexistant. Pourtant ils s’accrochaient, la vie n’avait pas baissé les bras. Ils arrivaient à se reproduire avant de mourir. La forêt persistait malgré tout. Quand les pluies cesseraient et que le sol serait nettoyé, dans quelques siècles, elle pourrait resurgir, impénétrable comme par le passé. Les animaux brillaient par leur absence, sauf les plus petits comme les insectes ou les lézards. Là aussi, il faudrait du temps pour qu’ils reviennent.

Deirane marchait en seconde position, juste derrière Öta. Gonrak, portant toujours Saalyn sur son épaule, l’accompagnait. Cleindorel était juste à côté d’elle. Les soldats helarieal, en tenue camouflée verte et brune, étaient totalement invisibles autour d’eux. Sauf Levander qui les guidait. L’ancienne reine s’interrogeait sur cet homme. Il semblait si discret quand Saalyn dirigeait l’expédition. Et maintenant, il commandait comme s’il était le chef. Même les bawcks lui obéissaient. Il avait donc dû leur prouver sa compétence, sinon ils auraient agit de leur côté, sans s’occuper des Helariaseny.

Un drow se laissa tomber d’un arbre juste devant eux. Deirane, par réflexe posa sa main sur la crosse de son arme. D’un geste apaisant, Öta l’arrêta.

— Il est avec nous, dit-il.

En effet, hormis le fait qu’il était grand, mince et sombre de teint comme tous ses frères de races, il ne ressemblait pas du tout à Aldower. Il n’avait pas l’air plus amical pour autant. Un peu inquiète, Deirane l’examina pendant qu’il faisait son rapport au chef de l’expédition. Son équipement était helarieal, bien qu'il ne comportât pas les signes d’identification de la Pentarchie.

Ce drow portait un arc, c’était l’un de ceux, en poste sur les murailles du château, qui avait protégé leur fuite. Il faisait son rapport à Öta en utilisant le minimum de phrases, à la limite du laconisme. Une fois la réponse du stoltzen reçue, il repartit vers l’arrière de la colonne. La troupe reprit sa progression.

— J’avais raison, dit Levander à Öta qui s’était placé à sa hauteur, le drow nous avait tendu un piège. Il n’y avait que deux douzaines de soldats dans le château, mais une armée nous attendait derrière prête à fondre sur nous.

— Pourquoi ne sont-ils pas intervenus ? demanda le guerrier libre.

— On l’a eu par surprise. Avec la disparition de Saalyn et la mort de Trazen, il ne s’attendait pas à ce qu'on le retrouve aussi vite.

À l’arrière, un bruit violent suivit d’un cri de douleur les interrompit. Levander se retourna, un sourire carnassier sur les lèvres.

— Ils ont trouvé le premier piège, dit-il.

Il fit cependant accélérer le pas. Les bruits de poursuite avaient cessé, preuve que l’ennemi avait appris la prudence. Tous savaient cependant que ce répit serait de courte durée.

La chaleur presque étouffante de la nuit fini par ranimer Saalyn. Au bout d’un long monsihon, elle émergea de sa léthargie. Gonrak la reposa sur ses pieds et elle trottina à leur côté. Elle était encore peu assurée sur ses jambes, Öta avait pris le relais du bawck. Il la soutenait. Elle reprenait rapidement des forces. A mi-chemin, elle progressait seule. Deirane savait à quoi s’en tenir, cependant. Elle connaissait les stoltzt et leurs limites. À marcher ainsi, l’estomac vide, après une telle épreuve, elle allait s’effondrer avant l’arrivée.

Au cours de cette longue fuite, le drow vint à plusieurs reprises informer Levander de la progression de l’armée d’Aldower. Si ses éclaireurs avaient tous été éliminés, le gros des troupes s’était réveillé et regagnait le terrain perdu. Les pièges avaient tous été déclenchés, ils n’avaient plus d’obstacle devant eux et possédaient une bonne connaissance du terrain. Plus d’obstacle, sauf les drows, les bawcks et les soldats d’élite du commando.

Une course contre la montre s’engagea. Les Helariaseny devaient atteindre le fleuve et la sécurité avant que les ennemis ne les rattrapent. Deirane et Cleindorel commençaient à ressentir la fatigue dans leurs jambes. A bout de force, la jeune fille trébucha. Gonrak poussa un cri. Aussitôt, un bawck quitta sa position d’escorte et la balança sur son épaule. Un autre s’empara de Deirane sans lui demander son avis et Gonrak reprit Saalyn qui ne protesta pas tant elle était épuisée. Libérée des éléments les plus lents, la troupe accéléra le rythme. Tous se déplaçaient au pas de course, sous l’œil vigilant de leurs défenseurs invisibles.

Les cris des soldats ennemis se rapprochaient, ils étaient sur le point de les rattraper. Les soldats et les drows en éliminaient quelques-uns, pourtant c’était insuffisant tant ils étaient nombreux. Quelques dizaines de perches seulement séparaient les fuyards de leurs poursuivants. Une clameur s’éleva derrière eux alors qu’ils étaient repérés.

— Pas de charge ! lança Levander.

Les bawcks accélérèrent leur rythme. Öta, était un guerrier en plus de son statut de guerrier libre. Il n’avait toutefois jamais reçu l’entraînement de ces soldats d’élite. Malgré son endurance plus faible, il parvint à rester à leur hauteur. Il doutait toutefois d'en être capable jusqu’au bout. Un bawck se retourna pour intercepter un soldat de l’avant-garde ennemie. D’un coup d’épée il entailla la jambe du poursuivant, puis reprit sa place dans le rang.

Une seconde colonne leur tomba dessus par le côté. Instantanément, Les bawcks réagirent, ils se disposèrent en cercle pour faire face à la menace. Des soldats helarieal se laissèrent tomber des arbres. Aussitôt la lutte s’engagea. Les edorians d’Aldower étaient de bons soldats, d’autant meilleurs que leur maître ne pardonnait pas l’échec. Seulement ces Helariaseny étaient des combattants exceptionnels. Ils avaient choisi la maniabilité à la force, une épée courte, à peine plus longue qu’un glaive, des coups brefs. Ils ne cherchaient pas à tuer leurs adversaires, ils les mettaient hors de combat le plus rapidement possible puis passaient au suivant.

L’ennemi était beaucoup trop nombreux et ils n’allaient pas tarder à se faire submerger. Les quatre drows, à court de flèches, prirent leur épée et se lancèrent au cœur de la lutte. Ils firent un carnage dans les rangs ennemis, confirmant leur légende de meilleurs guerriers du monde. En dépit de cela, leur arrivée ne changea pas grand-chose, ils étaient trop peu. Le cercle de défense se rétrécissait.

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